Control est un jeu fascinant. Aussi bien dans sa narration cryptique, son univers «Lynchien» ou ses gunfights démontrant une science absolue de l'action de la part de Remedy, le titre semble hors du temps. Plonger dans Control n'est pas chose aisée, mais le voyage s'avère excitant à plus d'un titre. Alors que les Finlandais nous avaient offert un premier DLC (The Foundation) particulièrement bien rythmé et créatif, le second contenu, AWE, fusionne définitivement les univers de Control et d'Alan Wake, déjà cité à plusieurs reprises dans le jeu de base. Mais est-ce suffisant pour tenter de percer les sombres mystères que recèle ce nouveau DLC ? La question est légitime...
Savez-vous ce qu'est le RCU ? Une version low cost du MCU ? Que nenni mes bons amis, il ne s'agit ni plus ni moins que du Remedy Connected Universe, officiellement initié dans Control : AWE. Un nom quelque peu ronflant pour nous expliquer que les jeux du développeur se déroulent dans le même univers afin de permettre d'accentuer le côté fan service d'une œuvre. AWE ne perd pas une seconde et nous met dès le départ en présence d'Alan (par le biais des messages subliminaux que capte Jesse), celui-ci semblant être l'auteur de ce que nous sommes en train de vivre. Une sorte de résurgence du jeu Alan Wake dans lequel les notions de réalité et de fiction ne cessaient de se renvoyer la balle. Idée intéressante tombant malheureusement assez vite à plat à cause d'une narration encore plus poussive que celle du jeu de base et passant par une quantité excessive de documents. Bien que ces derniers profitent d'une bonne qualité d'écriture et renvoient, pour certains, aux œuvres de Stephen King et Richard Matheson, la méthode trouve rapidement ses limites, ne serait-ce que dans la fluidité du récit, pourtant astucieux dans sa façon de fusionner les deux univers, mais subissant de plein fouet le fait de devoir constamment s'arrêter pour lire des mémos ou écouter des enregistrements audio. On était en droit d'en attendre un peu plus pour un contenu officialisant le RCU.
Au-delà de la structure narrative manquant d'élégance, Remedy s'est appliqué à proposer un contenu entièrement bâti autour d'Alan et d'Emil Hartman, le psychiatre devenant ici l'antagoniste principal dans une version altérée, sorte de réponse ténébreuse au Crooked Man de The Conjuring 2. Quant aux adeptes du name dropping, ils seront aux anges entre l'évocation de Thomas Zane, Alice Wake, les Old Gods Of Asgard, Cauldron Lake, Bright Falls, etc. A ce sujet, difficile de réprimer notre déception en constatant qu'on ne retournera nullement dans la bourgade américaine, le concept même de Control permettant pourtant les voyages dimensionnels. On devra malheureusement se contenter de quelques photos éparses de la ville en guise de snacking visuel.
Un manque de finition et d'originalité
Ce qui ressort également d'AWE tient à ce manque d'inventivité, du moins par rapport à The Foundation bien plus généreux dans les lieux traversés, les nouvelles capacités ou même son audace synonyme d'une excellente séquence, sorte d'hommage à Beat Saber , au rythme millimétré et à l'intensité folle. AWE, de son côté, semble constamment se réfugier derrière son histoire, plus centrale que celle de The Foundation, pour expliquer ce manque flagrant de prise de risques. Le nouvel étage (le secteur des enquêtes) s'avère ainsi très générique (sorti de quelques pièces plus «raffinées»), le nouvel adversaire (un soldat en jet-pack) se montre rapide et létal à défaut d'être original et si on excepte le look très réussi de la version infectée d'Hartman, ce DLC se montre très frileux d'un point de vue artistique. L'intégration d'une borne d'arcade comprenant plusieurs jeux aurait été un moyen de rehausser le niveau, mais ici aussi, c'est une déception puisque le tout propose simplement plusieurs modes afin d'affronter des vagues d'ennemis, des boss ou bien encore pour se balader dans les labyrinthes déjà traversés.
La frustration est donc de mise même si la nouvelle arme (permettant de lancer trois mines puis de les faire exploser à distance) est exquise et qu'elle profite aux gunfights toujours aussi fous, soutenus par un sound-design quasi-parfait et des décors destructibles afin d’accentuer l'immersion. On saluera néanmoins les puzzles pensés autour des ténèbres et de la lumière même si ici aussi, il y avait matière à mieux faire, les énigmes réclamant peu de méninges pour être résolues. Le plus paradoxal dans l'histoire est qu'on serait enclin à recommander AWE aux fans d'Alan Wake, principalement pour l’imbrication astucieuse des différents univers. On ne franchira toutefois pas cette limite et nous vous laisserons le choix de le faire ou pas tout en espérant revoir très rapidement Alan en tant que protagoniste principal et maître de son destin, qu'il soit réel ou imaginaire. La dernière cinématique du DLC pouvant être (com)prise comme un potentiel teasing d'une suite à Alan Wake, on attendra désormais le prochain move de Remedy à ce sujet.
Points forts
- Retrouver Alan Wake évoque de délicieux souvenirs
- La façon de lier les deux univers est intéressante
- Le feeling des gunfights est toujours aussi fabuleux
- La nouvelle arme, très efficace
Points faibles
- La narration, bien trop prisonnière des mémos et enregistrements
- Bright Falls est mentionnée mais on aurait apprécié d'y retourner
- Du name dropping un peu trop forcé
- Le nouveau type d'ennemi manque d'originalité
- Pas de (véritable) nouvelle capacité
- Le contenu reste globalement moins travaillé que The Foundation
Teasé dans le jeu de base à travers plusieurs documents, Alan Wake tient dans AWE un rôle central. Malheureusement, au-delà du fait de replonger dans l'univers de Bright Falls et du plaisir de retrouver un vieil ami, ce contenu met en surbrillance un certain relâchement de Remedy. Moins inventif que The Foundation, trop occupé à saupoudrer l'aventure de fan service du début à la fin, au point de délaisser la plupart des autres aspects du jeu, AWE s'avère décevant sur bien des points. Certes, on profitera une fois encore de la maîtrise des Finlandais en matière de gunfights, on esquissera plusieurs sourires complices en entendant parler d'Emil Hartman, Thomas Zane ou Cauldron Lake, mais derrière ce name dropping omniprésent, se cache surtout un manque d'originalité ou même d'ambition autre que celle d'officialiser le RCU afin d'imbriquer les univers de Control et d'Alan Wake.