Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir ? Peut-être, mais de l’amour, le héros de Genesis Noir en a au moins autant à revendre que ses montres. Perdu dans un conflit contre des êtres cosmiques, l’énigmatique personnage va devoir remuer cieux et temps pour sauver l’étincelante Miss Mass. En présentant un pitch aussi stratosphérique, les équipes de Fellow Traveller assument le fait qu’elles n’ont pas vraiment les derbies sur terre. Quant au joueur, jazz dans les oreilles et paillettes devant les yeux, il va vivre une aventure qui ne peut décidément pas être enfermée dans une case.
Big Bang sensoriel
Ceci n'est pas une défaillance de votre moniteur, n'essayez pas de régler l'image : oui, Genesis Noir est un jeu qui ne ressemble à aucun autre. Vendu comme un point and click regorgeant de puzzles, il est en fait une sorte de roman graphique interactif jouissant d’une direction artistique sans pareil. Savant mélange de 2D et de 3D, le soft s’amuse avec les perspectives, les formes, les matières, les couleurs ainsi que l’éclairage, comme ce que nous avons généralement l’habitude de voir du côté de l’illustration. Chaque plan de chaque séquence pourrait être capturé, imprimé puis fièrement affiché sur un mur. Genesis Noir est un uppercut esthétique dont la force est amplifiée par la réussite de ses multiples expérimentations. Qu’il s’agisse de la manière dont sont utilisés les calques ou de la façon dont s’enchaînent les scènes, le point and click collectionne les trouvailles visuelles bien senties. Nous regrettons juste une caméra qui hoquète de temps à autre, ainsi que la présence de quelques bugs qui nécessitent – si vous n’avez pas de chance – de relancer le chapitre en cours.
Vous l’aurez compris, la direction artistique nous laisse pantois d’admiration. L’aventure étant particulièrement courte (4h10 montre en main pour récupérer les 1000 points de Succès), nous n’allons pas trop nous étendre sur le scénario volontairement cryptique, mais largement compréhensible. Il faut néanmoins garder à l’esprit de l’avoir bien ouvert : l’infiniment petit rejoint l’infiniment grand dans cette enquête peu ordinaire où se mêlent amour, univers bulles, vengeance et musique. À propos de musique, sachez que l’ambiance sonore du titre est également excellente, portée par des morceaux bien sélectionnés et par un sound design de premier ordre. Les sons s’ajoutent, fusionnent, apparaissent, disparaissent, bref, participent à la construction de l’histoire exposée à l'écran. Les dialogues étant globalement absents du périple, la grande qualité de l’ambiance sonore prend ici tout son sens. Du coup de feu derrière le Big Bang à la dernière danse hallucinante (littéralement), Genesis Noir ravit nos yeux et nos oreilles. Du grand spectacle.
Coup de blues ludique
Contrairement à un nombre considérable de point and click déjà sortis, Genesis Noir ne propose ni inventaire, ni boîte d’actions. Par voie de conséquence, le titre de Fellow Traveller se laisse apprivoiser facilement sans qu’une énigme ou qu'une situation particulière ne vienne perturber la progression du joueur (à l'exception de l'énigme avec les oscilloscopes, vers la fin de l'épopée). En réalité, avec ses séquences d’exploration en contrôle libre, l’aventure ressemble à un simulateur de marche déguisé, impression renforcée par le fait que certaines séquences se déroulent comme on tournerait les pages d’une bande dessinée, le stick enfoncé vers l'avant. Dans cette épopée placée sous le signe de l’amour, les niveaux se suivent et les puzzles se ressemblent. Au premier abord, Genesis Noir met un point d’honneur à étonner le joueur par l’intermédiaire d’une succession de mini-jeux. Au menu : faire avancer le temps comme si le ciel n’était qu’un vulgaire disque, toucher les nuages pour faire tomber la pluie, connecter des orbes, arracher les pétales d'une fleur ou encore assembler des pièces de puzzle. À de rares exceptions près (comme les bonnes paires d’amoureux à concevoir), ces séquences peinent à se renouveler et se révèlent peu intéressantes dans leur exécution. Sûrement pensés pour être joués sur l’écran tactile de la Switch, les mini-jeux perdent un peu plus de leur intérêt sur Xbox One/Xbox Series.
En écho à la scission évoquée durant l’épopée, la balance entre la direction artistique et le gameplay est complètement déséquilibrée. D’un point de vue strictement ludique, Genesis Noir ne propose donc rien de remarquable. Avec un univers comme le sien, nous aurions pourtant pu espérer des mini-jeux d’un autre calibre. En outre, la maniabilité pendant les puzzles est loin d’être optimale : nous aurions aimé pouvoir nous servir du joystick droit pour tourner autour des éléments ramassés ou pour nous orienter lors des moments de recherche, plutôt que de tout faire via le stick gauche. D’une façon plus générale, il est regrettable de noter une telle disparité de qualité entre les chapitres. Si “Improvisations” ou “Enquête sur la relativité” accumulent les bonnes idées, “Dégel” et “Récolte” flirtent avec le remplissage. Pas de quoi nous faire regretter ce voyage disponible dans le Game Pass, mais suffisamment pour nous laisser imaginer ce que Genesis Noir aurait pu être si toutes les planètes s’étaient alignées.
Points forts
- Une esthétique comme nulle autre
- Superbe ambiance sonore
- Scénario original
Points faibles
- L’aspect strictement ludique largement en retrait
- Des puzzles basiques qui se renouvellent peu
- Pas de sauvegarde en cours de chapitre
- Encore quelques bugs
Jouer à Genesis Noir, c’est plonger dans un univers à l’originalité rare. Soutenue par une direction artistique incroyable, l’histoire narrée réserve des moments marquants. Malheureusement, du côté du gameplay, c’est un peu le trou noir ludique. Les quelques puzzles se suivent et se ressemblent, sans grand génie ni belle inventivité. Bien que la balance esthétique/mécaniques de jeu soit totalement déséquilibrée, le titre de Fellow Traveller se révèle intéressant à parcourir. Un trip pas comme les autres qui se regarde plus qu’il ne se joue : nos yeux scintillent, mais nos mains n’y trouvent pas totalement leur compte.