Nombreux sont les joueurs à regarder dans le rétroviseur pour scruter le passé en 2020. Il n’est donc pas étonnant d’assister au retour de franchises extirpées de ce même passé lointain. Les éditeurs surfent simplement sur cette vague nostalgique, et tirent de leur repos des sagas et des personnages iconiques à même de faire vibrer à l’unisson nos coeurs de “gamers”. Sam Stone est de retour pour faire parler la poudre dans Serious Sam 4. Mais ce héros, symbole d’une vision décomplexée du jeu vidéo aux débuts des années 2000, est-il encore capable de repousser une invasion extra-terrestre ?
Le Vieux Fusil à Pompe
Sam Stone aka “Serious Sam” et sa bande de second couteaux parcourent l’Europe de Rome à Carcassonne en s’autorisant une escale dans les villes de Prague ou encore de Pompéi. Ces personnages caricaturaux au dernier degré s’opposent à Mental, une entité extra-terrestre bien décidée à exterminer la race humaine, et tentent de repousser ses forces d’invasion. Le scénario, prétexte à une succession de carnages aux quatres coins du vieux continent, rend hommage à la série B dans ce qu'elle a de plus récréative et décérébrée. Un héros allaité au gasoil et nourri à la poudre à canon, véritable cliché “reganien” ambulant, dégaine armes et punchlines sans jamais faire de pause. Une chose est sûre Sam Stone est de retour, et surtout fidèle à sa réputation.
L’humour, qui tape souvent sous la ceinture et lubrifie un récit expédié au point de frôler l’indigestion, risque de rebuter une partie des joueurs. Les traits d’esprits sont gras, anachroniques, et ravivent les souvenirs d’une époque révolue où le héros en marcel était un symbole de virilité. Toutefois, la série Serious Sam n’a jamais eu pour vocation de faire dans la subtilité, et encore moins de raconter une histoire palpitante. Les cinématiques ne font que passer les plats, introduire les antagonistes et lancer les chapitres suivants… ni plus ni moins. Serious Sam 4 fait honneur, si on peut dire, à ses prédécesseurs, et se veut fidèle à ses origines. La Croteam rend hommage à sa manière au jeu vidéo d’antan… à une approche directe, rustique et nerveuse du FPS.
Les goûts et les couleurs ne s’expliquent pas. Pour ce qui est du ton et de l’humour, chacun y trouvera ce qu’il y cherche… ou presque. Difficile en 2020 de se contenter d’une plume aussi peu inspirée. Quitte à faire dans le minimalisme autant supprimer la notion même de scénario afin de privilégier la découverte du lore. Là encore, Serious Sam 4 n’exploite que trop rarement son univers. Mais y a-t-il véritablement quelque chose à exploiter ? Les initiés à la série ne sont clairement pas là pour ça. Tout est ici une question de violence gratuite et de carnages sanglants.
Tout juste dégainé et déjà obsolète, Serious Sam 4 accuse dès sa sortie le poid des années. D’un point de vue purement technique, le titre de la Croteam ne peut décemment rivaliser avec les standards imposés par la concurrence. Les textures bavent. Les glitches sont légion. Bugs et crashes s'invitent pas instant (même si ces derniers devraient être corrigés avec le patch "Day One"). Et la direction artistique peine à maquiller l’ensemble, mais surtout oscille dangereusement entre deux styles… le réalisme toute proportion gardée des environnements et le design cartoon des personnages. Les décors sont vides et partiellement destructibles, un moindre mal me direz-vous. Cela participe à l’explosivité des phases de combat... centrales à l’expérience.
Gameplay : Un héros très urbain
L'Empire du BoomStick
Jouer à un Serious Sam, c’est assumer ses instincts primaires et affûter ses réflexes dans l’espoir de survivre aux assauts répétés d’ennemis qui n’ont pour seul comportement que de vous foncer dessus. L’intelligence artificielle est sommaire pour ne pas dire inexistante, à l’image des Beheaded Kamikaze, et guidée par une pensée unique… celle d’éliminer Sam en faisant le plus de bruit possible. Ce quatrième épisode des aventures de Sam Stone parvient à retrouver par instant ce sentiment “old school” du jeu de tir ultra nerveux et explosif qui a fait autrefois la gloire du Fast FPS. Pourtant, après quelques heures passées à crapahuter dans les niveaux, une certaine lassitude s’installe.
Recouvrir de sang l’herbe verte de la plaine et démembrer de la créature au calibre 12 ne peuvent suffire bien longtemps. Le plaisir dans ce genre de jeu passe par un level design millimétré, des situations renouvelées niveaux après niveaux, et des tonnes de flingues. Fusil d’assaut, minigun, “boomstick”, pain de C-4, fusil à pompe automatique, lance-roquette/grenade… Le héros du jour a du répondant, et maîtrise l’art de transmettre la bonne parole. Le ressenti armes en main est plaisant, et sauve partiellement ce FPS de la déroute. Les gadgets tels que le Trou Noir ou encore la Mini-Nuke ainsi que les compétences à débloquer agrémentent un temps l’aventure, mais au final rien n’y fait. Niveau arsenal, la Croteam voit les choses en grand, mais pour le reste il faudra se contenter du strict minimum.
Serious Sam 4 est en définitive une redondance cyclique qui tire toujours plus sur la corde de la répétitivité au point de la faire rompre. Enchaîner une douzaine d’heures durant des séquences dégageant un air de déjà-vu et impliquant des centaines d’ennemis à pulvériser n’est divertissant qu’un temps. Même les combats de boss manquent cruellement de punch et peinent à surprendre avec leurs deux ou trois patterns répétés en boucle jusqu'à ce que mort s'en suive. Certains amateurs de gunfights et de speedrun pourront mettre à l’épreuve leur dextérité et leur patience grâce aux différents niveaux de difficulté ou encore partager un instant "poétique" entre camarades avec le mode coopératif en ligne (que nous n'avons pu tester faute de joueurs). Néanmoins, l’amour du “High Score” et de la performance n’y change rien. Vouloir se défouler est une chose, y prendre du plaisir en est une autre.
Gameplay : Visite musclée de Rome
Points forts
- Une aventure fidèle aux origines de la saga
- L'ambiance de fin du monde "nanardesque"
- Le nombre et le feeling des armes et des gadgets
- La richesse du bestiaire
- Le mode coopératif
Points faibles
- Un récit prétexte, pauvre en cinématiques et en mise en scène
- Un ton et un humour clivants
- Un level design et des situations peu inspirés
- Une réalisation loin des standards de 2020
- Un sentiment de répétitivité à toute épreuve
Il n’est pas toujours évident de sortir de sa retraite après plusieurs années d’inactivité, et Sam Stone vient de l’apprendre à ses dépens. Serious Sam 4 est une suite légitime de la franchise, fidèle à ses origines autant sur le fond que sur la forme, mais n’est que cela, et c’est bien là le problème. Le jeu vidéo a évolué. Les joueurs ainsi que leurs attentes ont changé en 2020. Une franchise se doit d’innover, à l’image des reboots de Doom et de Wolfenstein, sous peine d’être dépassée avant même d’avoir eu le temps de dégainer. Ce n’est clairement pas le cas de Serious Sam 4 qui s’enlise dans une vision datée du jeu vidéo.