La Révolution française à la sauce anime. Avec un tel postulat, le Tactical-RPG du studio chinois Azure Flame avait de quoi attirer l’œil, surtout pour nous autres Français. Étonnamment, cette période pourtant phare de notre histoire n’a que rarement fait l’objet d’adaptations vidéoludiques. Alors la voir mélangée avec quelque chose d’aussi éloigné que l’univers anime avait de quoi rendre le projet d’autant plus intriguant. Mais la proposition est-elle à la hauteur de son originalité ? Pas sûr.
Test réalisé à partir de la version Switch, sur une partie complétée de 25h de jeu.
La première chose qui frappe lorsque l’on commence Banner of the Maid, au-delà du choix de son univers, c'est surtout la façon dont il le traite. Voir ce morceau si important de notre histoire revisité à travers une esthétique anime a franchement de quoi nous faire sourire au premier abord, notamment lorsque l’on entend retentir la Marseillaise après avoir gagné une map ou fait évoluer une de ses unités. Et que dire du décalage lorsqu’on entend dès l'introduction le marquis de La Fayette ordonner à ses troupes de charger… doublé en chinois. Le mariage des deux mondes peut paraître étrange dans les premiers instants, mais on finit rapidement par se prendre au jeu et se demander à quoi ressemblera la prochaine figure historique connue que l'on va croiser.
Si donc l’introduction nous plonge lors de la Fuite de la famille royale à Varennes en 1791, le jeu met très vite en scène des éléments de fantasy qui nous font comprendre que l’on ne va pas vivre une version historiquement exacte de cette période troublée de notre passé. On peut même parler d’uchronie puisque le début du titre commence en 1796 et que Marie-Antoinette et Louis XVI sont tous deux encore en vie alors qu’ils sont censés avoir été exécutés en 1793. Finalement, les événements de la Révolution française servent plutôt ici à offrir un cadre et un univers au jeu plus qu’à être représentés le plus fidèlement possible.
Une intrigue malheureusement trop clichée
Dans ce monde alternatif donc, nous incarnons Pauline Bonaparte, la sœur du futur empereur, qui est ici officier dans l’armée depuis que Marie-Antoinette a fait en sorte que les femmes puissent devenir soldats. Le but de la reine est d’utiliser le pouvoir des Maids, des femmes dotées de facultés surnaturelles capables de renverser le cours des choses, dans la guerre qui oppose la France au reste de l’Europe. C'est évidemment le cas de Pauline qui obtiendra au cours de son aventure la bannière de Jeanne d'Arc qui serait la première Maid de l'histoire de France. Le cœur de l’intrigue va alors se dérouler durant la campagne d’Italie, pendant que se fomentent dans la capitale des complots contre la famille royale.
Si les grandes figures masculines de cette période comme Napoléon ou La Fayette sont représentées sous des traits proches des tableaux qu’on leur connaît, les personnages féminins ont elles droit à un traitement graphique très anime à grand renfort de décolletés plongeants évidemment aux antipodes des normes de l’époque. Il en va de même pour l’histoire qui tombe rapidement dans les poncifs du genre à base d’intrigues et de personnages stéréotypés (la jeune fille maladroite, le courageux général, le traître instantanément identifié, la femme taciturne au passé caché…), ce qui fait qu’on peine à se sentir investi. La réalisation modeste y est aussi pour quelque chose puisque la mise en scène se contente de dialogues entre personnages avec uniquement du texte et des artworks, sans doublage, rendant l’implication d’autant plus compliquée. Cependant, soulignons que ces points relèvent sûrement plus d'un manque de moyens dû à la petite taille du studio plus que d'un choix voulu.
Du bon Tactical-RPG solide
Pour ce qui est du cœur du titre, les combats, on se retrouve face à un modèle plutôt classique inspiré de Fire Emblem. Le jeu est une succession de cartes qui se jouent au tour par tour, case par case, et qui reposent sur un système de pierre-papier-ciseaux avec quatre sortes de bataillons différents dont les armes possèdent un nombre d’utilisations limitées. Deux types ne sont pas affectés par ces faiblesses, l’artillerie et les fanfares. Chaque unité a ensuite ses propres capacités passives, qui se débloquent soit en gagnant des niveaux, soit en les achetant à l’École Militaire. Si certains personnages possèdent des compétences actives de soutien, tous disposent d’une attaque héroïque, un coup plus puissant, qui peut être déclenché après avoir accumulé suffisamment de moral. Enfin, les unités peuvent également évoluer vers une nouvelle classe une fois un certain niveau atteint.
Entre chaque mission, il sera possible de revenir au salon Malmaison de Joséphine de Beauharnais, future épouse de Napoléon et donc impératrice, qui accueille Pauline à Paris au début de son aventure. Vous aurez ainsi accès à la carte de la ville afin de vous rendre dans différents lieux connus de la capitale pour acheter des armes et des objets. Chaque endroit est lié à une des quatre factions du jeu (Royalistes, Feuillants, Jacobins et Parisiens) avec lesquelles vous pourrez renforcer vos relations grâce à vos choix lors des missions principales ou secondaires, ce qui vous permettra de débloquer de nouvelles marchandises. C'est aussi elle qui vous donnera accès aux quêtes annexes qui prennent la forme soit d’une map, soit d’une séquence de visual novel, mais qui sont souvent peu intéressantes, hormis pour les récompenses.
Une formule trop sage qui ne décolle pas
Une expérience de jeu tout ce qu’il y a de plus classique en soi et qui, si elle ne présente rien d’original, a le mérite d’être efficace. Cependant, on lui reprochera une application beaucoup trop scolaire des codes du genre qui manque de folie et de caractéristiques propres pour se détacher des titres concurrents. De plus, le jeu peut parfois s’avérer confus et brouillon lorsqu’il y a trop d’unités côte à côte, surtout en version portable sur Switch où tout paraît trop petit. Il peut même parfois ramer dès qu’il y a un effet météorologique et trop de soldats à l’écran, ce qui engendre de vrais soucis de lisibilité.
Au cours des vingt-cinq heures de jeu que propose l’aventure, les maps peuvent s’avérer de plus en plus dures, notamment celles de fin d’acte, au point de constituer un véritable pic de difficulté. Cependant, pour les néophytes, le jeu vous permet de sauvegarder à tout moment en pleine mission et le fait automatiquement à chaque début de tour, rendant l’expérience moins frustrante. De plus, vous avez accès à des quêtes annexes pouvant être faites à l’infini afin de faire leveler vos unités et progresser plus facilement. De l'autre côté, le jeu offre aussi un certain challenge pour les adeptes de Tactical-RPG qui pourront directement commencer en mode général dans lequel la mort d’une unité entraîne sa disparition pour de bon.
Points forts
- Un univers que l'on voit peu souvent
- Un système de combat simple, mais efficace
- Une difficulté flexible, à la fois pour débutants et joueurs confirmés
Points faibles
- Une histoire et des personnages qui tombent vite dans les stéréotypes d'anime
- Un gameplay trop sage qui manque de folie
- Parfois des problèmes de lisibilité, surtout en portable sur Switch
- Mise en scène trop simple, faute de moyens
Banner of the Maid avait de quoi attirer l’œil avec son univers que l’on voit peu dans le jeu vidéo, la Révolution française, et une approche originale de cette période avec sa touche anime. Malheureusement, force est de constater que si l’idée était attrayante sur le papier, elle n’apporte rien de transcendant dans les faits. Avec une histoire qui tombe rapidement dans les poncifs des animes, desservie par une réalisation simpliste et un gameplay certes efficace et irréprochable mais trop classique, le jeu d’Azure Flame Studio ne décolle jamais vraiment. Il lui reste alors son univers original qui pourra contenter les adeptes de Tactical-RPG en manque de nouveaux titres.