Webcomic à succès depuis 2009, One Punch Man continue d’asseoir sa popularité auprès des amateurs d’œuvres décalées. Anti-shonen par excellence, la série de l’artiste japonais ONE et du mangaka Yûsuke Murata joue avec les codes du genre et détruit le mythe des super-héros avec un humour aiguisé. Saitama, le personnage principal, qui est doublé par Orelsan dans l’hexagone, souffre d’un syndrome qui l’empêche de ressentir la moindre émotion durant les combats. Il lui suffit en effet d’un seul et unique coup de poing pour terrasser n’importe quel adversaire, qu’il s’agisse d’un humain ultra balèze ou d’un monstre sorti de la torpeur des ténèbres. Cela donne lieu à des séquences cocasses où se mêlent des personnages loufoques, une académie de super-héros et des affrontement ultra punchy. Drôle, satirique et violent, One Punch Man mérite vraiment le coup d’œil. Mais avec un tel pitch, la moindre adaptation se transforme en piège et nous allons vérifier si Bandai Namco et Spike Chunsoft ne sont pas tombés dedans.
Trailer de lancement de One Punch Man : A Hero Nobody Knows - Saitama prêt au combat
Après une introduction qui donne le ton, le jeu entre immédiatement dans le vif du sujet en vous proposant de définir les traits physiques de votre personnage, homme ou femme. Même si ça manque de folie au premier bord, le menu est suffisamment complet pour façonner un protagoniste pouvant se fondre sans mal dans l’univers barré de la licence. Ceci fait, un prologue se déclenche et le joueur assiste, impuissant, à la défaite de son avatar dans un combat face à un monstre lambda. Le pauvre quidam ne doit son salut qu’à l’intervention de ce bon vieux Saitama. Jeune premier oblige, vous voilà au bas de l’échelle, prêt à en découdre pour gravir les échelons de l’association et obtenir le rang S ultime. En se basant sur le système de notation entrevu dans l’anime, le studio Spike ne s’est pas cassé la tête et s’est appuyé sur un concept essoré qui consiste à proposer de petites zones donnant accès à des missions principales, des quêtes secondaires, etc. À mesure de la progression et de l'expérience acquise, les lieux s’ouvrent sur de nouveaux endroits ajoutant des objectifs inédits (et évidemment plus corsés). Autant dire que le principe est éculé. On n’a donc plus qu’à espérer que la mise en scène et le gameplay sortent du lot…
Le roster de One Punch Man : A Hero Nobody Knows est composé de 27 personnages, dont deux variantes de Saitama. L’histoire se basant sur la première saison de l’anime, on retrouve les célèbres compagnons ou ennemis du chauve à la cape. Ainsi, le fidèle Genos est au rendez-vous tout comme les frères Marcel. Vous pouvez également incarner Moustachute, Sonic (pas le hérisson hein) ou l’excellent Roulette Rider. Évidemment, des monstres comme Crabotaure, Le Roi des Profondeurs ou encore Scaravageur sont également présents. Pour obtenir l’accès au VS, au classement ou encore aux affrontements en ligne, il faut progresser dans l’histoire afin de pouvoir rejoindre le Q.G de l’association. Enfin, sachez que des DLC ajoutant des combattants sont d'ores et déjà prévus.
Où est le punch ?
En dehors de son univers et de son humour satirique, la série One Punch Man se démarque par le dynamisme de ses affrontements. Les coups sont violents, les visages se déforment, les corps sont tuméfiés (quand ils ne finissent pas en charpie) et on ne retrouve à aucun moment cette puissance dans le gameplay du jeu. Malgré la présence de coups vénères et de chopes, les rixes manquent de possibilités et on a sans arrêt l’impression de revivre, ad vitam aeternam, les mêmes enchaînements. L’ensemble est terriblement limité et l’absence d’impact dans la mise en scène fait qu’on s’ennuie vite. C’est d’autant plus vrai que les personnages, à la fin d’un combo, se retrouvent au sol et mettent un temps fou à reprendre leur esprit. Le résultat est sans appel : le rythme est haché et la redondance est décuplée par l’inintérêt des quêtes et l’étroitesse des lieux visités. Ne vous étonnez donc pas de devoir livrer des colis ou faire transiter des messages à des individus qui ne sont qu’à quelques mètres les uns des autres. C’est ridicule mais c’est pourtant le prix à payer pour débloquer l’intégralité du roster. Si vous détestez les jeux qui allongent leur durée de vie artificiellement (avec du grind à outrance), ce titre risque d’être un moment douloureux à passer.
Gare aux maux de tête
C’est d’autant plus rageant que ce One Punch Man distille quelques idées intéressantes. On pense ainsi aux personnages qui interviennent en plein combat pour vous épauler. On connaissait déjà ce système mais le principe est ici mis en scène de manière plus originale. Dans le coin supérieur gauche ou droit de l’écran, une petite fenêtre s’ouvre et on voit apparaître, par exemple, Roulette Rider en train de pédaler comme un dératé. Le tout est accompagné d’un timer qui indique au joueur quand le renfort débarquera. Il est même possible de réduire le compte-à-rebours en enchaînant les combos. Il y a donc un aspect stratégique intéressant, surtout lorsqu’on se retrouve à résister à un adversaire puissant (la faute bien souvent à une difficulté mal dosée) en attendant l’aide salvatrice. À cela viennent s’ajouter des évènements qui influent sur le déroulement du combat. Ainsi, en dehors des items (renforçant l’attaque, la défense, etc.) apparaissant sur le champ de bataille, vous serez par exemple surpris par une pluie de météorites, de la foudre ou une créature gigantesque. Cela ne bouleverse pas les forces en présence mais ça dynamise – un tantinet – les joutes.
Le mode Histoire, qui propose des doublages en japonais (go les options !), laisse donc un sentiment d’inachevé. La progression est ultra classique, la mise en scène manque de punch et ce ne sont pas les quelques « amuse-gueules » de fortune, comme le fait de pouvoir personnaliser son appart’ ou de se refaire une garde-robe via des boutiques de vêtements, qui changent la donne. Même le système de lien social ou les interactions "online", qui auraient pu être intéressants, n'apportent rien. Les développeurs ont beau avoir diversifié les styles de combat (on peut passer de l'un à l'autre) et respecté l’univers de la série, ça ne suffit pas. Et ce n’est malheureusement pas la réalisation qui va atténuer l’impression de gâchis. Visuellement, le titre accuse, au bas mot, une génération de retard. Qu’il s’agisse des graphismes en cel-shading, de l’animation générale (vive les ralentissements), des effets ou même des contrôles, le titre n’a rien d’une œuvre de 2019. On ne parle même pas des murs invisibles ou de l’impossibilité de sauter en mode exploration. Pour une première adaptation sur console, on était en droit d’espérer, à l’image de l’animation de la saison 2, bien mieux.
Points forts
- Univers globalement respecté
- Le roster sympathique
- Les évènements en plein match
- Le principe des renforts
Points faibles
- Réalisation totalement dépassée
- Progression générique
- Mise en scène d'une platitude abyssale
- Gameplay sans âme
- L'intérêt des missions
- Interface discutable
- Environnements sans inspiration
- Temps de chargement entre chaque combat
Loin d’être à la hauteur des attentes, cette première adaptation de One Punch Man sur consoles et PC se prend les pieds dans les débris de Z-City. Sans être avare de bonnes idées, le jeu de Spike ne répond pas aux exigences du moment. Souffrant d’une progression terriblement générique et d’une réalisation complètement datée, A Hero Nobody Knows est malheureusement une antithèse de ce que propose l’œuvre originale. Mou, mal équilibré et répétitif, il ne conviendra qu’aux fans hardcore du manga de ONE et Yûsuke Murata. Un jeu trop moyen et c’est bien dommage.