Paru en 1999 sur PlayStation, Legend of Mana goûte au breuvage de jouvence et s’offre une seconde vie. Quatrième volet de la saga des Seiken Densetsu (série des Mana), il est l’œuvre d’une véritable dream team côté développeurs (Koichi Ishii, Akitoshi Kawazu, AKihiko Matsui, Yoko Shimomura…) et se paye le luxe d’être un spin-off (un épisode alternatif dans une saga)… de spin-off. Concrètement, les Mana sont des épisodes alternatifs de Final Fantasy et ce Legend of Mana s'avère être un spin off de Seiken Densetsu et fait le pari de s’éloigner des codes de sa propre licence. À l’époque, il avait divisé, mais il a toujours eu ses défenseurs. En 2021, qu’en est-il ? On prend notre truelle de maître-créateur (votre rôle dans le jeu) et on vous livre notre verdict.
Neuf siècles avant les évènements du jeu, le légendaire arbre Mana – source de vie et de magie – fut victime d’un terrible incendie. Cette catastrophe déclencha une guerre entre différents clans de Sages, soucieux de récupérer le peu de pouvoir qu’il restait. L’énergie de Mana fut stockée dans des reliques et le combat s’amplifia, chaque caste essayant de prendre le contrôle des fragments magiques. Les années, les décennies, les siècles passèrent et la puissance du Mana commença à décliner. Peu à peu, la paix revint sur le monde de Fa’Diel. Jadis érigé comme un Dieu, l’Arbre Mana n’est plus qu’une lointaine légende dont tout le monde se désintéresse. Jusqu’à aujourd’hui…
UNE CARTE À RESTAURER
Symbole du dépérissement de l’arbre vénérable, la carte que le joueur découvre, en début d’aventure, s’apparente à un désert sans vie. La seule exception provient d’une petite parcelle de verdure détenue par l’avatar, sur laquelle repose une charmante bâtisse. Après avoir choisi et nommer son protagoniste (héros ou héroïne), le joueur débute son périple à l’étage de cette maisonnette. En explorant les lieux, il met les mains sur une première relique ancestrale qui lui permet, une fois sur la carte du monde, de générer un environnement à visiter. À l’inverse de ses prédécesseur, plus narratif et guidé, Legend of Mana mise sur des arcs de quêtes – principales et secondaires – avec un seul et unique mot d’ordre : la liberté. La carte du monde contient plein de petits emplacements destinés à accueillir les reliques que l’on retrouve et c’est au joueur, selon ses désirs, de modeler la map (certaines reliques sont des villages, d’autres des donjons, etc.) comme bon lui semble. La progression est d’autant plus intéressante que le titre fait la part belle à l’exploration, sans véritablement donner d’indications. On arpente ainsi chaque lieu, hostile ou non, en mettant la main sur des artefacts et en rencontrant des peuples (les mêmes qui se faisaient la guerre jadis) très différents. Cet aspect « jeu de construction » dans un RPG est plutôt original et donne envie de découvrir les trois arcs principaux, plus un final, que contient l’aventure.
LA VIE EST FAITE DE RENCONTRES
Dans Legend of Mana, ce n’est pas le héros que l’on incarne qui est important, mais les peuples qui l’entourent. En effet, son histoire et sa personnalité se façonnent à mesure des rencontres et de la progression. Comme chaque arc narratif s’intéresse à un peuple, on découvre ainsi le lore de Fa’Diel et les surprises – même si les stéréotypes ne sont jamais loin – ne manquent pas. Mais là où l’on peut faire un parallèle avec l’exploration très libre (et la génération du monde), c’est qu’il est possible de se lancer dans la section finale sans avoir commencé ou terminé les autres arcs narratifs. Une nouvelle fois, Legend of Mana donne le choix au joueur de mener sa quête comme il l’entend, même si l’intérêt consiste tout de même à découvrir l’intégralité des trames scénaristiques. Ce qui est intriguant dans ce titre, c’est son aspect « jeu de gestion » lié aux poncifs du RPG classique.
Certains seront sans doute déçus par la personnalité volontairement effacée de l’avatar principal, mais on prend un certain plaisir à explorer chaque zone, à faire ses emplettes (acheter/vendre), à faire appel à des alliés (incarnés par l’IA ou un second joueur) ou encore à participer à des activités rappelant Pokémon ou les Chaos dans Sonic Adventure, c’est-à-dire en élevant et en prenant soin de créatures. Les combats, quant à eux, se déclenchent dès que l’on rencontre un ou plusieurs ennemis et l’action prend alors un tournant stratégique, avec des déplacements "par à-coups", un peu comme sur un damier. Les joutes sont en temps réel et manquent un peu de punch, mais les affrontements contre les boss font (un peu) oublier cette faiblesse. Le challenge aurait tout de même pu être plus relevé. Là, on passe son temps à marteler la touche d’action pour terrasser les ennemis et on ne ressent pas vraiment d’excitation pendant les rixes. Un coup de polish n'aurait pas été de trop. Dommage.
À l’origine, Ring Ring Land est un programme paru sur la PocketStation, une minuscule console portable de Sony rappelant le principe du Visual Memory Unit (VMU) de la Dreamcast. Avec son écran LCD monochrome et ses capacités de communication infrarouge, la machine – exclusive au marché japonais – pouvait être un parfait complément aux jeux PlayStation. Par exemple, le joueur pouvait débuter un jeu de rôle dans son salon et ensuite augmenter le niveau de ses personnages dans les transports en commun. Certes, le rendu était incomparable à celui du jeu sur téléviseur (la console n’embarque qu’une faible puissance), mais on pouvait tout de même continuer sa partie. C’est ainsi que Ring Ring Land, fourni dans la version nippone de Legend of Mana, a vu le jour. Une fois que vous avez une créature dans votre grange de monstres, vous pouvez la faire combattre pour l’entraîner et augmenter ses capacités. Et avec ce Legend of Mana Remake, il est dispo en occident ! On vous l’accorde, ça ne change pas le ressenti global de l’expérience, mais c’est un petit plus sympathique.
L’INTÉRÊT DU REMAKE ?
Le sentiment qui ressort de Legend of Mana, c’est sa progression « bac-à-sable » qui apparaît presque comme une anomalie dans la série. Façonner son monde avec les reliques, suivre un grand nombre de quêtes, récupérer de l’équipement et des pouvoirs magiques, prendre une pause en participant à un mini-jeu…. Fa’Diel a décidément beaucoup de choses à révéler (malgré une structure narrative en retrait par rapport aux précédents épisodes). Pour accompagner ce remake, les développeurs ont respecté la base de l’original en la modernisant visuellement et en l’agrémentant de quelques options. Tout d’abord, graphiquement, le mix entre personnages/objets en pixelart et décors entièrement retapés fait son effet. C’est plutôt joli, même si ce choix artistique ne plaira sans doute pas à tout le monde. Mais, au moins, les éléments en pixelart permettent de faire la distinction entre ce qui est interactif et ce qui ne l’est pas.
Ensuite, sur un plan ludique, le joueur peut désactiver entièrement les combats (à l’exception de ceux obligatoires, type les boss) et valider la présence ou non du second joueur pour que ce dernier incarne les alliés. À cela vient s’ajouter une galerie d’images et c’est à peu près tout (voir encadré Ring Ring Land). Cette réédition modernisée de Legend of Mana aurait mérité plus de nouveautés. Les mélomanes peuvent toutefois se rabattre sur la bande-son entièrement réorchestrée et donnant une rondeur inédite aux sublimes mélopées de Yoko Shimomura. Les nostalgiques, quant à eux, peuvent sélectionner les thèmes originaux de la PlayStation première du nom. Un remake somme tout honorable d’une œuvre qui continue de diviser par son approche.
Points forts
- Graphismes enchanteurs
- Le confort de la haute résolution
- Les éléments interactifs sont en pixelart...
- Les musiques réorchestrées de toute beauté
- Une durée de vie convaincante
- Traduction percutante
Points faibles
- Nouveautés sporadiques
- Pas de scénarios additionnels
- Le pixelart ne plaira pas forcément à tout le monde
- Une progression assez aisée
- Un système de combat qui aurait mérité un coup de jeune
Assez unique en son genre, Legend of Mana est un spin-off déconcertant de la saga des Mana. Plutôt agréable à l’œil avec ses graphismes en haute résolution (même si le mix 2D super nette et pixelart ne plaira pas à tout le monde), il propose plusieurs arcs narratifs pour des dizaines et des dizaines d’heures de jeu. On ne peut toutefois pas omettre les nouveautés très légères et les bonus – à l’exception des musiques réorchestrées - réduits à peau de chagrin. Legend of Mana continuera de diviser, mais si vous ne l’avez jamais fait, c’est peut-être le moment de vous laisser séduire par sa direction artistique enchanteresse et son univers attachant.