Dévoilé lors de l’e3 édition 2018, Ninjala est enfin sorti. Il a comptabilisé en seulement quelques jours plus d’un million de téléchargements. Cette exclusivité Nintendo Switch se rapproche d’un Splatoon avec quelques mécaniques de Fortnite. Voilà un savoureux mélange plein de promesses. Vérifions maintenant si la réalisation se montre à la hauteur, ou non.
Prenez un chewing-gum, ninjas
Dans le deuxième millénaire, le temps des ninjas semble révolu depuis plusieurs générations. Leurs pouvoirs sont en partie étiolé, mais leurs descendants n’ont pas dit leur dernier mot. En inventant l’’Association Mondiale des Ninjas', ils entendent restaurer l’âge d’or de leurs ancêtres. Leur meilleur allié s’appelle le ninja-gum, un redoutable bubble gum capable d’éveiller le shinobi qui sommeille en chacun des membres de cette lignée. Créer le plus puissant de ces chewing-gums implique de trouver des combattants au fort potentiel. Bienvenue dans Ninjala, où des guerriers japonais s’affrontent dans des arènes pour prouver leur valeur. Ce scénario sert de prétexte pour ce jeu d'action multijoueur.
La direction artistique fait penser en premier lieu à Splatoon : elle s’inspire des mangas et des cartoons Les ninjas et leur bonne petite bouille rendent cet univers haut en couleur sympathique. Les choix de personnalisation des héros et héroïnes ne sont pas avares : accessoires, couleurs de cheveux, vêtements… La garde-robe va, au fur et à mesure du jeu, s’agrandir. Les musiques, très variées elles aussi, participent à la bonne ambiance du titre.
La sélection des armes se fait en fonction des préférences et de l’humeur. Celles-ci représentent des petites douceurs : un sucre d’orge, un donut, un épi de maïs… Très colorées et appétissantes, elles renforcent encore plus l’aspect acidulé du jeu. En plus, au fil des parties ou en passant à la caisse, vous récoltez des skins d'armes. Attention tout de même, ces versions sont à usage unique. Les armes chewing-gum correspondent soit à des affrontements au corps à corps ou à distance. Les cartes shinobi débloquent et améliorent des compétences.
Une prise en main agréable
Il existe plusieurs modes, le premier se nomme« battle royal » et correspond à l'affrontement dans une arène de huit joueurs. Le but est d'arriver premier dans le classement grâce aux points récoltés durant la partie. Ils se gagnent en abattant des drones et en fonction des dégâts causés sur les adversaires. Par ailleurs, des points d’expériences récompensent l’effort et font grimper le niveau des personnages. Cela sert notamment à débloquer des cosmétiques. Le jeu propose aussi de jouer en équipe de quatre contre quatre, de faire des matchs amicaux ou compétitifs.
Nous évoquions Splatoon et Fortnite en tant que modèles, cela se vérifie dans la simplicité de la prise en main. Nul besoin de maîtriser des lignes et des lignes de combos, les touches se mémorisent rapidement. Votre avatar peut exécuter un dash qui fonctionne avec une jauge d’énergie. Cette dernière se remplit par ailleurs grâce à des sphères éparpillées sur la map. Aux côtés des attaques basiques, il y a une attaque spéciale, une technique qui reprend là aussi un système de jauge, des transformations pour se fondre dans le décor ou incarner un Gumchi et lancer un mini jeu de pierre-feuille-ciseaux pour se défendre. Enfin, durant la partie, une combinaison permet de faire grossir son arme afin de taper plus fort et plus loin.
Les sensations lors des déplacements et des actions font preuve de fluidité et donne une impression de légèreté et de vitesse. Grimper sur les murs, effectuer des doubles sauts et un dash génèrent un sentiment de glisse et de satisfaction. Sur ce point, c’est réussi : le plaisir de jouer répond présent. Malheureusement, quelques couacs empêchent Ninjala de briller, à commencer par des animations particulièrement lentes et l’absence d’un mode entraînement efficace puisqu’il s’agit en l’état d’une IA non active. Mais ça, ce ne sont que des broutilles. Intéressons-nous maintenant aux vrais problèmes.
Le degré zéro de la technique
Quelques matchs suffisent à poser un premier constat : les idées sont bonnes, mais leurs réalisations, en revanche… Quel brouillon ! Les affrontements manquent de lisibilité, la faute notamment à une caméra parfois capricieuse. Le système de pierre-feuille-ciseaux comme moyen de défense paraît malin, mais sa répétition vient casser le rythme des combats. Pire encore, cela retire l’aspect technique que nous pouvions attendre. Alors en effet, un jeu n’a pas besoin de se révéler technique pour être bon et apprécié. Cependant, quand un titre propose des modes compétitifs et des classements, ça ne passe tout simplement pas. La chance et le hasard, ça ne se maîtrise pas.
Passons à un autre point de discorde : jouer en équipe.Impossible d’élaborer la moindre stratégie. Il n’y a pas de chat vocal et la fonctionnalité de messagerie de l’application mobile Nintendo Switch Online n’est pas compatible. Le seul moyen de communiquer, ce sont des emojis. Aussi bon dire que de ce côté-ci, nous faisons face à un vide absolu. D’accord, Ninjala s’adresse en premier lieu à un public jeune et doit être irréprochable en matière de sécurité. Mais l’intérêt de ce mode coopératif nous interroge : chacun part faire sa petite affaire sans se soucier de ses coéquipiers. Le sentiment d’unité ne prend pas. Dans Splatoon par exemple, la carte donne quelques indications, permettant de garder un œil sur l’avancée de son équipe. Ici, nous avons juste une balance représentant les points gagnés par chacun des partis. Cela manque de visibilité.
La douloureuse
Un free-to-play sur la Switch, un concept très actuel, une direction artistique charmante… il n’en fallait pas plus pour attirer un million de joueurs à la sortie de Ninjala. Soyons clair : profiter du jeu et éprouver du plaisir ne demande pas de passer à la caisse. La boutique regorge en grande partie de cosmétiques. Il est possible aussi d'acheter de la monnaie de jeu pour gagner des skins et des chewing-gums. Même si en arrivant sur l'écran du magasin virtuel un message prévient le jeune joueur que l’achat de contenus doit être autorisé par ses parents, c’est toujours assez gênant de laisser un tel accès à des enfants. La tentation est grande, d’autant plus qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, le contenu ne transpire pas la générosité.
Un free to play avec un mode histoire ça ne court pas les rues. Ninjala a le mérite d’en proposer un. Voilà une occasion pour scénariser l’univers et rendre les personnages attachants. Sauf que celui-ci se découpe en chapitres payants. Pour le moment, seul le premier est disponible pour un peu moins de cinq euros. C’est assez curieux de devoir mettre la main au portefeuille pour un mode de cet acabit. Sa construction amuse puisqu’entre chaque stage, l’histoire se développe sous forme de bande dessinée. Le niveau d’écriture, sans être catastrophique, ne casse pas trois pattes à un canard. Nous ne pouvons pas non plus sélectionner le héros de notre choix, il s’impose. Pour résumer, nous avons affaire à un petit nerveux qui ne mâche pas ses mots, très cliché et à la limite du supportable. Les enfants méritent mieux.
Points forts
- Un jeu gratuit
- Une direction artistique plaisante
- Une prise en main agréable
Points faibles
- Pas assez de contenus
- Des combats brouillon
- Un mode histoire payant
- Un jeu non technique malgré la présence de mode compétitif
La date de sortie initiale fut repoussée, car les serveurs devaient être optimisés. Nous l’avions ressentie également lors de la bêta ouverte il y a quelques mois. C’est globalement mieux, mais le temps d’attente pour rejoindre un match peut durer longtemps, trop longtemps. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et nous fait croire que GungHo Online aurait sûrement gagné à affiner encore sa création. Entre ça, le contenu un peu pauvre (seulement deux arènes au level design peu inspiré !) et des promesses non tenues, Ninjala laisse un amer goût d’inachevé.