Après nous avoir mis dans les baskets de Sonic et le costume d’Arlequin de Nights, Yuji Naka nous confronte au chapeau de Balan. Accompagné de Naoto Ōshima, ancien membre de la Sonic Team et fondateur d’Artoon (Blinx : The Time Sweeper), le développeur japonais revient avec un platformer 3D coloré comme il aime en proposer. Aux commandes de Léo et d’Emma, le joueur va devoir utiliser à bon escient les différents déguisements qu’il trouve sur son chemin pour progresser. Faut-il y voir le sombre présage d’un manque d’identité ?
Le cabaret du banal Wonderworld
Mystérieusement attirés par le théâtre de Balan situé au fond d’une ruelle étroite, Léo et Emma se retrouvent aspirés dans le monde imaginaire de Wonderworld. Sous le feu des projecteurs s’anime alors un univers aux mille couleurs, tandis que l’étrange maître de cérémonie entame une danse de tous les diables. Désormais prisonnier de cet endroit aussi bariolé que son créateur chapeauté, le juvénile duo va devoir rétablir l’équilibre dans les douze contes qui composent l’épopée. Un objectif loin d’être compliqué pad entre les mains, le défi général étant clairement calibré pour les jeunes pouces. Il nécessite tout de même un sens aiguisé de l’observation. En effet, à l’image des Jinjos de Banjo-Kazooie, les statuettes de Balan sont disséminées un peu partout dans les niveaux qui composent les actes. À l’instar des étoiles de Super Mario 64, plus le joueur en trouve, plus il débloque de chapitres. Le but n’est donc pas de rejoindre la ligne d’arrivée d’un tableau mais de collectionner un maximum de statuettes, véritables sésames qui débloquent la progression. Malgré cette règle quelque peu contraignante, les développeurs ont eu l’idée louable de ne pas forcer l’utilisateur à posséder toutes ces statuettes pour afficher le générique de fin. L'explorateur attentif n'aura ainsi qu'une poignée de niveaux à refaire, muni des costumes nouvellement acquis, afin de rencontrer le boss final. Car oui, Balan Wonderworld base son expérience sur des déguisements octroyant au héros ou à l’héroïne des capacités spéciales indispensables à l'obtention des fameuses figurines dorées. Il tient donc plus du puzzle-platformer que du strict jeu de plates-formes 3D.
Des chapeaux sont cachés à divers endroits du jeu. Quand le joueur en trouve un, il incarne Balan et déclenche une séquence de QTE. S’il réussit parfaitement le passage, il débloque une statuette. À la moindre imprécision, il devra relancer l’acte pour retenter l’expérience. Il faut croire que le mot “indulgence” ne fait pas partie du vocabulaire du clown.
Au fil des actes qui ponctuent l’aventure, le joueur trouve des clés qui ouvrent des boîtes contenant des déguisements magiques. Chacune de ces tenues confère une compétence particulière au joueur : l’habit Lourbillon permet d’effectuer des tornades lors d’un bond afin de détruire des blocs, tandis que l’accoutrement Bongourou offre un saut plus long, et que l’ensemble Larbombe octroie des attaques brise-sol. Là où la plupart des platformers 3D attribuent de base ces mouvements aux protagonistes principaux de son histoire, le titre édité par Square Enix tente de diviser pour mieux régner, pour un résultat loin d’être convaincant. La faute à des choix de game design abscons. Le premier vient du système de sélection et de changement de déguisement en cours de partie. Sur le terrain, le joueur n’a que trois slots actifs pour changer de costume, à intervertir à la volée grâce aux gâchettes de la manette. Malheureusement, les transformations ne se font pas instantanément, ce qui alourdit la maniabilité et empêche tout combo en solo. L’utilisateur ne peut pas non plus choisir la tenue qu’il désire quand bon lui semble parmi tout ce qu’il a déjà débloqué. S’il a besoin de se transformer en Geckohisse afin de bénéficier de sa langue grappin alors qu’il a déjà Laporloge, Uppercourge et Flamèche d’équipés, il doit rebrousser chemin pour trouver un checkpoint et ainsi avoir accès à toute sa garde-robe. Des allers-retours qui s’avèrent forcément préjudiciables au rythme de l’épopée, d’autant plus quand il est possible de perdre en chemin un accoutrement à cause d’une attaque adverse (ou d’un saut mal géré). Dans ce cas, il faut retourner dans le tableau qui abrite l’habit fraîchement perdu afin de le récupérer. Une situation frustrante que vous rencontrerez forcément lors de votre second run, dans le but de récupérer les dernières statuettes grâce aux facultés d’escalade d’Arachnalpiniste et à la roue crantée de Minirouage.
Chapeauté et saboté
L’idée des capacités multiples aurait pu être convaincante si la Balan Company avait su apporter à chacune des transformations une réelle utilité. Le studio a fait le choix de la quantité plutôt que celui de la qualité, avec plus de 80 tenues à l’intérêt plus que discutable pour certaines d'entre elles. Nous notons effectivement des déguisements parfois futiles (Phytophare, Elastifleur, Corallègre, etc.), parfois trop proches les uns des autres (Tubabulles/Féliflotte/Cerglala, Lancelaser/Doudragon, etc.). Sûrement dans un effort d’accessibilité à destination des plus jeunes, l’équipe de Balan Company a décidé de ne proposer qu’une seule et unique touche d’action à son jeu de plates-formes 3D. La plupart du temps, cette touche permet de sauter. Mais parfois, elle exécute la compétence d’un déguisement, comme envoyer une boule de feu. Cela signifie que certaines tenues empêchent tout bonnement de sauter… au sein d'un platformer 3D bourré d’obstacles ! Dans le but de contourner cet incroyable problème de design, les développeurs ont ajouté des pouvoirs qui s’actionnent aléatoirement plutôt que de les paramétrer sur la touche d’action/de saut. Le résultat est comme vous l’imaginez : imprécis et frustrant. Nous aurions été compréhensifs si le titre, qui s’adresse avant tout aux enfants, ne comportait pas autant de problèmes de caméra. À quoi cela sert de simplifier autant la maniabilité, engendrant de terribles lacunes pour le genre, alors qu’en parallèle il est demandé d’être un pro des sticks pour trouver les statuettes, attaquer les adversaires et éviter de tomber dans les nombreux trous ? Les Mario en 3D ont pourtant prouvé que les plus jeunes pouvaient s’adapter aisément à une maniabilité reposant sur plusieurs boutons, plus à même de livrer de bonnes sensations de jeu.
Balan Wonderworld intègre un mode coopération qui se joue uniquement à deux en écran partagé. Dans cette configuration, il est possible d’atteindre des endroits inaccessibles en solo, à l’image de certains passages où un joueur doit actionner un interrupteur pendant que l’autre progresse.
Balan Wonderworld n’est pas dénué de qualités pour autant. Doté de graphismes aux couleurs chaudes ainsi que de mélodies joviales (inspirées parfois d'œuvres célèbres), il rappelle une époque révolue, quand les platformers 3D menaient la danse. Les joyaux qui jouent une petite mélodie une fois ramassés ne sont pas innocents dans cette impression agréable de jouer à une aventure se déroulant au sein de l’univers de NiGHTS. Les Tims, des espèces de Chaos à faire évoluer grâce aux pierres collectées, sont mignons en plus d’être débrouillards (les rouges attaquent, les roses ramassent les objets cachés, etc.). Les douze contes exposent des niveaux et des histoires variés qui ne traînent pas en longueur : chaque acte se boucle en deux tableaux puis par un affrontement contre un boss, avant que le endgame ne rajoute un niveau supplémentaire aux chapitres. Néanmoins, malgré l’importance que prend la musique dans l’univers de Wonderworld, nous ne constatons pas de mécanique liée au son. Il y a bien des ondes qui s’animent au gré des mélodies sur le décor, mais aucun élément ne se sert des sonorités comme élément de gameplay. Même la tenue de Corallègre, qui transforme pourtant Léo et Emma en musiciens, ne déclenche pas un mini-jeu de rythme. Enfin, le level design du soft édité par Square Enix manque d’originalité et n’arrive que trop rarement à mettre le travail des artistes en valeur. Les niveaux linéaires (à de rares exceptions près) peinent à livrer une lecture efficace, et leur aspect “éclaté” peu agréable à l’œil ne fait que nourrir cette impression d’être perdu dans un grand brouillon.
Points forts
- Des graphismes aux couleurs chaudes
- Beaucoup de niveaux, et des ambiances variées
- Les boss plutôt bien fichus
- Les petites histoires des contes sont sympathiques
Points faibles
- Jouabilité pauvre et imprécise
- Un level design qui manque d’inventivité
- Système de costumes très mal pensé
- Caméra capricieuse
- Certains personnages ne sautent pas, dans un platformer 3D...
- Quelques transformations inutiles/qui font dans la redite
- Des temps de chargement très longs sur PS4 et Xbox One
Dans ce grand cirque qu’est Balan Wonderworld, Yuji Naka et Naoto Ōshima tentent un délicat numéro de funambule. Véritable platformer 3D proposant une part non négligeable de puzzles, l’œuvre des vétérans de la Sonic Team peine à arracher un sourire de satisfaction, quand bien même le clown Balan livrerait des niveaux aussi colorés que son foulard. Frustrant dans sa jouabilité, abscons dans la plupart de ses règles, le soft chute sans filet. Pas de coup de théâtre à signaler : tel un homme-canon aviné, Balan Wonderworld rate sa cible. Trop imprécis pour les plus jeunes, trop basique pour les fans du genre, il ne peut compter sur aucun de ses costumes pour dissimuler ses carences.