En 2012, le directeur artistique Matt Nava met au point, sous la houlette de thatgamecompany, un certain Journey, une œuvre poétique qui, rapidement, séduit la presse comme les joueurs de par sa patte graphique assumée, son histoire touchante, ses compositions musicales fabuleuses et sa partie multijoueur originale. Fort de ce succès, Matt Nava, en compagnie de plusieurs membres de son équipe, dont le compositeur Austin Wintory, décide de fonder Giant Squid, son propre studio, pour proposer à son tour sa vision du monde. De là, naquit un premier projet en 2016, l'œuvre contemplative ABZÛ, qui malheureusement, subit l'inévitable comparaison avec son aîné Journey. Quatre ans plus tard, Matt Nava, bien conscient de ses erreurs passées, fait une fois de plus appel à Austin Wintory pour mettre en place The Pathless, notre sujet du jour.
Nous avons eu la chance de mettre la main sur la version PlayStation 4 et la version PlayStation 5 de The Pathless, et ce que nous avons constaté, c'est qu'il n'y a pas vraiment de différences notables entre les deux moutures. Que ce soit sur la console de Sony de huitième génération, ou celle de neuvième génération, le titre reste somptueux et offre encore et toujours de nombreux panoramas magnifiques. Au final, la seule différence réside dans la présence ou non de vibrations dans la gâchette R2 de la manette. Un ajout qui ne nous a pas semblé indispensable lorsque nous avons essayé en premier lieu la version next-gen du jeu, tellement ce dernier est perfectible. Mais si vous passez de la version PlayStation 4 à la version PlayStation 5 de The Pathless, et non l'inverse, ce petit ajout, bien qu'anecdotique, va tout de même vous manquer ! Mine de rien, ces petites vibrations ajoutent un sentiment de puissance à vos tirs.
Le monde est plongé dans les ténèbres ! Le Déicide, meurtrier sanguinaire, veut dicter le chemin à prendre aux êtres vivants, et pour cela, il n'a qu'une option, anéantir l'univers en le privant de sa lumière. Heureusement, le joueur, bien décidé à planter sa flèche dans les genoux de ce monstre gigantesque, débarque dans ce monde en proie à l'obscurité pour prendre les commandes d'une jeune chasseuse qui fera la connaissance d'une divinité ailée. Un aigle majestueux, qui vous accompagnera tout le long de cette quête onirique souhaitant s'éloigner de l'édifice construit par ABZÛ et surtout Journey.
Un gameplay souple et accessible au service de la rapidité
En effet, bien que détenant une forte dimension poétique et contemplative, ainsi que de nombreux éléments provenant ici et là des productions passées de Giant Squid et plus particulièrement de Matt Nava, The Pathless s'éloigne de ses ancêtres dès son synopsis. Ici, la nouvelle production du studio californien abandonne l'aspect pacifiste des premières créations du monsieur (Flower , ABZÛ , Journey ), et laisse place à une histoire bien plus sombre, où il faudra faire parler les pointes de flèches pour terrasser cinq cibles de tailles imposantes. Une proposition qui nous rappelle à bien des égards un certain Shadow of the Colossus, mais nous y reviendrons plus tard.
Pour mettre à terre ces cinq colosses, notre chasseuse courageuse et hors du commun utilisera son agilité, ainsi que son arc étrange, pour courir toujours plus vite dans des zones verdoyantes s'étalant à perte de vue. Mais ce n'est pas tout, grâce à son compagnon de fortune, à savoir l'aigle divin, notre héroïne, non avare en sensation forte, se laissera aller dans des courses folles, où il sera possible d'enchaîner des acrobaties avec aisance. En effet, dans The Pathless , le joueur sera constamment surpris par ces déplacements toujours impressionnants, fluides et intuitifs, alors qu'il suffit simplement de maintenir la touche L2 pour accélérer, d'utiliser la touche R2 pour tirer dans des talismans et engendrer de la vitesse, et de sauter ou de voler avec la touche X. Rapidement donc, le joueur se sentira comme chez lui dans cet univers, et parcourir les terres ainsi que les cieux lui conférera une véritable sensation de liberté (point commun entre les différentes productions de Matt Nava depuis Flower). Bien évidemment, cette rapidité dans le gameplay, va de pair avec la construction de l'univers qui demande sans cesse de prendre de la hauteur, et d'aller d'un point à un autre pour résoudre de nombreuses énigmes, ce qui constitue la seconde partie du gameplay de The Pathless.
Des inspirations par dizaines et des mécaniques de jeu fort répétitives
Même si The Pathless arrive à s'affranchir de ses aînés, ce n'est pas pour autant qu'il arrive sur nos supports préférés avec une recette complètement originale. Le jeu contemplatif varie les approches en proposant des courses comme nous l'avions déjà précisé plus haut, mais aussi de l'infiltration, des combats, de l'exploration et des énigmes. Chaque aspect du jeu ressemble en fin de compte à des productions récentes ou non du paysage vidéoludique. En plus de Shadow of the Colossus pour la construction du monde et les affrontements, l'exemple le plus frappant qui revient constamment lorsque l'on joue à The Pathless est bien évidemment l'immanquable The Legend of Zelda : Breath of the Wild pour la sensation de liberté qu'il procure, l'aspect graphique, les nombreuses énigmes cachées dans les sanctuaires, et les tours qu'il faudra escalader pour rétablir la lumière. Des mécaniques de jeu testées et approuvées, mais qui, malheureusement, ne sont pas utilisées à bon escient dans cette nouvelle création.
The Pathless, bien que magnifique sur bien des points, propose au final toujours les mêmes étapes à accomplir, ce qui crée inévitablement une impression de lassitude auprès du joueur. Ce dernier devra visiter quatre plateaux (Plateau Forestier, Steppe de Sequoias, Grandes Plaines et Toundra de la Montagne), ayant sur le papier, un biome bien distinct. Malheureusement, c'est faux ! Les trois premiers niveaux se ressemblent comme deux gouttes d'eau ou presque. Seul le dernier monde, Toundra de la Montagne, dévoile une proposition différente grâce à ses décors enneigés et ses zones escarpées. Une fois arrivé sur l'un de ces lieux, le joueur devra prendre de la hauteur et scanner la zone à l'aide de sa vision d'aigle venue tout droit de la saga Assassin's Creed pour repérer les points importants : les fameux sanctuaires abritant des énigmes et les trois grandes tours d'Ubisoft qu'il faudra escalader par la suite pour purifier la zone. Maintenant, il ne reste plus qu'à résoudre les différentes énigmes qui jouent constamment des mêmes idées (torches à enflammer, miroirs à pivoter, pavés à déplacer et cercles de pierre à positionner) pour remporter un total de six statuettes dorées qu'il convient d'utiliser dans les fameuses tours d'Ubisoft pour appeler le boss final de la zone. Un boss qu'il faudra poursuivre dans une course, certes épique, mais identique à chaque reprise, et qu'il faudra affronter en face à face dans une arène circulaire. Vous l'avez compris, les objectifs de The Pathless ne nous proposent qu'un seul et unique schéma qui se répète à quatre reprises. Le titre, qui autrefois, proposait aux joueurs des sensations de liberté uniques, dévoile en fin de compte une construction trop mécanique.
On terrasse le premier boss, Cernos
The Pathless loupe une autre facette de ses mécaniques de jeu, à savoir les phases d'infiltration qui surviennent lorsque le joueur est entraîné malgré lui dans une tempête. Ce dernier, maintenant séparé de son aigle emporté par les vents, sera forcé de se déplacer en position accroupie pour se cacher de l'ennemi. Un ennemi qui surplombe les environs de par sa taille écrasante. L'objectif sera bien évidemment de récupérer votre aigle apeuré situé non loin de vous tout en échappant au champ de vision de l'adversaire. Malheureusement, cette phase de jeu ne fonctionne à aucun moment. Les déplacements trop lents de la chasseuse forceront le joueur à se mettre en danger, et à se faire repérer, mettant ainsi fin à la séquence. Pire, parfois, le joueur n'aura même pas le temps de faire un pas pour se cacher, que déjà, le monstre gigantesque, vous sautera dessus. Autant vous dire que ces phases rappelant les zones des échouées de Death Stranding sont plus frustrantes qu'amusantes.
Une direction artistique sublime, vraiment sublime
Depuis que Matt Nava est aux commandes, ce dernier nous sert encore et toujours des œuvres majestueuses portées par des directions artistiques sublimes et souvent singulières. C'est le cas d'ABZÛ, des titres qu'il a conçus avec thatgamecompany, et bien évidemment de The Pathless. La nouvelle création du directeur artistique nous livre une fois de plus un monde passionnant regroupant de nombreux tableaux remarquables, où il suffit d'observer pour voyager dans cet univers où tout semble gigantesque. Les environnements présentés sont tout simplement magiques, surtout quand la météo dynamique daigne pointer le bout de son nez pour faire vociférer les sapins recouverts de neige dans les montagnes ou encore pour teinter le monde de rouge lorsqu'un ennemi se trouve dans les parages. Le tout est constamment magnifique ! Malheureusement, comme nous l'avions déjà précisé plus haut, c'est par le manque de diversité que le joueur cessera d'admirer les décors qui l'entourent. En fin de compte, si on écarte les différentes bâtisses ouvertes de l'équation, il n'y a que deux types d'environnements, les plaines verdoyantes et les montagnes enneigées.
Bien entendu, une patte graphique sans un sound-design de qualité n'est rien. C'est là qu'entre en scène le compositeur Austin Wintory. Encore une fois, le musicien, avec The Pathless, saura ravir les mélomanes, puisque le titre propose régulièrement des compositions sublimes qui entraîneront vos promenades bucoliques ou vos affrontements féroces. D'ailleurs, la dernière bataille du jeu est enjolivée par l'une de ces partitions grandioses, nous faisant presque oublier les quelques soucis de lisibilité de cet ultime combat.
Points forts
- Des courses-poursuites grisantes
- Des compositions musicales singulières et envoûtantes
- Une direction artistique à tomber offrant régulièrement de somptueux panoramas
- Une véritable sensation de liberté
- Un duo qui fonctionne
- Un final en apothéose
Points faibles
- Des mécaniques de jeu répétitives
- Des phases plus lentes beaucoup moins pertinentes
- Un manque d'enjeu
- Des déplacements peu évidents dans les lieux les plus étroits
- Les phases d'infiltration dans les tempêtes mal conçues
Avec The Pathless, les développeurs de Giant Squid s'émancipent enfin des règles établies par l'excellent Journey. Outre ces ponts suspendus et ces lieux oniriques, la nouvelle production du studio californien dévoile sa propre recette. Une recette particulièrement efficace qui sait offrir aux joueurs de nombreuses séquences fascinantes et un univers crédible enrobés dans une direction artistique maîtrisée. Malheureusement, cette nouvelle recette propose également et surtout des phases de gameplay terriblement répétitives. Au travers des quatre plateaux proposés, il faudra sans cesse exécuter les mêmes manœuvres, résoudre les mêmes énigmes, terrasser les mêmes boss et grimper aux mêmes tours. De ce fait, The Pathless est bel et bien un projet qui vous fera voyager quelques heures durant, mais malheureusement, il ne sera pas aussi dépaysant qu'un certain ABZÛ ou aussi inoubliable que le fabuleux Journey.