Depuis le succès d'un certain The Binding of Isaac, les productions vidéoludiques indépendantes ont le goût pour le morbide : Agony, Mother Russia Bleeds, Carrion... Les exemples sont nombreux. Struggling, le dernier né de Chasing Rats Games s'inscrit bien évidemment dans cette continuité, cependant le platformer aux formes visqueuses s'amuse à tourner en dérision cette recette qui a déjà prouvé son efficacité à plusieurs reprises. Que vaut donc la production répugnante du studio canadien ? Réponse dans quelques lignes !
Struggling dévoile son univers poisseux en vidéo lors de la gamescom 2020
Quand des jeux sortent simultanément sur des plateformes diablement opposées, la question du choix est inévitable. Ici, au vu de la proposition de Chasing Rats Games, il n'est en aucun cas nécessaire de privilégier la performance au détriment du reste. Nous vous conseillons donc de vous tourner vers la version Nintendo Switch du soft. En plus d'apporter un peu plus d'accessibilité et de convivialité à ce jeu coopératif, la console hybride de Nintendo se marie parfaitement avec les intentions de Struggling. À la manière d'un jeu mobile, le platformer se consomme avant tout à petit feu afin d'éviter, au mieux, l'indigestion.
Tout commence il y a de cela des années ! Alors que le monde sombre peu à peu dans le chaos, des champions aux formes et à la puissance hors-normes décident de sauver le peuple. Malheureusement, malgré l'adulation portée par l'espèce humaine pour ces montagnes de muscles, les héros se voient bannis à tout jamais dans des contrées lointaines... jusqu'à aujourd'hui ! Cependant, il y a un léger hic, les héros de notre époque sont des expériences ratées aux formes décousues qui peinent à mettre un pied, ou plutôt, un bras devant l'autre. Vous l'avez compris, le scénario de Struggling ne se prend pas au sérieux. Ce dernier n'est qu'un prétexte amusant pour pousser le joueur à partir à l'aventure en incarnant un être composé de deux bras difformes ressemblant fortement à des intestins qui ont mal digéré leur dernier plateau de fruits de mer. Pourtant, malgré l'aspect clownesque de la production, les développeurs n'ont rien laissé au hasard. La forme de notre héros repoussant a été finement étudiée pour servir en premier lieu le gameplay du titre.
Un gameplay aux principes accrocheurs, mais aux mécaniques frustrantes
Struggling propose aux joueurs de partir seul ou accompagné d'un ami pour vivre une expérience entièrement basée sur la physique à l'image de Biped , Human Fall Flat ou encore Getting Over It . Chaque joystick (ou contrôleur si vous êtes à plusieurs) prend les commandes d'un unique membre de ce monstre collant. Ces membres, peu maniables, ne peuvent faire qu'une seule et simple action : s'accrocher. Une fois bien agrippé au sol, ou même au plafond, votre monstre pourra alors se balancer pour avancer vers la gauche ou vers la droite. C'est grâce à cette mécanique simple et efficace, une mécanique que l'on a déjà pu apercevoir dans la production indépendante Heave Ho, qu'il sera possible de traverser des niveaux truffés de pièges en tout genre, allant de flèches à des cactus, en passant par des eaux toxiques. Mais comme vous vous en doutez sûrement, cette expérience n'est pas de tout repos. En effet, que vous soyez seul ou à deux, il faudra coordonner les mouvements de votre avatar pour sortir indemne des situations les plus cocasses. Malheureusement, bien que tout fonctionne sur le papier, manette en main, c'est une autre histoire.
Rapidement, malgré un tutoriel particulièrement efficace et un premier niveau qui se franchit sans grande difficulté, l'aventure se trouve être bien trop corsée. Une fois le stade de la découverte passé, l'amusement laisse alors place à de la frustration. Comme nous l'avions déjà précisé plus haut, il n'est pas chose aisée de déplacer ce héros aux handicaps flagrants, pourtant les différents chapitres de Struggling proposent régulièrement aux joueurs de calculer au millimètre près les mouvements de leur monstre infâme pour passer de malheureux obstacles. Des idées de game-design qui ne se prêtent pas spécialement au concept du jeu reposant plus ou moins sur une physique aléatoire. De ce fait, les séquences se montrent bien trop punitives pour le commun des mortels, et ce, à partir du deuxième acte. Heureusement, pour contrer cette difficulté soudaine qui conviendra seulement aux plus acharnés d'entre vous, le titre propose de nombreux checkpoints placés ici et là dans les niveaux. Mais malgré cela, il n'est pas rare de rester bloqué face à une même situation pendant plusieurs dizaines de minutes. S'il s'agissait simplement d'une difficulté corsée, cela irait - l'expérience ciblerait alors un type de joueur précis - mais ici, ce n'est pas le cas. Le titre frustre à de nombreuses reprises à cause des mouvements hasardeux du monstre. Il n'est pas rare de se retrouver coincé dans un angle, de réaliser des nœuds avec ses bras sans même le vouloir ou encore de s'accrocher à des formes qui n'existent pas, ce qui rend l'expérience, autrefois amusante, insoutenable. On pourrait croire qu'abandonner son coéquipier au profit d'un seul et même cerveau pourrait alléger notre peine, mais il n'en rien. Même lorsque l'on joue seul, l'expérience, tantôt punitive, tantôt hasardeuse, reste difficile à cerner.
Toujours plus d'acrobaties
Tous ces problèmes de conception sont d'autant plus dommageables, car Struggling est saupoudré de bonnes intentions. En plus de proposer un concept amusant, le titre essaye de varier les plaisirs en proposant diverses situations drolatiques. En effet, à force de lutter contre les éléments, le joueur se verra récompenser de séquences bien plus rigolotes comme cet affrontement mêlant un sosie particulièrement amoché de Wolfgang Amadeus Mozart. Dans ce passage unique, le joueur, sur l'une des symphonies emblématiques du compositeur autrichien, devra prendre les commandes d'un flipper étonnant qui ne dénature en rien les premières règles établies par cette production loufoque.
Au fil de l'aventure, le titre proposera également au monstre hideux de déverrouiller de nouvelles compétences. Il sera donc possible de détacher les bras de cet énergumène répugnant pour passer des gouffres immenses ou encore de ralentir le temps pour dévier des projectiles meurtriers. Mais encore une fois, même si cela varie les approches, l'utilisation de ces nouvelles idées ne se fait pas toujours avec efficacité. Cela a même tendance à complexifier les différents casse-têtes déjà bien ardus du platformer.
Une direction artistique qui ne conviendra pas à tout le monde
Malgré une esthétique cartoonesque tout droit sortie d'un jeu flash, la direction artistique de la création de Chasing Rats Games est à l'image de son concept. C'est-à-dire que le tout est, disons, étrange... Tout comme Carrion , Struggling propose aux joueurs d'explorer un monde empli de viscères, de croiser des personnalités monstrueuses, de faire face à des rencontres violentes ou encore de traverser des orifices que l'on ne nommera point dans cet article. Une imagerie qui ne sera pas au goût de tout le monde, surtout que le tout n'est pas complètement assumé par les développeurs. Parfois des dissonances étranges viennent casser cette ambiance nauséabonde à commencer par le troisième acte du jeu qui propose aux joueurs de traverser un canyon sans personnalité et surtout, sans difformité.
Le sound-design du jeu n'est pas en reste côté bizarrerie, puisqu'il n'est pas rare d'entendre des rots ou encore des flatulences rythmer vos péripéties. Votre monstre, seulement composé de deux bras, pousse également des cris réguliers lorsqu'il percute les murs, c'est-à-dire toutes les deux secondes environ. Heureusement, il est possible de réduire ou de désactiver les différents bruitages un à un dans les options du jeu, idéal lorsque vous jouez sur votre Nintendo Switch au beau milieu d'un repas familial. Il est important de noter que la musique, bien que discrète ou même absente, concorde régulièrement avec les différentes ambiances proposées. On aurait alors apprécié que les rares partitions viennent remplacer bien plus régulièrement les pets et les hurlements de ce héros disgracieux.
Points forts
- Un concept amusant...
- Des niveaux variés...
- Jouer en coopération est un vrai plus
Points faibles
- ... mais vite frustrant
- ... bien trop punitif
- Une direction artistique manquant de charme
- Un humour gras qui ne conviendra pas à tout le monde
- Des cris, encore des cris, toujours des cris
- Des vibrations beaucoup trop fortes sur Nintendo Switch
Struggling, le titre aux influences venant de tous les horizons à commencer par les plus étranges du paysage vidéoludique se présente malheureusement comme une petite déception qui ne va pas au bout de ses idées. La faute à une direction artistique timide ou encore à un game-design incompatible avec les mouvements hasardeux de son héros, la production se révèle en fin de compte beaucoup plus frustrante qu'amusante. Pour vous aider à passer un bon moment avec vos amis ou bien avec des membres de votre famille, nous vous conseillons alors de vous tourner vers Biped ou bien Heave Ho, deux productions aux ambiances, certes, bien différentes, mais aux mécaniques de jeu plus ou moins similaires.