La Bloober Team (studios polonais derrière Layers of Fear, Observer et Blair Witch) poursuit avec The Medium son périple horrifique entamé en 2016. Ce thriller psychologique et surnaturel porte sur ses épaules le statut de première véritable exclusivité Microsoft destinée aux Xbox Series X/S ainsi qu’aux PC. Ce jeu est-il finalement le digne représentant de la neuvième génération de consoles ?
Voices from the Veil
L’histoire de The Medium débute en 1999 dans la ville de Cracovie, et s’attarde sur une femme aux aptitudes surprenantes. Depuis son plus jeune âge, Marianne parvient malgré elle à percer le voile séparant les plans matériel et spirituel, et est le témoin de nombreuses visions dont l’une particulièrement marquante… celle du meurtre d’une pauvre enfant près d’un lac. Suite à la mort de son père adoptif, notre héroïne reçoit l’étrange appel d’un dénommé Thomas qui l’invite à le rejoindre dans les ruines du complexe hôtelier Niwa bâti autrefois dans les bois bordant la cité polonaise. Ce mystérieux personnage pourrait selon ses dires lui apporter plusieurs éléments de réponses concernant les nombreuses questions qui hantent jours et nuits la protagoniste. C’est ainsi que débute The Medium.
La Bloober Team s’inspire ouvertement des productions horrifiques japonaises des années 90 (Fatal Frame, Forbidden Siren, Resident Evil 3, Silent Hill 2) pour faire naître la peur dans le cœur des joueurs. Pour cela, les studios polonais misent sur des caméras préprogrammées, une modernisation des plans fixes autrefois utilisés dans les jeux précédemment cités. Ce choix de mise en scène atteste des ambitions cinématographiques des créateurs qui s’approprient codes et autres plans caractéristiques du genre pour imprégner l’aventure d’une tension de chaque instant. Il est indéniable que les équipes derrière ce projet maîtrisent leur sujet. Le contraire aurait été étonnant.
Même si The Medium souffre dans sa première partie d’un manque notable de rythme, la seconde moitié de ce voyage paranormal gagne véritablement en intensité, surprend avant de nous traîner de force dans un récit sombre et poisseux où les pires travers de l’Homme prennent littéralement vie sous nos yeux. La Bloober Team ne lésine à aucun moment sur les moyens, et donc les cinématiques de bonne facture, pour conter les mésaventures de Marianne et aborder des thématiques fortes qui ne laissent personne indifférent. Difficile de décrocher sans connaître la fin de ce récit parfois perfectible, mais ô combien touchant.
Gameplay : Les 30 premières minutes de l'aventure
The Artists
L’atmosphère si particulière qui caractérise ce thriller psychologique en fait une oeuvre singulière fortement inspirée par le brutalisme architectural soviétique, déjà aperçu dans Control, ainsi que les peintures torturées de Zdzisław Beksiński, un artiste polonais spécialisé dans les visions ultra détaillées de mort et de décomposition. L’alternance entre ces deux mouvements artistiques venus d’Europe de l’Est donne le ton, et crée un univers tangible où le réalisme géométrique et bétonné du réel côtoie les enchevêtrements cauchemardesques et torturés du plan spirituel.
La version PC de The Medium a quelques atouts techniques par rapport à son homologue sur Xbox Series. Deux mots à retenir : ray-tracing et DLSS. Comme d’habitude, il faut posséder une carte GeForce RTX (à partir de la 2060) pour profiter des deux technologies, qui sont ici particulièrement indissociables. À noter que les Radeon RX 6800/6800XT sont compatibles aussi avec le ray-tracing, mais n’ont pas le DLSS.
The Medium sur PC est en tout cas sacrément gourmand : Bloober Team précise en effet qu’une RTX 2060 sera tout juste suffisante pour faire tourner le jeu en Full HD à 30 FPS au niveau de détail “moyen”. Si vous rêvez d’y jouer en 4K avec le ray-tracing au taquet, il vous faudra une GeForce RTX 3080… L’addition est donc salée.
Gameplay : Découverte de la version PC en ultra avec ray tracing
Concrètement, le ray-tracing dans le jeu de Bloober Team apporte essentiellement des reflets plus réalistes, que ce soit dans les flaques d’eau ou dans les nombreux miroirs du jeu et c’est à peu près tout. Soyons francs : l’intérêt visuel n’est pas probant et l’activation du ray-tracing, même avec le DLSS, fait perdre de précieux FPS. Bien entendu, The Medium est le genre de jeu qui peut tout à fait s'accommoder de 30 FPS, mais le gain visuel n’est, à notre avis, pas suffisant par rapport à la perte de fluidité. Lorsque le RT est coupé, le titre tourne par ailleurs sans trop tousser à partir de la GeForce GTX 1660 Super.
Akira Yamaoka nous fait l’honneur de sa présence, et rejoint les rangs de la Bloober Team. Ce compositeur ayant autrefois fait parler son talent sur la saga Silent Hill, collabore désormais avec Arkadiusz Reikowski (Blair Witch, Layers of Fear, Observer) pour composer la bande originale de The Medium. Il en résulte des partitions souvent touchantes qui accompagnent harmonieusement les visuels. The Medium est une véritable œuvre artistique fortement inspirée et inspirante sachant manier les références avant de s’en libérer afin de créer un style qui n’appartient à nul autre. Néanmoins, The Medium n'est pas la claque technique "Next Gen" tant attendue, principalement du fait de ses animations et de ses effets de particules. Le jeu demeure agréable à l'oeil et fluide (même sur Xbox Series S), mais ne décroche jamais la rétine par ses prouesses purement techniques.
Gameplay : Bienvenue à l'hôtel Niwa
The Other Side of the Mirror
The Medium, d’un point de vue gameplay, repose majoritairement sur un concept simple, celui de la dualité entre deux plans d’existence. “La seule chose plus terrifiante que la cécité est d'être le seul à pouvoir voir.” Ces mots de l’écrivain et journaliste portugais José Saramago résument parfaitement la vision de la Bloober Team sur ce projet. Les pouvoirs de médium de Marianne lui permettent de voir au-delà du réel et d'interagir sur le plan spirituel. L’héroïne alterne ainsi entre ces deux mondes pour se frayer un chemin dans le complexe hôtelier de Niwa, une alternance régie par les besoins de la narration et donc placée entre les mains des scénaristes et non des joueurs. Afin de renforcer cette impression d’être constamment tiraillé entre deux réalités, l’aventure se joue pour un tiers en écran partagé.
La principale interrogation concernant The Medium était la capacité de la Bloober Team à exploiter à fond son concept principal… l’alternance…, et cette promesse est tenue. L’aventure est jalonnée de puzzles nécessitant de passer d'un plan d’existence à l'autre pour progresser. Pour ce faire, l’héroïne peut compter sur sa perception accrue de ce qui l’entoure aussi appelée “Vision” et sa capacité à détacher son esprit de son corps pour se mouvoir librement dans le monde spirituel. Les studios polonais mettent simplement à profit leur vision vidéoludique sans pour autant parvenir à surprendre. The Medium ne se démarque à aucun moment par ses énigmes qui ont tout de même le mérite de forcer Marianne à utiliser l’ensemble de ses aptitudes selon les situations présentées.
La quête de Marianne n’est pas de tout repos. Cette dernière est fréquemment menacée par des entités métaphysiques. Ces incarnations des émotions négatives des êtres humains (tristesse, culpabilité, honte, colère…) traquent les âmes errantes, mais ne demandent qu’à être libérées de leur éternelle souffrance. Notre héroïne a toutefois du répondant, et peut faire appel à ses pouvoirs psychiques (Spirit Shield et Spirit Blast) pour se défendre et repousser les assauts d’un ennemi en particulier… The Maw. Cette créature belliqueuse interprétée par Troy Baker (Death Stranding, God of War, Marvel’s Avengers, The Last of Us Part II) fait office de Némésis, et poursuit sans relâche Marianne aussi bien sur le plan matériel que spirituel.
Dans le monde physique, les entités psychiques sont invisibles. Seul un sens aiguisé de l’observation, de la dissimulation et de la diversion est alors en mesure de sauver une héroïne privée de certains de ses pouvoirs. Malheureusement, aussi intenses soient ces séquences où la mort côtoie de près Marianne, celles-ci sont bien trop clairsemées pour parvenir à faire chavirer définitivement les joueurs. Oui, ces moments de pure tension n’ont rien à envier aux autres survival-horror, mais délivrés au compte goutte, ces derniers perdent assurément de leur influence sur le reste de l’aventure pour devenir au final anecdotiques.
Gameplay : Fuir un esprit tourmenté
Points forts
- Un thriller psychologique adulte aux thématiques fortes
- La mise en scène cinématographique et horrifique
- La direction artistique inspirée (brutalisme, Zdzisław Beksiński)
- Les compositions musicales d'Akira Yamaoka et Arkadiusz Reikowski
- La présence d’un Némésis interprété par Troy Baker
- L'exploitation des plans physiques / spirituels et des pouvoirs
Points faibles
- Une aventure (trop) linéaire
- Une absence notable de rythme durant la première partie de l'aventure
- Un sentiment de danger et d’urgence souvent absent
- Une réalisation technique en retrait
La Bloober Team délivre un thriller psychologique et surnaturel aux multiples influences maîtrisées, et au récit à la fois sombre et touchant. The Medium est une œuvre artistique à part entière, à la fois visuelle et musicale, dont l’univers mérite d’être parcouru. Le studio polonais parviennent également à tirer profit de cette dualité ludique entre les plans physique et spirituel sans pour autant innover outre mesure au cours d’une aventure linéaire. La menace qui pèse sur Marianne, aussi intense soit-elle par instant, perd quant à elle trop souvent en intensité pour marquer durablement les joueurs. The Medium est en définitive une expérience horrifique “arty” à l'image des précédentes productions des développeurs.