Voilà 10 ans que les aficionados de planche à roulettes sont orphelins. Après 3 épisodes très appréciés par la presse et les joueurs, la licence Skate disparait des radars et le jeu de skateboard se fait discret. Tony Hawk's Pro Skater tente plusieurs retours, mais la qualité globale des titres et leur approche résolument plus arcade dans les contrôles et la philosophie de jeu laisse un gout amer en bouche pour les fans de la “simulation” d’EA. Le paysage morose du genre s’égaye enfin après l’annonce d’un quatrième épisode de Skate et de plusieurs early access comptant bien reprendre le flambeau. Skater XL est l’un d’eux. Cette phase d’accès anticipé prend fin et c’est donc à lui que revient la lourde tâche de plonger la tête la première dans le half-pipe.
Un gout d’early access bien trop prononcé
Nos premières secondes en la compagnie de Skater XL furent difficiles, c’est le moins que l’on puisse dire. Une fois une touche pressée, notre PS4 Pro charge laborieusement notre premier spot. Après un tutoriel fonctionnel ne s’encombrant aucunement d’une quelconque mise en situation ou d’un interlocuteur pour nous guider, nous sommes lâchés dans un lycée californien comme on en voyait souvent dans les best of VHS dans la fin des années 90/début 2000. Le premier choc, et certainement le plus violent, est principalement lié à la technique de Skater XL. L’école est désespérément vide, les textures sont brutes et le clipping est régulier malgré la taille relativement modeste de la zone de jeu. L’esthétique est rudimentaire et malgré ce constat le framerate chute régulièrement allant parfois jusqu’au freeze. Pour faire simple, même sur PlayStation 4 Pro, Skater XL est laid, instable et mal optimisé. Nous ne pouvons malheureusement pas nous prononcer sur les autres versions du titre. C’est d’autant plus problématique, car très peu de choses sont affichées à l’écran. Ce manque d’optimisation est frappant et révèle l’un des plus gros problèmes du titre, il a encore besoin de beaucoup de boulot. Sur certains aspects Skater XL ressemble bien plus à un prototype ou à une alpha qu’à un jeu fini. Ce n’est pas nécessairement dommageable dans le cadre d’un titre en early access amené à évoluer, mais ça l’est bien plus dans le cas d’un jeu console vendu en boite pour une quarantaine d’euros.
Il y a de quoi être sidéré par l’état technique du jeu, d’autant que la plupart des cartes disponibles souffrent du même constat. Au nombre de 8 à l’heure actuelle, ces niveaux sont séparés en 2 catégories. Les cartes officielles créées par les développeurs et les cartes communautaires dont le nom parle de lui-même. Dans un premier temps, ces lieux semblent fades et manquer de folie. Très peu de rampes sont placées devant des escaliers, de longues étendues désertes connectent les différents points d’intérêts sans dénivelés ou passants. Les rues sont vides et les spots tristement terre à terre. Jusqu’à ce que…
La révélation
En termes de contrôles, Skater XL pousse le potard “simulation” plus loin que la plupart des titres passés avant lui. Chaque pied est assigné à un stick tandis que les virages et les rotations aériennes s'effectuent en maintenant L2 ou R2 en fonction de la direction voulue. La gymnastique s’avère assez complexe pour qui a cumulé des centaines d’heures sur la série d’EA. Notre psychomotricité est parfois mise à rude épreuve lors de figures avancées, nous demandant d’effectuer des mouvements sur les deux sticks simultanément tout en maintenant et en relâchant la gâchette adaptée. On se rend vite compte de la pertinence de cette maniabilité, exigeante dans un premier temps, qui permet au joueur de constamment garder le contrôle des pieds, et donc de la planche, de son avatar. Ce schéma pourrait avoir l’air d’un gimmick compliquant inutilement la tâche pour qui vient de Skate. En effet le système de Skate est un système simple, le joueur effectue un mouvement de stick et le jeu déclenche l’animation correspondante. Dans l’absolu ces mouvements auraient très bien pu être une série d’entrées de bouton. C’est là où les mécaniques de Skater XL se dévoilent et offrent un champ d’action vertigineux.
En effet, aucun trick n’est préenregistré, chaque mouvement est la répercussion du mouvement de stick, et donc de pied, que vous appliquez sur la planche. Pour les connaisseurs, le système rappelle celui du Nail the Trick de Tony Hawk’s Project 8. Il est donc possible d’effectuer des variations de tricks assez incroyables. Avec cette liberté et cette profondeur de jeu, vient aussi une certaine difficulté. Ici, pas de magnétisme de la planche sur les rails lors d’un grind par exemple. À vous d’ajuster finement vos sticks pour placer la planche dans l’angle idéal. Il en va de même pour la réception qui nécessite des micro-mouvements du stick pour pouvoir repartir dans la bonne direction. Si Session nous a semblé offrir encore un poil plus de profondeur et de finesse dans ses contrôles, ceux de Skater XL offrent largement de quoi s’amuser. En plus d’un schéma de maniabilité très proche, ces deux titres partagent toute une philosophie. Pour faire simple : Skater XL n’est pas un jeu pour les fans de jeu de skate. Skater XL est un jeu pour les skaters et les fans de la discipline. Pour ces derniers, un terrain vide, où l’on ne doit pas composer avec les badauds et les trotiriders pour tenter de placer un trick, est synonyme de paradis sur terre. S’il est dépouillé, le titre de Easy Day Studios n’est pas pauvre pour autant, car il assure l’essentiel. Tout d’un coup, ces terrains tristement réalistes prennent sens car ils nous poussent à utiliser notre imagination et à planifier la ligne parfaite que l’on passera 10 minutes à tenter d’exécuter parfaitement. Ce calme plat et l’absence de passant sont parfaits pour se concentrer sur nos figures sans la moindre perturbation. Pour passer rapidement d’un spot à l’autre, vous pouvez vous téléporter où bon vous semble, ce qui place également un point de départ personnalisé.
Une base XLente, une finition déplorable
Finalement les fondations de Skater XL sont réellement excellentes. Ce qui cloche, c’est tout le reste. La création de personnage est rudimentaire et ne propose que très peu d’équipements de customisation. La bande-son est de qualité et comprend des musiques de groupes tels que Band of Horses et Interpol. Cependant la playlist ne dure pas plus d’une heure et est constamment diffusée dans le même ordre. Il n’est pas non plus question de passer un morceau. Les menus sont archaïques et provoquent de gros ralentissements. Changer de personnage trop rapidement nous a valu deux crashs et un chargement infini. Aucun mode multijoueur n’est disponible. Les mods disponibles sur ordinateur ne le sont pas sur console. Il est impossible de placer des obstacles comme sur Session. Le moteur physique laisse à désirer, ce qui rend les chutes molles et ridicules. Les bugs de collisions sont fréquents...
Pour chaque carte, une liste de challenges est disponible. Ces derniers représentent le seul contenu du jeu et mettent au défi les joueurs d'exécuter des lignes prédéfinies. À mi-chemin entre le tuto et le défi, ces challenges servent surtout de mise en bouche et d’exemple avant que le joueur mette sa créativité à profit. Ils permettent aussi d’offrir des points de réapparition bien placés pour tenter ses propres combinaisons. On peut cependant déplorer l’absence de toute forme de compatibilité en ligne. Créer ses propres challenges et les partager avec des amis ou des inconnus serait un bon moyen de créer du contenu pour un titre qui en est avare. De plus à chaque lancement de challenge, le framerate chute alors que l’environnement se charge dans la mémoire de la console, rendant le premier essai systématiquement saccadé et donc très désagréable.
Malgré tous ses défauts, que ce soit ses petites imperfections et/ou ses dysfonctionnements scandaleux, on se surprend à revenir sur ce Skater XL pour tenter un 360 Flip au-dessus d'une rambarde. On prend plaisir à enchainer 3 manuals suivis d’un drop au-dessus d’une volée d’escaliers. L’esprit Punk et ravagé des Tony Hawk est absent, la liberté folle et les gamelles de Skate le sont tout autant... Mais la philosophie martiale du skate, basée sur la répétition et le perfectionnement, est bien là. Il en résulte un titre profondément imparfait, biscornu, régulièrement désagréable mais qui propose aussi des sensations grisantes et un réel plaisir de jeu.
Points forts
- Une maniabilité excellente, mêlant précision et exigence
- La liberté offerte par le système de tricks et le contrôle de la planche
- La philosophie du skate, en tant que discipline, respectée à la lettre
- La satisfaction d'exécuter une ligne propre
- Une bande-son de qualité...
Points faibles
- ...Mais qui tourne très vite en rond
- Techniquement aux fraises (Crashs, chargements infinis, clipping, textures baveuses, chute de framerate,etc.)
- Désespérement vide
- Un manque de contenu flagrant
- Une customisation limitée
- Une finition globale déplorable
- Un ragdoll ridicule et des bugs de collisions fréquents
- L'aspect communautaire se résume pour l'instant à 3 cartes additionelles
- Aucune feature multijoueur
Dire que la finition de Skater XL laisse à désirer est un euphémisme. Énormément d'éléments laissent à penser que le titre aurait pu profiter de plusieurs mois d'early access supplémentaires pour rendre une copie plus propre. Néanmoins, une fois la manette en main et les contrôles assimilés, tout fait sens. La liberté offerte par sa maniabilité est vertigineuse et peut valoir le détour à elle seule. Au final, sa qualité dépendra largement de votre rapport à la discipline. Vous aimiez trainer avec les membres de Jackass ou grinder les fils électriques de Détroit dans Tony Hawk ? Vous adoriez la liberté offerte par Skate, ses multiples objectifs et défis ? Alors Skater XL n’est pas ce qu’il vous faut. Si vous êtes plutôt du genre à remonter la même volée d’escaliers 20 fois d’affilée pour placer le trick parfait, conclure votre ligne avec un Tre Flip des plus seyants et que vous êtes prêts à faire fi de ses (très) nombreuses tares techniques et d’ergonomie, alors Skater XL est peut-être fait pour vous. Malgré tout, les défaillances logicielles et le sentiment d'inachevé permanent émanant du titre ne nous permettent pas de décemment le recommander sans mise en garde, surtout au tarif appliqué.