Au risque de se répéter, Compile Heart a-t-il encore de la suite dans les idées? Après un Mary Skelter Nightmares 2 qui n'apportait pas grand chose, l'éditeur se tourne à nouveau vers son label Galapagos RPG pour tenter de développer une autre licence prometteuse. Avec un premier épisode plutôt apprécié, Death end re;Quest 2 est donc une étape-clé pour le catalogue de la modeste firme.
Test réalisé à partir d'une version japonaise, sur une partie complétée de 28 heures de jeu.
L'histoire de Death end re;Quest 2 se centre autour de trois nouveaux personnages. L'héroïne Mai, qui a fini par tuer son père qui la battait, est débarquée dans un orphelinat pour filles où ils se passe des choses pas très nettes. En effet, il est interdit de sortir des chambres après minuit, et celles qui ne respectent pas cette règle disparaissent dans des circonstances mystérieuses. Sa sœur ayant auparavant disparu dans ce même établissement, Mai est bien décidée à sortir après l'heure H et découvrir la vérité avec ses nouvelles camarades Rotte et Liliana.
Les démons de minuit
Death end re;Quest 2 est divisé en jours, avec donc une partie jour et une partie nuit. Le jour, le joueur assiste à une série de dialogues entre les étudiantes de cet internat à l'appellation pittoresque : Wordsworth. Bien mal nommé, puisque les conversations tenues dans ses murs ont peu de valeur, notamment scénaristique. On brasse un peu du vide lors de ces séquences au milieu de personnages secondaires tous oubliables, dont d'ailleurs personne n'a pris la peine de dessiner un modèle 2D complet (tous ces intervenantes se résument à une icône dans la boîte de dialogues). L'humour se renouvelle difficilement, quand il arrive à exister, nous faisant vite regretter le premier volet et ses PNJ bien plus intéressants.
La nuit, Mai et sa bande sortent du dortoir pour explorer la ville de Le Choara, assez mal famée puisque des monstres appelés Dark Matter s'y promènent librement. C'est plutôt dans ces moments que Death end re;Quest 2 se fait plus agréable, en partie grâce au ton assez noir donné à la fois par le scénario de Makoto Kedôin et la direction artistique toujours forte de l'illustrateur Nanameda Kei. Le suspense reste assez bon, particulièrement par les nombreux choix qui font varier le déroulement : des PNJ peuvent mourir dans certains embranchements scénaristiques, et votre propre équipe peut connaître une fin funeste dans d'autres. On peut cela dit toujours sauvegarder à tout instant, afin de ne rien rater.
Il est encore assez intéressant d'explorer tout l'arbre narratif, même si l'on sera déçu par quelques illustrations assez timorées pour ces écrans game over. Le thème de l'horreur étant le point d'accroche de la série depuis le début, il fallait vraiment s'orienter au maximum vers une représentation choc de la mort et de la souffrance, alors que dans le cas présent on a un peu l'impression de reculer et d'uniquement effleurer le thème. En l'état, la plupart de ces écrans game over est décevante et on n'a pas l'impression que le jeu maîtrise son sujet. Peut-être aurait-il fallu viser un certification CERO Z (interdit aux moins de 18 ans) plutôt que CERO D (déconseillé aux moins de 17 ans) à l'instar du visual novel Iwai Hime Matsuri de NIS qui n'avait vraiment pas d'état d'âme dans son graphisme.
Le jeu essaie aussi de faire monter la pression avec un spectre invicible appelé le Berseker, qui peut apparaître n'importe où sur la carte du monde et qui est mortel au contact. Si les habitués sentiront bien le parallèle avec Mary Skelter Nightmares , l'effet sur le gameplay n'est pas le même : le Berseker est vraiment très lent et à moins de faire exprès, il ne vous touchera jamais. Les Nightmares de Mary Skelter étaient considérablement plus coriaces et plus stressants. Le Berseker peut surgir également en combat, où il n'est guère plus dangereux car il ne bouge pas. Une nouveauté qui tombe clairement à l'eau, car elle ne sert ni le gameplay, ni l'ambiance.
A la bande-son, on retrouve Yuki Sugiura qui avait notamment travaillé sur Cyberdimension Neptunia . Si ce dernier fut un désastre en termes de gameplay, ce n'était pas le plus mauvais Neptunia musicalement parlant. M. Sugiura s'en sort assez bien dans un thème différent puisque les mélodies glaçantes font le petit effet, au même titre que les thèmes de combats mouvementés sur le plan rythmique. On ne peut pas en dire autant des graphismes : déjà pas une référence en 2018, le moteur 3D de Death end re;Quest vieillit particulièrement mal. La modélisation est clairement décevante d'autant plus que Dragon Star Valnir , produit en 2018 par Galapagos RPG lui-même, est nettement plus fin. Les fans pourront toutefois se consoler quelque peu avec des nouvelles transformations esthétiquement et graphiquement réussies, qui retranscrivent bien le travail de Nanameda Kei.
Route 666
Death end re;Quest 2 rejoint Mary Skelter Nightmares 2 dans la problématique du lien avec avec le premier épisode : comme ce dernier, le jeu de Galapagos RPG est une mauvaise suite, dans le sens où il s'avère très peu (et très mal) connecté au premier. Le thème a du reste totalement changé, puisqu'on bifurque vers le paranormal alors le précédent était consacré à la réalité virtuelle. Il n'y a pas une richesse narrative comparable à Death end re;Quest, qui faisait des tas de liens très intéressants entre réel et virtuel. Le petit monde de Le Choara tourne un peu en rond et la progression de l'histoire est poussive. L'atmosphère satanique de ce second volet a ses qualités : la secte qui hante Le Choara est praticulièrement oppressante, certains chapitres tiennent en haleine par leurs scènes assez brutales, mais pas sûr que les habitués retrouvrent leurs marques.
Pas plus qu'ils ne retrouveront les anciens personnages, dont le rôle réduit au strict minimum peut être qualifié de misérable. Sans trop en révéler, il faut préciser que les six héroïnes du précédent sont disponibles en combat, mais qu'on ne les voit quasiment pas dans l'histoire ! La logique est vraiment fumeuse... avec ce travail sur les personnages proche du zéro pointé, Death end re;Quest 2 risque non seulement de décevoir, mais aussi de fâcher les aficionados du premier volet.
Le joueur est fort surpris, juste après les crédits de fin, de découvrir un générique d'ouverture ainsi qu'un écran-titre totalement changés. La curiosité laisse rapidement place à la déception quand on s'aperçoit qu'en réalité, le jeu se propose d'expliquer une partie de l'épilogue lors d'une deuxième partie. Et il faut refaire toute la trentaine d'heures de jeu, car il y a une scène par chapitre ! C'est donc là une exégèse très importante, voire cruciale pour faire le lien entre les deux titres, à laquelle on a absolument pas droit dans l'aventure à la base. La fin est par la même occasion difficile à comprendre de prime abord... Compile Heart devrait quand même avoir conscience qu'ils ne sont pas tous seuls à faire des jeux vidéo dans le monde, et que les joueurs peuvent vouloir passer à la suite. Bref, les fans s'économiseront du temps et de l'argent en regardant un bête récapitulatif sur YouTube…
Pour les combats, là encore on sent un coup de marche arrière. Si Death end re;Quest 2 reprend le principe des dalles de couleurs sur la surface de jeu, le fonctionnement est nettement moins probant que dans le premier. Pour mémoire, les dalles procurent soit des effets bénéfiques, soit des malus tout en faisant monter la jauge de corruption des héroïnes qui peuvent passer en glitch style, une transformation qui les rend dix fois plus fortes. Dans cette suite en revanche, les malus disparaissent presque totalement, si bien que le facteur risque qui faisait tout le sel du premier est maintenant inexistant. Il n'est plus non plus possible de renouveler les dalles, ce est problématique dans les longs combats de boss. Exit également l'option pour recourir aux mini-jeux. Les affrontements sont moins longs, mais perdent beaucoup en subtilité et partent vers un système au final quelconque et répétitif.
Points forts
- Suspense efficace
- Quelques musiques bien sympa
- Bon travail de design
Points faibles
- Scénario confus, très éloigné du premier
- Anciens personnages mis au placard
- Combats moins passionnants
- Thème de l'horreur pas assez exploité
- Personnages secondaires sans intérêt
- New game+ quasiment obligatoire pour comprendre
Après Mary Skelter Nightmares 2, c'est une autre franchise prometteuse chez Compile Heart qui fait un bond en arrière significatif, faute de moyens et surtout d'ambition d'exploiter les qualités novatrices du premier au mieux. On peut s'interroger sur la politique de Compile Heart qui multiplie les portages alors que les nouveaux titres manquent clairement d'idées et de contenu. Comme dans le cas de Mary Skelter Finale , la licence de Galapagos RPG aura peut-être une nouvelle chance (la fin le laisse entendre, en tous cas), mais pour l'heure on a là un titre qui n'est plus que l'ombre du premier, que ce soit dans le gameplay, le graphisme ou la narration.