Les grands hasards qui bousculent notre quotidien font que ce Resident Evil 3 édition 2020 arrive en pleine crise sanitaire liée au Covid-19. S’il est bien question de contamination dans le titre de Capcom, celle-ci est provoquée par la multinationale Umbrella Corporation. Le virus T transforme les pauvres habitants de Raccoon City en dangereux zombies assoiffés de sang. Jill Valentine, héroïne du premier volet, est bien décidée à fuir cet enfer. Deux mois après les événements du manoir Spencer et quelques heures avant les épreuves de Resident Evil 2, le sol tremble sous les assauts d’un nouveau Tyran : le redouté Nemesis. De quoi vibrer de plaisir pour cette RE-lecture ?
De l’action sans temps mort avec des morts
Au crépuscule des années 1990, il était impossible d'échapper au virus Resident Evil. Après le succès flamboyant du deuxième volet, deux épisodes étaient en phase d’incubation : l’un sous-titré Nemesis , l’autre Code Veronica . Si ce dernier enthousiasmait les fans par sa sortie sur la Next Gen de l’époque, à savoir la Dreamcast, Resident Evil 3 sur PlayStation avait pour lui les promesses d’un gameplay dépoussiéré en dépit de graphismes loin d’être révolutionnaires. Assumant totalement son orientation action, le titre de 1999 ajouta les demi-tours rapides, l’esquive, ou encore la possibilité de fabriquer ses propres munitions. Le décor était également plus interactif et la maniabilité connaissait une belle amélioration en laissant le joueur monter des escaliers naturellement, sans l’obliger à appuyer sur une touche pour déclencher une animation. Cet aspect plus dynamique est conservé dans le remake de 2020. Avec la caméra épaule empruntée au Resident Evil 2 (2019) sorti l’année dernière, le titre de Capcom encourage à faire parler la poudre. Les munitions sont nombreuses, et le jeu n’hésite pas à mettre des groupes d’une dizaine d’opposants sur le chemin parcouru par Jill. Cependant, cette abondance de monstres a un effet inattendu. Dans l’optique d’économiser de la mémoire vidéo pour garantir le 60 images par seconde, les développeurs du studio japonais ont préféré alléger les démembrements infligés aux adversaire. Certes, il est toujours possible de retirer un bras et une jambe comme lors du précédent périple, mais les membres sectionnés disparaissent comme par magie, alors que les cadavres allongés ne peuvent plus être mutilés au couteau. C’est toujours cette recherche de la performance qui force les créatures démoniaques à se dissoudre dès qu’elles tombent au sol quand les hordes arrivent par vagues, à la fin du jeu. En résulte une œuvre avec plus d’ennemis à l’écran, mais au final étrangement moins gore.
Les premiers instants de Resident Evil 3 se passent devant une cinématique tournée avec des prises de vue réelles. Oui, comme à la bonne époque du tout premier épisode et de son célébrissime “Don’t go”. En 24 ans, Capcom a néanmoins gagné en puissance de feu : de la série Z nanardesque, nous passons à la série B pleine de bonne volonté.
Par rapport au dernier remake, le comportement des livides marcheurs n’a pas vraiment évolué. Les zombies sont une menace en position verticale comme horizontale. Au rayon des bonnes nouvelles, le couteau n’est plus destructible. En contrepartie, il n’est plus utilisable comme ultime recours face à une étreinte trop ardente. Puisque les zombies ouvrent les portes ou rebroussent chemin au bon vouloir des level designers, iI reste envisageable de faire le ménage assez sereinement en restant dans un entrebâillement. Bien que ce remake intègre des morts-vivants inédits corrompus par le Nemesis, affublés d’un tentacule au sommet de leur crâne capable de blesser les héros à distance, le bestiaire fait dans l’économie de moyens. Si une partie du casting d’origine est bien présente avec les Hunter et autres chiens zombies, nous notons la disparition des araignées, des corbeaux et du Grave Digger. Les terribles Pale Heads apparus dans les DLC de Resident Evil 2 font eux aussi leur retour. Les Drain Deimos ont quant à eux fusionné avec les Brain Suckers, engendrant des créatures aussi agiles que véloces aptes à empoisonner Jill dans les couloirs en angles droits de la station électrique. Nous aurions tout de même aimé plus de monstres différents dans nos rencontres. En plus des esquives/coups à activer au moment opportun grâce à R1 (ou RB), le joueur dispose d’un arsenal assez varié aux armes parfaitement calibrées pour les menaces locales. Pourquoi s’entêter à affronter un Hunter γ au fusil à pompe quand les grenades se révèlent bien plus efficaces ?
Renaissance ou redite ?
Les quinze premières minutes de l’épopée ont de quoi laisser bouche bée. En effet, l’introduction s’amuse à varier les caméras avec un point de vue tantôt subjectif, tantôt derrière l’épaule du Nemesis (culotté !), tout en multipliant les clins d’œil inspirés aux références du genre. L’impression d’apocalypse qui se dégage des rues de Raccoon City n’a jamais été aussi bien retranscrit à l’écran, œuvres cinématographiques estampillées Resident Evil comprises. Manette entre les mains, le joueur est immédiatement mis sous pression. Il faut avouer que se retrouver sans vie en possession d’une petite poignée de munitions n’aide pas à se sentir en sécurité face aux abominables hordes. La difficulté se révèle bien dosée : les affrontements contre les boss demandent un peu de doigté, les séquences de fuite du Nemesis sont tendues et certains passages nécessitent du sang-froid. Oui, la première partie de l’aventure qui se déroule dans les rues enflammées de Raccoon City est une jolie réussite. Tellement que l’autre moitié souffre de la comparaison. Il y a tout d’abord le passage avec Carlos à l’intérieur du commissariat. Pendant une petite heure, le soldat de l’UBSC est amené à accomplir des actions banales aux mêmes endroits que ceux parcourus l’année dernière. C’est-à-dire faire un tour par les casiers de matériel et se rendre au bureau des S.T.A.R.S. Même si cette séquence était bien présente dans l’édition de 1999 (dans la peau de Jill), elle flirte avec le remplissage dans cette relecture. Malgré quelques clins d’oeil amusants quant aux événements que Claire et Léon sont amenés à rencontrer, nous n’aurions pas été contre une réécriture plus inspirée. Même constat avec les égouts et l’hôpital qui souffrent d’un level design quelconque en plus de rappeler à quel point la saga peine à sortir de triptyque ville/sous-sol/labo. La quête à l’hommage respectueux serait une excuse envisageable si Capcom n’avait pas intégré des changements aussi drastiques dans le déroulement de son remake.
Les armes à ramasser durant la partie se comptent au nombre de sept avec le couteau, le pistolet, le pistolet à rafales, le magnum, le fusil à pompe, la mitrailleuse et le lance-grenades. Elles peuvent être améliorées en cours de jeu grâce à des add-ons à trouver. Deux armes de jet sont également présentes (grenade classique ou assourdissante) ainsi que tout un tas de munitions aux effets variés. Une fois l’aventure terminée, il est possible de se munir d’autres trouvailles grâce à la boutique. En échange d’un peu de monnaie virtuelle, le joueur a la possibilité de s’équiper d’une dague enflammée, d’un fusil électrique ou encore d’un lance-roquettes.
Dans cette fuite en avant en pleine crise sanitaire qui défie toutes les règles de confinement, le joueur averti découvre au fil de ses enjambées les grosses différences qui tranchent avec la version de 1999. À l’instar du remake du deuxième épisode, le Resident Evil 3 édition 2020 n’hésite pas à prendre des distances avec la création dont il s’inspire. Le studio japonais va même beaucoup plus loin que ce à quoi il nous avait habitués dans l’exercice de réinterprétation. De nombreuses scènes de l’épopée originelle ont été mélangées, transformées, voire carrément supprimées. Certains personnages gagnent en importance (Nicholai) tandis que des séquences cultes sont tout bonnement retirées, à l’image du passage du beffroi ou encore du combat contre l’hélicoptère. Le système de choix a lui aussi disparu plutôt que d’être réinventé. Nous aurions tant apprécié voir une réinterprétation plus généreuse, qui fait évoluer plutôt qu’effacer, et qui ne retire pas des scènes en extérieur au profit de couloirs aseptisés plongés dans les ténèbres. Fort heureusement, plusieurs propositions bienvenues contrebalancent les points les plus négatifs, en particulier tout ce qui touche aux impressionnants combats de boss. Nous rappelons que contrairement à Resident Evil 2, cet épisode ne propose pas de choisir entre deux scénarios. À l’instar de ce que nous avions joué en 1999, Jill et Carlos sont contrôlables au sein de la même histoire. C’est le jeu qui décide quand rendre la main, aucun système de switch à la RE0 n’étant intégré. Moins long que Resident Evil 2 mais plus concentré dans son rythme malgré quelques baisses de régime (le commissariat, l’hôpital), ce Resident Evil 3 nous a livré son dénouement après sept bonnes heures de survie (en normal).
La trouille aux trousses, en 60 images (d’horreur) par seconde
Survival-horror oblige, le joueur progresse en repoussant les adversaires qui se trouvent sur sa route, en résolvant des puzzles (très simples) et en trouvant des objets permettant l’ouverture de nombreuses portes. Mais accomplir ces actions avec le Nemesis aux fesses, c’est tout de suite plus angoissant ! La star tueuse de S.T.A.R.S a bénéficié d’un sacré traitement de faveur. Plus nerveux que Jill et doté de multiples compétences d'attaque, le Tyran a la capacité de bondir pour mieux empêcher l’héroïne d'atteindre ses objectifs. Contrairement aux poursuites avec Mister X, fuir ne suffit plus pour l’emporter. Afin d’échapper au monstre d’Umbrella, il est nécessaire d’utiliser à bon escient les grenades, l'esquive, mais aussi et surtout le décor. Il n'est pas impossible qu'un bidon explosif ou qu'un générateur électrique à activer avec une balle bien placée puisse étourdir – un moment – le colosse. Aussi harceleur qu’il est, le Nemesis ne suit pas Jill à l’intérieur des petites boutiques du centre-ville ou dans les salles de sauvegarde. Ses différentes mutations assurent en tout cas le spectacle à l’occasion d’affrontements spectaculaires.
Resident Evil 3 propose plusieurs niveaux de difficulté. En facile, le jeu attribue une mitraillette et une partie de la vie se regagne automatiquement. En difficile, les ennemis sont plus résistants et les items sont moins nombreux. Inutile de préciser que si vous souhaitez vraiment du challenge, le mode hardcore est hautement recommandé.
L’horreur du Nemesis et de tous les maléfices de Raccoon City est mise en valeur par une technique de premier ordre. Graphiquement, le soft de Capcom montre une fois de plus de quel bois se chauffe le RE Engine. Les visages sont superbes, les effets de lumière sont fabuleux et le tout tourne en 60 images par seconde. Les artefacts visuels aperçus dans les méandres du commissariat ont disparu et les animations sont aussi nombreuses que détaillées. Seule ombre au tableau : le moteur physique somme toute basique qui fusionne le mobilier avec le sol. Pour ne rien gâcher, les voix françaises sont réussies, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Les puristes seront ravis de savoir que la VOST est proposée. Du côté des compositions, nous retrouvons des thèmes réorchestrés des grands classiques pour une ambiance qui oscille entre l’épique et le sinistre. Resident Evil reste Resident Evil, avec son lot d’incohérences plus ou moins importantes malgré le travail de réécriture, mais son univers fourmille de suffisamment de détails pour mettre le joueur dans de bonnes conditions. Un titre peut-être un tout petit peu trop gourmand pour la One X et la PS4 Pro, à en juger par le bruit des ventilateurs.
Refaire l’enfer en 4v1
La saga Resident Evil et les modes multijoueur ont rarement réussi à s’acoquiner. Avec Resistance, Capcom tente courageusement un des exercices les plus délicats en matière de game design : l’asymétrie en 4 contre 1. Les développeurs de Fable Legends et d’Evolve ne savent que trop bien les pièges dans lesquels il est si facile de tomber lorsque l’on produit ce type d’expérience. Ici, quatre joueurs, dans la peau de survivants, ont pour mission de trouver la sortie d’un escape game mortel dirigé par un cinquième le joueur, le Mastermind. Ces survivants doivent en fait remplir des quêtes (générées parmi plusieurs modèles que le Mastermind peut personnaliser) dans les trois zones qui composent un niveau. Il est par exemple demandé de trouver des objets spéciaux à ramener à un point précis, de désactiver des terminaux, ou encore de détruire des “biocœurs”. Le problème, c’est que la fine équipe fait face à un chronomètre dont les secondes défilent très rapidement, et que chaque erreur en retire un certain nombre. En conséquence, les survivants courent dans tous les sens, ce qui facilite le travail du Mastermind qui abat d’abord ses cartes, puis ses victimes. Le méchant maître de jeu dispose en effet d’une main de quatre cartes. À chaque fois qu’il en utilise une, une nouvelle lui est attribuée de manière à ce qu’il possède toujours quatre compétences utilisables. L’activation d’une carte fait descendre une jauge d’énergie qui se recharge au fil des secondes, à l’instar de mécaniques utilisées dans les MOBA. Son seul moyen de voir ce qui se passe dans les zones de jeu est de passer par les caméras de surveillance qui couvrent les environs, ou d’entrer dans la peau d’un de ses monstres invoqués pour attaquer directement les pauvres victimes. Le but du Mastermind est de ralentir la progression des héros en utilisant ses pouvoirs à bon escient, mais aussi en fermant les portes, et en éteignant les lumières. Réussir à isoler un héros puis lui envoyer l’enfer sur terre fait partie des petits plaisir d’un bon maître de jeu.
Chaque Mastermind et chaque survivant dispose de ses propres compétences. Valérie, la soigneuse, repère les objets de quêtes à distance. January, la hackeuse, s’occupe de rendre le Mastermind aveugle en brouillant ses caméras. Tyrone, le tank, fait parler ses muscles mais peut aussi booster la force de ses camarades. Samuel, le boxeur, fait parler ses poings pour en mettre sur les “i”. Martin, le geek, est un pro des machines. Becca, la chasseuse, fait parler la poudre et Jill est un as de la gâchette et de l’esquive. Les Mastermind disposent eux aussi de leurs propres cartes spéciales pour venir embêter les survivants : Daniel fait appel à Mister X et Spencer pose des barrières, entre autres.
Si le Mastermind s’avère amusant à jouer grâce à sa puissance capable de mettre au sol n’importe quelle équipe de joueurs un rien désorganisée, incarner un survivant n’a rien de très intéressant. Contrairement à Dead by Daylight ou Friday the 13th , être dans la peau de la victime n’est pas vraiment enthousiasmant. Déjà, certaines règles varient entre le solo et le multi. Par exemple, les armes de corps-à-corps sont ici destructibles (et réparables avec un kit). Ensuite, le level design tortueux, où une simple chaise peut empêcher le joueur de passer l’obligeant ainsi à trouver un autre passage, créé plus de frustration qu’autre chose. Enfin, si chaque action réussie du côté de l’équipe donne de précieuses secondes (tuer un zombie, désamorcer un piège, etc.), chaque pépin en ponctionne d’autant plus (se faire mordre par une créature, mourir, etc.). Quelques astuces simples auraient permis d’équilibrer un petit peu plus les rencontres, comme le fait de ne pas pouvoir poser de zombies à moins de trois mètres des joueurs, augmenter le prix des invocations ou encore rendre les tourelles moins efficaces. Le timing vraiment très serré pour les survivants est un handicap qui sera insurmontable pour la plupart des joueurs ne connaissant pas aussi bien les compétences que les maps par cœur. Capcom a heureusement eu la bonne idée d’intégrer un mode “Entraînement” afin de laisser les utilisateurs se familiariser à leur rythme avec les niveaux et les protagonistes. De la monnaie virtuelle est octroyée en fin de partie, à dépenser pour du cosmétique ou de l’équipement. Des loot box et autres boosters à acheter contre de l’argent réel sont aussi de la partie. Tout ce qu’on aime.
Points forts
- Une technique quasiment irréprochable (beau, fluide, bourré d’effets spéciaux)
- Un bon mix entre action et angoisse
- Un rythme haletant, particulièrement dans sa première moitié
- Le Nemesis en impose à chacune de ses interventions
- Le endgame propose tout un tas de choses à débloquer pour prolonger l’expérience
- En multi, jouer le Mastermind est relativement amusant
- Excellente VF
- Les rares clins d'oeil au remake de RE2 sont sympathiques
Points faibles
- Seulement 7 heures pour en venir à bout (en “''Normal''”)
- Un travail inégal de réécriture, et des coupes décevantes
- Quelques rares séquences qui tirent inutilement en longueur
- Un mode multijoueur déséquilibré, loin d’être inoubliable
- Les démembrements ont perdu en effet gore
- Plus d'interactions avec l'histoire de Claire/Léon aurait été bienvenues
Les S.T.A.R.S plient mais ne rompent pas sous les assauts de l’impressionnant Nemesis. Si à l’époque, Resident Evil 3 avait apporté de réelles nouveautés de gameplay par rapport au deuxième épisode, le RE3 de 2020 se préserve. Graphiquement splendide, fluide, et dopé par des séquences diablement réussies, le soft de Capcom jouit d’un rythme soutenu malgré une seconde moitié moins inspirée. Bien que l’aventure soit courte, le dernier-né de Capcom respecte le cahier des charges. Le virus prend donc une nouvelle fois, mais nos anticorps sont puissants. Après la première attaque du Mister X de 2019, ce Nemesis ne nous a pas provoqué la même tachycardie. Les fans risquent de ne pas pardonner certaines coupes faites à l’histoire de base, tandis que les néophytes apprécieront une épopée qui vaut le coup d’œil. Le mode multijoueur asymétrique, lui, peine à convaincre. En définitive, que vous ayez connu ou non la version originelle de Resident Evil 3, Jill saura vous mener une ultime fois, et avec panache, dans les rues infernales de Raccoon City.