Avec Legend of Keepers, les Français de Goblinz Studio proposent une expérience originale en détournant les codes du dungeon crawler. Désormais, c'est au joueur de protéger un donjon face à des héros un peu trop curieux. À mi-chemin entre Dungeon Keeper et Darkest Dungeon, c'est donc avec cette proposition singulière, et surtout drôle, que Legend of Keepers tente de se faire un nom dans l'univers ultra-concurrentiel des Roguelite.
Diriger un donjon rempli de monstres comme une entreprise lambda. De cette idée décalée, Goblinz Studio a décidé d'en faire le point de départ de son nouveau jeu, Legend of Keepers, enfin disponible après un an d'accès anticipé. Comme d'autres titres du studio, il s'agit d'un mélange entre Roguelite et Dungeon Crawler, mais avec une certaine originalité. Tandis que Dungeon Rushers, l'un des premiers jeux des développeurs paru en 2016, permettait de visiter des donjons avec une équipe de héros, Legend of Keepers prend l'exact contre-pied de cette proposition.
Comme si ces jeux étaient les deux faces d'une même pièce, Legend of Keepers nous place à l'inverse dans la peau des monstres. Cette fois-ci, le joueur incarne le maître d'un donjon qui doit protéger un trésor et empêcher que des héros s'en emparent. Les parties prennent alors la forme d'un enchaînement de semaines au cours desquelles vous devez gérer votre donjon entre deux expéditions d'aventuriers. Recruter de nouveaux monstres, améliorer les pièges, organiser des pillages, remonter le moral de ses troupes... Chaque semaine propose des événements aléatoires parmi lesquels le joueur doit choisir. Une fois un certain nombre de tours écoulés, des héros viendront vous rendre visite pour voler votre trésor. C'est à ce moment que le jeu dévoile toute sa complexité.
Un principe de jeu accrocheur et drôle...
Avant que ces derniers ne débutent leur exploration, vous devez préparer le terrain pour compliquer au maximum la progression des pilleurs. Pour cela, le joueur doit répartir ses unités et pièges à travers les différentes pièces du donjon. Une fois la préparation terminée, les aventuriers commencent leur exploration. S'ils parviennent jusqu'à vos unités, un combat au tour par tour se déclenche alors. Chacune de vos unités dispose d'une ou de plusieurs compétences et il faut jouer sur les faiblesses de vos adversaires pour espérer l'emporter. Dans les faits, le système de combat rappelle grandement celui de Darkest Dungeon que les développeurs citent eux-mêmes comme une référence. Pour vous débarrasser de ces intrus, deux moyens s'offrent au joueur : les éliminer ou bien les faire fuir. En effet, en plus de points de vie, les héros disposent d'une jauge de moral qui peut diminuer grâce à certaines compétences. Une fois à zéro, ces derniers prennent la fuite. Face à des ennemis physiquement résistants, il s'agit d'une bonne alternative. Les afflictions (poison, brûlure, gel, fatigue...) représentent également un moyen plus efficace de venir à bout de ses adversaires que les attaques directes. Ainsi, cela permet d'affaiblir les héros pour qu'ils perdent de plus en plus de vie à mesure qu'ils s'enfoncent dans le donjon.
Cependant, si les explorateurs parviennent à vaincre vos monstres et déjouer vos pièges, ces derniers arriveront dans la salle du trésor, face à votre maître du donjon. Si ce dernier est vaincu, la partie se termine. À l'inverse, précisions qu'une partie est gagnée après avoir battu le dernier groupe de héros qui apparaît en moyenne après une quarantaine de semaines, soit 30 minutes de jeu. Qu'il s'agisse d'une victoire ou d'une défaite, votre maître du donjon gagne de l'expérience à la fin d'une partie. À chaque nouveau niveau, ce dernier récupère des points qu'il peut répartir dans un arbre de compétences pour devenir plus puissant. Ainsi, comme dans tout Roguelite, la mort ne représente pas une fatalité en soi. Libre à vous ensuite de relancer une partie avec le même personnage ou un autre puisque le jeu comporte trois maîtres du donjon à l'heure actuelle (l'Esclavagiste, l'Enchanteresse et l'Ingénieure). Chacun d'entre eux dispose de compétences propres et peut recruter différents types d'unités (orcs, morts-vivants, démons, fantômes, robots...) en fonction des parties.
Pour ce qui est de la forme, il faut saluer le travail des développeurs qui donne une véritable identité au titre. Lors des expéditions, on note que le pixel art des environnements du donjon et les sprites des monstres sont particulièrement soignés, ce qui rend l'expérience de jeu d'autant plus agréable. L'autre grande force du titre repose dans son ton humoristique qui applique les termes de l'entreprise moderne à un univers de fantasy rempli de gobelins et de démons. Par exemple, lorsque vos unités meurent en combat, elles ne disparaissent pas une fois l'expédition terminée, mais voient leur motivation baisser. Lorsque cette jauge est vide, le monstre ne peut plus être appelé en combat pendant plusieurs semaines. Pour éviter cela et remonter le moral des troupes, il faut tout simplement avoir recours à un psychologue ou faire... du team building. Et ce n'est qu'une des nombreuses situations comiques offertes par le jeu qui font souvent mouche. Enfin, pour ce qui est de la partie visuelle, on peut reprocher au titre la présence de quelques rares fautes de frappe, mais surtout le design de son interface qui est moins agréable à l'oeil que le reste des éléments graphiques du jeu.
... hélas trop répétitif
Pour ce qui est de la progression, chaque maître doit terminer cinq parties aux règles différentes avant d'avoir accès aux modes Infini et Ascension. Comme son nom l'indique, le premier permet de jouer sans s'arrêter jusqu'au Game Over, tandis que le second propose des parties aux contraintes de plus en plus compliquées. Pour peu qu'on accroche à son principe, Legend of Keepers propose suffisamment de contenu pour vous retenir quelques temps, sans pour autant atteindre une durée de vie titanesque. D'ailleurs, si les parties peuvent s'avérer trop faciles pour les habitués de Roguelite, il est possible de modifier certains paramètres afin d'augmenter ou de baisser la difficulté (durée de la partie, force des héros, vie du maître...). Ces modifications permettent également au maître du donjon de recevoir plus d'expérience si la difficulté est plus élevée.
Malgré son principe sympathique et addictif, Legend of Keepers montre rapidement ses limites contrairement à d'autres poids lourds du genre. D'une partie à l'autre, on se retrouve à choisir les mêmes unités avec lesquelles on a pris l'habitude de jouer pour reproduire des synergies efficaces. Pour contrebalancer ce problème, les cinq parties obligatoires de chaque maître imposent pourtant certaines conditions de jeu pour tenter de sortir le joueur de sa routine bien huilée. Mais en dépit de ses modes de jeux, ses trois personnages et ses unités variées, l'expérience de jeu n'en reste pas moins répétitive, surtout pour les amateurs de Roguelite. Par ailleurs, si la répétitivité est un élément caractéristique de ce genre de jeu, ici, le titre ne présente pas suffisamment de situations variées pour tenir en haleine le joueur pendant plusieurs dizaines d'heures. Cependant, notons qu'à l'avenir, il est fort probable que le studio ajoute de nouveaux contenus afin de faire rester plus durablement les joueurs.
Points forts
- Un système de jeu efficace et addictif...
- Les synergies entre unités et pièges
- Un pixel-art de qualité
- Un humour efficace
- Des modificateurs de jeu pour tous
Points faibles
- ... mais qui montre vite ses limites
- Encore trop répétitif
- Contenu léger pour un Roguelite
- Une interface un peu trop générique
Visuellement réussi et surtout drôle, Legend of Keepers parvient à fournir une expérience de Roguelite satisfaisante sans pour autant révolutionner le genre. Avec son principe de dungeon-crawler inversé, on se prend rapidement au jeu à chercher les meilleures synergies possible pour faire face aux ignobles héros. Malheureusement, malgré ces trois personnages et ces différents modes de jeu, le titre de Goblinz Studio ne parvient pas suffisamment à se renouveler pour proposer des situations de jeu variées et faire rester le joueur plusieurs dizaines d'heures de jeu. Cela n'empêche pas pour autant le titre d'être efficace, et surtout, de prêter à rire à de nombreuses occasions.