Un Souls-like avec de la plateforme, du monde semi-ouvert et une chouette DA, ça vous dit ? C’est en tout cas ce que propose sur le papier Shattered - Tale of the Forgotten King, un action-RPG conçu par les lyonnais de Redlock Studio. Le titre est en accès anticipé depuis juin 2019 et vient tout juste de sortir en version complète sur PC. Voici notre verdict.
Depuis la sortie de Demon’s Souls et surtout de Dark Souls en 2011, la recette imaginée par FromSoftware a été cuisinée à quasiment toutes les sauces : on la retrouve bien sûr dans des jeux en 3D mais aussi en 2D, où les phases de plateformes se mêlent aux combats exigeants. Shattered - Tale of the Forgotten King dresse un pont entre les deux approches. Le titre mélange des niveaux et un gameplay tout droit sortis d’un Souls avec des sauts dans tous les sens - parfois en 2.5D - ainsi qu'un monde semi-ouvert. Pas mal d’ingrédients qui font du jeu de Redlock Studio une expérience généreuse et prenante, malgré quelques défauts.
Petit point scénario avant toute chose. Comme dans un Souls (préparez-vous à lire souvent cette phrase), l’univers et l’écriture Shattered sont assez mystérieux. L’équipe lyonnaise nous plonge dans la peau d’un Voyageur devant parcourir les terres dévastées d’Hypnos, dont le Roi est porté disparu. Votre mission : abattre les quatre êtres responsables de l’absence du monarque, et redonner au monde sa splendeur d’antan.
“J'suis pas qu'un Souls man”
Tout ce joli programme est d’abord incarné par la très jolie patte artistique de Redlock Studio, qui fait souvent mouche via une technique pure qui lorgne du côté du low-poly (des formes et des textures simples). Une DA qui s’amusera d’ailleurs à faire varier assez drastiquement les ambiances au fil de l’aventure, parfois au détriment d’une certaine forme de cohérence. Mais les efforts de Shattered payent : c’est un plaisir de passer des vallées luxuriantes aux forêts lugubres, des cités noyées dans le crépuscule aux montagnes enneigées. Surtout que chaque lieu renferme son lot de secrets (le titre sait récompenser l’exploration), grâce à un level design tarabiscoté comme on aime, quoique de temps en temps un peu trop labyrinthique pour ce qu’il a à offrir, car la direction artistique n'est pas toujours aussi réussie. Sans oublier les personnages qui peuplent ces lieux, dont les mots cryptiques vous aideront à comprendre dans quel monde vous avez mis les pieds.
Shattered - Tale of the Forgotten King : Les 20 premières minutes de l'aventure (Gameplay)
Pour rappel, nous sommes dans un Souls-like, et les phases d’exploration ne se résumeront pas à cueillir des pâquerettes et discuter du beau temps. Vous l’aurez compris : les ennemis ne manquent pas dans les contrées d’Hypnos. Pour vous en défaire, Shattered met à disposition un système de combat très similaire à la série de FromSoftware. On retrouve ainsi une barre d’endurance (qui se consommera à mesure que vous assénez des coups, esquivez, sautez) et des points de magie pour - spoiler - utiliser des sorts. Mais aussi les fameux coups légers et puissants placés sur les gâchettes de la manette, et bien sûr la parade.
Du bon et du moins bon
Le rythme même des affrontements se veut très proche d’un Souls, car assez lent et dans la lecture des patterns ennemis. Malheureusement - et c’est sans doute le plus gros point noir du jeu - les combats de Shattered ne sont pas à la hauteur. Pourquoi ? Ils sont assez rigides, notamment car il est impossible d’esquiver immédiatement à la fin d’un combo, et donc d’être réactif au moment de recevoir un coup. En parlant de coups, ceux des vilains sont peu amples, et donc difficiles à prévoir, en particulier si vous tentez une parade. Le résultat est au final assez flottant voire frustrant, et procure peu de plaisir. Surtout que les armes du Voyageur se limitent aux épées plus ou moins lourdes ou légères, et qu’elles ont quasiment toutes les mêmes enchaînements (qui ne sont pas bien nombreux). Il y a aussi le bestiaire, trop mince, qui peine à se renouveler. Pour un jeu du genre qui dure plus de 20h, ça fait un peu léger. Et les sorts ne relèvent malheureusement pas la barre.
Des défauts qui s’appliquent davantage aux combats “de base”, lors des phases d’exploration, et beaucoup moins aux affrontements de boss, bien plus lisibles, dont les plus importants ont fait l’objet du plus grand soin, tant pour la bande-son, que la DA et les patterns. Des duels qui mettent parfois à profit la 2.5D, qui n’est d’ailleurs clairement pas le point fort du titre en temps normal, car trop imprécis pour les combats d’un Souls-like et pas suffisamment engageant du point de vue de la plateforme. Le tout vient toutefois agréablement rythmer la progression, à l’image de ce moment surprenant où le titre devient un monde semi-ouvert. L’un dans l’autre, on pardonne presque les errances de Shattered, tant il fait preuve de bonne volonté.
Plus épuré, plus accessible
En parlant de progression, celle-ci reprend également certains gimmicks des Souls : dans le titre de Redlock Studio, on retrouve l’équivalent des feux de camp, checkpoints qui permettront de réapparaître après un échec ; mais aussi une sorte de Nexus, hub où vous pourrez monter en niveau grâce aux "âmes" amassées et améliorer votre arme. Et comme chez FromSoftware, il faudra retourner sur les lieux du crime pour récupérer vos points d’expérience. À la différence que dans Shattered, quelques coups sur l’ennemi en question suffisent, et qu’une chute malencontreuse ne vous fera rien perdre du tout. L’ensemble semble s’inscrire dans une volonté de rendre le genre du Souls-like plus accessible, et d’autres détails vont dans ce sens.
Car dans le titre de Redlock Studio, il n’y a par exemple pas d’équipement pour améliorer la défense de votre personnage (ou pour changer son look d’ailleurs) : tout se fait via les points d’expérience, dont les catégories à améliorer - santé, force, endurance, etc - sont moins nombreuses que dans les classiques du genre. Idem pour les épées et les sorts, qui se récupèrent à des moments clés de l’aventure et qui ne demandent aucun pré-requis pour être utilisés. Et encore idem pour les items de soin, où une forme de Fiole d’Estus (qui se recharge après chaque passage au “feu de camp”) peut être utilisée en parallèle de collectables qui redonnent de la santé. Bref, Shattered opte pour une approche épurée du Souls-like. Un choix plutôt malin, qui permet de se concentrer sur l’exploration et les combats, ces derniers étant facilités par l’aspect platformer du titre, qui permet de sauter et de dasher en l’air. Au final, Tale of the Forgotten King a pas mal d’arguments pour interpeller et donc intéresser, en plus de proposer une durée de vie conséquente.
Points forts
- Une vraie DA qui sait varier les ambiances
- Quelques très bons combats de boss
- Une aventure qui se renouvelle bien
- Souls-like épuré et accessible
- Durée de vie solide
Points faibles
- Les combats, rigides et peu jouissifs
- Un seul type d’arme, ça fait un peu léger
- Bande-originale souvent en retrait
En mariant action-RPG à la Dark Souls et phases de plateforme, Shattered - Tale of the Forgotten King tente des choses mais néglige quelque part le plus important, pour une aventure certes longue et variée mais assez perfectible. Le plus gros reproche que l'on pourra faire au titre, ce sont ses combats, rigides et imprécis quand il faut abattre les ennemis de base (dont le bestiaire n'est pas bien grand), ce que vous aurez largement l'occasion - voire l'obligation - de faire au cours de votre partie, Shattered se basant comme ses pères sur un système d'âmes à récolter pour améliorer son personnage. Mais outre ce défaut qui revient régulièrement à l'esprit, les affrontements de boss ainsi que la direction artistique du titre sont très réussis, ce qui donnera toujours envie d'avancer pour découvrir de nouveaux environnements variés et façonnés avec talent. La structure même du titre, qui mélange phases de plateformes en 2,5D et caméra à la troisième personne, fait aussi de son mieux pour se renouveler, malgré quelques égarements niveau level design et DA. Il en ressort un titre tout de même réussi, qui pourra intéresser les fans du genre. Mais pour lequel il faudra parfois s'accrocher pour en découvrir le véritable éclat.