Annoncé lors du Xbox Showcase de mai dernier, Call of the Sea est le premier titre du jeune studio Out of the Blue. On y suit les aventures de Norah, une femme atteinte d’une mystérieuse maladie qui doit se rendre sur une île tout aussi mystérieuse pour retrouver son mari, disparu dans des circonstances… mystérieuses. Bref, pas mal de secrets à découvrir par vous-mêmes. En attendant, voici notre avis.
Ce test a été réalisé avec un code PC de Call of the Sea. À noter que le titre sera disponible dès son lancement, le 8 décembre, dans le Xbox Game Pass (xCloud, console et PC).
Call of the Sea a de quoi donner envie. Voilà quatre ans que l’excellent Firewatch est sorti et que les férus de balade champêtre et de scénario nimbé de mystères - dont je fais partie - n’ont pas eu de nouvelle aventure à se mettre sous la dent. Si le titre d’Out of the Blue rappelle tant celui de Campo Santo, c’est notamment pour son côté nature, très coloré, et son aspect narratif ambitieux, du moins sur le papier. On retrouve d’ailleurs Cissy Jones (actrice qui avait insufflé tant de vie et de personnalité au personnage de Delilah dans Firewatch) dans le rôle de Norah, rôle principal qu’incarne le joueur dans ce Call of the Sea.
Mais il faut préciser d’entrée : le titre de Campo Santo et celui d’Out of the Blue sont très différents. Le premier est construit autour d’une narration précise qui dicte le rythme et les événements rencontrés par le joueur. Alors que pour le second, ce sont les énigmes (et le temps que le joueur mettra à les résoudre) qui dictent la cadence. On sent malgré tout que Call of the Sea souhaite jouer sur les deux tableaux. Qu’il veut à la fois raconter ce qu’il s’est passé sur cette île, mais aussi faire en sorte que le joueur se creuse la tête devant différents mécanismes. Le problème, ce que Out of the Blue n'excelle ni dans l'un ou l'autre.
Si les versions PC et Xbox Series sont très similaires, nous avons noté pas mal de différences sur Xbox One. Au-delà de quelques effets d'aliasing sur des chutes d'eau, le rendu des liquides est globalement moins réussi que sur les deux autres moutures, avec un côté brillant très présent et des effets de lumière plus fades. Nous avons aussi noté pas mal de problèmes techniques sur One, avec des éléments du décor qui disparaissent et apparaissent soudainement. Des problèmes qui devraient être réglé avec le patch day one de Call of the Sea.
Un bon cap
Pour vous expliquer pourquoi, autant reprendre au début. Il faut le dire : Call of the Sea émerveille dans ses premiers instants, qui s’ouvrent sur une séquence sous-marine bien mise en scène et intrigante. Le joueur fait alors la connaissance de Norah, notre exploratrice en herbe, rendue rapidement attachante par le timbre de Cissy Jones ainsi que tous les mystères qui entourent sa maladie et la disparition de son mari.
Cette bonne première impression, elle se prolonge sur les trois premiers chapitres du jeu (il y en a six en tout, pour une durée de vie totale d’environ six heures). Out of the Blue montre ainsi une jolie souplesse dans sa direction artistique, capable de retranscrire avec brio le soleil brûlant sur le sable blanc, la lumière qui perce une épaisse forêt ou une carcasse de navire échouée en pleine tempête. Le tout est en revanche moins réussi au-delà du Chapitre 4, mais nous y reviendrons plus tard.
Call of the Sea - Les 20 premières minutes du jeu (Gameplay)
Ce cadre de carte postale est rythmé par les découvertes successives de Norah, qui trouvera des indices à propos de son mari et de l’expédition qui l’accompagnait. D’ailleurs, Call of the Sea a le bon goût de dévoiler les interactions d’objets lorsque le joueur est vraiment à proximité. Autrement dit, pas de super pouvoir pour analyser la zone en une seconde et repérer une lettre, une photo, ou un objet décisif. Il faudra bien fouiller les alentours. Une bonne idée pour rendre tangible la quête de réponses de Norah. De plus, ne option permet d’afficher seulement un objet clé quand le joueur passe son pointeur, pour plus d’immersion.
Pour les énigmes, vous passerez régulièrement devant des mécanismes mystérieux avant de rassembler les indices / objets qu’il faut. Pour vous faciliter la tâche, Norah prend des notes ou dessine chaque item important, vous permettant de retrouver une info sans enchaîner les allers-retours (même si le personnage “oublie” quelques fois d’indiquer un élément crucial). En revanche, vous savez dès que Norah note quelque chose, et donc que tel objet est important. Vous aurez ainsi parfois le réflexe de regarder directement votre journal plutôt que l’indice lui-même, dans le jeu. Un détail plutôt dommage, surtout que beaucoup d’énigmes sont des casses-têtes environnementaux.
Mal de mer
Ainsi, malgré quelques défauts, la première moitié de Call of the Sea se fait très bien et donne envie d’en voir plus. Malheureusement, un événement au début de la seconde moitié vient totalement désamorcer la quête de vérité de Norah, et donc n’incite plus vraiment le joueur à avancer. Sans trop vous en dévoiler, le personnage principal subit un sacré changement et semble totalement oublier la recherche de son mari, même si quelques tirades par-ci par-là tentent de nous le rappeler, avant que le tout refasse soudainement surface un peu plus loin.
C’est d’ailleurs à ce moment que l’on perçoit l’une des plus grosses lacunes d’Out of the Blue : l’écriture. Car si le début de l’aventure fonctionne bien de ce côté-là (malgré une écriture trop descriptive), la seconde moitié de Call of the Sea sonne très creux. Norah décrit principalement ce qu’elle voit, fait et devient, et ce ne sont pas les anecdotes d’enfance et les “old pal” (littéralement, “vieux pote”) désignant son mari qui parviennent à émouvoir. Le tout est très mécanique, voire forcé, la performance de Cissy Jones ne parvenant pas à relever la barre, tout comme celle de son compagnon in-game, pourtant interprété par Yuri Lowenthal, alias Spider-Man en VO dans le titre d’Insomniac Games.
Call of the Sea - En quête d'indices (Gameplay)
Ce côté mécanique semble lié au game design même de Call of the Sea. Ce sont en effet généralement les interactions avec des objets qui déclenchent les dialogues, ce qui donne un personnage assez robotique qui réagira seulement à des instants précis (cela se ressent surtout dans la seconde moitié du jeu, où Norah décrira parfois littéralement ce qu’il y a en face d’elle) allant même jusqu’à créer des situations où plus personne ne dit rien, lorsque le joueur fait des allers-retours à la recherche d’indices pour résoudre une énigme (notez d’ailleurs qu’il n’existe pas de système d’aide pour les casses-têtes).
Pour compléter le tableau, les actions du joueur ne reflètent pas les changements brutaux que rencontre Norah (même si une nouvelle phase est de la partie). Avec une intrigue qui tire énormément sur le fantastique, Call of the Sea a un peu trop recours au “tais-toi, c’est magique” pour embarquer le joueur, surtout avec une aventure qui commence les pieds bien ancrés sur terre. Il est alors difficile de s’impliquer dans des énigmes parfois tirées par les cheveux, alors que le personnage lui-même semble détaché des événements (ce qui entrave toute volonté de percer un nouveau secret). Sans oublier une DA beaucoup moins marquante sur la seconde partie et des révélations finales abruptes. Call of the Sea laisse un goût d’inachevé.
Points forts
- Une très chouette DA, surtout au début
- Les passages fantasmagoriques
- Une histoire intrigante
Points faibles
- Une seconde moitié très contrastée (DA et narration)
- Un recours au “tais-toi, c’est magique” trop présent
- Certaines énigmes pas bien passionnantes
- Des révélations finales rushées
- Comme un goût d’inachevé
Une fois terminé, Call of the Sea laisse un arrière-goût salé, d'inachevé. Le titre avait pourtant tout pour réussir : DA qui peut parfois faire des merveilles (le Chapitre 1 et sa sublime jungle), histoire intrigante propice à de nombreux rebondissements et un casting cinq étoiles (Delilah de Firewatch et Spider-Man du titre d’Insomniac). Mais passé la moitié du jeu, tout sonne soudain faux. Les changements brusques rencontrés par Norah, qu’incarne le joueur, ne la bouleversent pas plus que ça, si bien que la disparition de son mari passe au second plan. La manque de matière côté narration désamorce alors tout le reste de l’aventure : les énigmes, qui se reposent beaucoup sur des mécanismes physiquement impossibles et dont on peine souvent à croire, paraissent désuètes, tant la jeune femme semble avoir trouvé ce qu’elle était venue chercher. C’est aussi dans cette seconde moitié que la DA perd de son charme et que les révélations finales offrent une conclusion abrupte à une aventure qui manque de subtilité. Dommage pour un jeu qui commence aussi bien, même si l’aventure vaut quand même le coup d'œil.