Wales Interactive, connu pour des titres horrifiques tels que The Bunker ou Don't Knock Twice avait annoncé lors du Future Games Show la sortie pour juillet 2020 de Maid of Sker, un nouveau survival-horror s'inspirant du folklore gallois et plus précisément de l'histoire d'Elizabeth Williams, fantôme au cœur brisé qui hanterait la maison Sker. Pour se démarquer, le studio indépendant gallois a proposé une approche plutôt originale et ambitieuse des mécaniques de jeu de son nouveau titre. Le résultat fut très convaincant.
Une immersion dans l'horreur efficace...
L'argument qui fut le plus mis en avant par les différents trailers, c'est évidemment son gameplay reposant sur le bruit. Ceci est loin de ne se limiter qu'à celui que vous faites lorsque vous passez à côté des ennemis qui, rappelons-le, sont aveugles. Il y a de nombreuses manières de vous faire remarquer et vous verrez que votre environnement deviendra vite votre plus gros problème. Par exemple, il faudra faire attention à ne pas heurter les meubles qui vous entourent ou faire grincer les planches de bois. Cela va donc de mécaniques relativement basiques à des plus complexes, comme être attentif à ne pas tousser à cause de la poussière ou être blessé par l'étrange fumée rose.
Vous l'aurez compris, courir ne sera pas une option envisageable (à vos risques et périls) et la discrétion sera donc de mise. Vous pouvez néanmoins utiliser le bruit à votre avantage, car des objets comme des sonnettes seront à votre disposition pour alerter les ennemis vers celles-ci et en profiter pour vous faufiler aisément jusqu'à votre objectif. En dernier recours, vous pourrez toujours vous servir de ce qui représentera votre seule "arme", une orbe dorée étrange qui, lorsque vous l'utilisez, produit un chant qui assourdit vos poursuivants. Une idée pour le moins intéressante et s'inscrivant parfaitement dans le thème du jeu.
Comme le montre les images ci-dessus, vous avez la possibilité de retenir votre respiration. Cela va être au cœur du gameplay puisque vous devrez souvent y recourir pour passer près de vos ennemis dans des pièces étroites sans vous faire repérer. Mais ce n'est pas aussi simple, car non seulement vous disposez fort logiquement d'un temps limité lorsque vous vous empêchez de respirer, mais vous ferez également du bruit en expirant (en sachant que plus vous retenez longtemps, plus cela risquera d'attirer l'attention). La petite touche finale étant que vous ne pouvez pas ouvrir de portes ou interagir avec quoi que ce soit lorsque vous faites cette action… étant donné que votre personnage se couvre la bouche avec ses mains !
Ces différents éléments renforcent l'immersion et ce dès le début du jeu, permettant ainsi de garder le joueur constamment à l'affût. Nous vous conseillons d'ailleurs vivement de jouer en mode difficile, la raison principale étant qu'il y a un nombre de sauvegardes limitées au nombre de 10 à répartir sur à peu près 6 heures de jeu, faisant monter la pression d'un cran et vous obligeant à réfléchir à deux fois à vos stratégies pour passer discrètement. Si cela ne vous a pas convaincus, sachez qu'il y aura en plus des ennemis rajoutés dans des zones là ou ce n'est pas le cas en mode normal.
...mais une IA un peu à la traîne
C'est un défaut lourd à porter pour un jeu qui axe son côté effrayant sur la réactivité des assaillants quand le joueur commet une erreur. En effet, malgré de multiples patches des développeurs, l'intelligence artificielle laisse toujours à désirer, et cela même au plus haut niveau de difficulté. Il est bien sûr impossible de courir sans se faire remarquer, mais il arrive de se retrouver nez à nez avec un ennemi sans qu'il ne réagisse à votre présence alors que vous avez fait du bruit. Le jeu accorde donc au joueur, de manière involontaire, une marge d'erreur très grande. Ceci étant dit, les ennemis ne sont heureusement pas complètement sourds et il vous faudra tout de même progresser avec prudence.
Hélas, l'IA souffre d'un souci en particulier qui est bien plus fâcheux. Il porte un nom, Abraham. C'est probablement l'élément le plus frustrant du jeu tant son comportement demeure un mystère. Pour l'expliquer très simplement, c'est un sonar vivant. S'il vous voit, il vous poursuivra sans relâche à moins que vous ne sortiez de la zone (symbolisée par un écran de chargement) ou entriez dans une salle de sauvegarde. Là où cela se complique, c'est que peu importe où vous irez, la distance que vous mettrez entre vous et lui, l'endroit où vous irez vous cacher, ça ne servira à rien : il vous retrouvera. Il ira même jusqu'à faire des rondes autour des zones de sauvegarde dans lesquelles vous irez vous réfugier, vous obligeant à courir dès l'instant où vous sortez, transformant quelques passages en véritable course poursuite tout droit sortie de Outlast ! Ce n'est pas justifié d'une quelconque manière et paraît davantage relever du bug, ce qui malheureusement gâche certaines séquences de jeu.
Plongez au cœur d'une vieille légende
Comme rapidement résumé au début de ce test, Maid of Sker, se déroulant en 1898, s'inspire de l'histoire d'Elizabeth Williams et vous mettra dans la peau de Thomas Evans, son fiancé venu la secourir dû à la réception d'une lettre écrite de la main d'Elizabeth, le suppliant de venir sauver sa famille et le personnel du Sker Hotel du mal dont ils sont victimes. Pour se faire, elle lui demande d'écrire une partition de musique et de se rendre sur les lieux avec celle-ci.
Le jeu propose une histoire assez différente de celles dont ils se sont inspirés. Il est difficile d'entrer dans les détails sans dévoiler des indices majeurs sur l'intrigue, mais nous avons en tout cas trouvé cette dernière fascinante et bien racontée. La narration va principalement porter sur ce qui s'est déroulé avant que tout ne dégénère et elle se fait de deux manières : par les conversations au téléphone avec votre femme puis les notes disseminées çà et là dans l'hôtel et le domaine. On préconisera aux joueurs de lire attentivement les notes, même si cela peut paraître fastidieux, car elles donnent beaucoup d'indices sur le mystère entourant la malédiction qui a frappée les lieux. De plus, elles sont pour la plupart très intéressantes et ne brisent pas le rythme du jeu. Enfin, vous ne passerez pas à côté de l'inspiration Resident Evil : vous trouverez donc de nombreuses références en diverses occasions, pas toujours très subtiles, mais plaisantes et qui offrent de beaux hommages à un classique du genre.
Soyez envoûtés par le chant...
L'une des plus grandes qualités de ce jeu, c'est sa musique, ou plus exactement ses chants, aux caractères très mystérieux. Composée par Gareth Lumb, il a également réarrangé certaines mélodies galloises populaires comme Suo Gân, véritablement hypnotisante la première fois qu'on l'entend. Il faut également honorer le travail de Simone Somers-Yeates, doubleuse de Elizabeth, dotée d'une voix tout simplement magnifique nous faisant encore plus apprécier ces berceuses traditionnelles. À l'inverse, notre cher protagoniste est muet, enfin, pas totalement – vous ne pourrez entendre de lui que ses cris. Cette décision peut chiffoner un peu mais elle a sûrement dû être prise à cause de contraintes budgétaires. De ce fait, il était en tout cas difficile de se mettre facilement à la place de notre héros…
...et agacés par la direction artistique
Ce fut peut-être l'une des choses qui a le plus choqué les joueurs lors de la première heure de jeu, et qui nous a aussi un peu perturbé : l'image a un aspect très spécial, émanant selon toute vraisemblance d'une volonté des développeurs de plonger le joueur dans une atmosphère type "époque victorienne" en donnant un cachet, notamment au travers des couleurs, très "ancien" au jeu. Cela donne une teinte à l'écran assez étrange qui se remarque particulièrement dans les zones bien éclairées ; on pense surtout à la lumière qui subit à certains moments les conséquences de ce style étrange et fait quelquefois un peu mal aux yeux.
Nous proposerons quand même ces quelques screenshots pour vous montrer que, malgré nos réticences sur certains choix esthétiques, le jeu reste beau dans l'ensemble. Les lieux à explorer sont plutôt jolis et traduisent un vrai travail sur les décors. Quant à la mise en scène, elle est travaillée et maîtrisée, ce qui est un soulagement car cela compense le peu de dialogues.
Points forts
- Un gameplay innovant et original...
- Des graphismes assez beaux...
- Des musiques traditionnelles galloises travaillées et réarrangées astucieusement
- Une histoire mêlant mythologie et conte légendaire
- La présence de plusieurs fins
- Un mode difficile bien pensé qui maintient une tension constante
- Durée de vie correcte dans son genre (6h)
Points faibles
- ...mais une IA qui ne suit pas
- ...gênés par des choix artistiques douteux
- Pas de doublage pour notre héros (sauf les cris)
- Une conclusion un peu précipitée
Maid of Sker, malgré ses défaults tournant essentiellement autour de l'IA, est un survival-horror à saluer. Wales Interactive a cherché à proposer une aventure effroyable différente de celles auxquelles nous sommes habitués. Cela est passé avant tout par les nombreuses mécaniques de jeu gravitant autour du son, mais aussi par l'histoire, qui malgré le fait d'être inspirée par diverses légendes et livres, n'en fut pas moins originale et, pour notre part, marquante avec un épilogue touchant. Le prochain jeu d'horreur du studio indépendant sera sans aucun doute à surveiller de près.