L’histoire est connue mais mérite néanmoins d’être à nouveau racontée. En 2018, des programmeurs italiens avaient développé sur leur temps libre une démo d’un remake de Resident Evil 2 utilisant la caméra à l’épaule initiée par Resident Evil 4. Quelque temps plus tard, Capcom leur demandera de tout arrêter puisque travaillant sur leur propre remake du deuxième épisode. Invité par le studio japonais à Osaka, l’équipe italienne repart des étoiles plein les yeux et un nouveau projet en tête bâti sur les cendres de leur démo : Daymare 1998.
Daymare effectuera-t-il un Daymarage canon ?
Pour celles et ceux qui n’auraient pas encore saisi, Daymare 1998 est un survival-horror pur souche mettant en avant non pas un mais plusieurs personnages. Construit autour de plusieurs chapitres, le titre a ceci d’intéressant qu’il nous fait incarner, du moins au tout départ, le bad-guy par excellence n’ayant aucune moralité et ne désirant qu’une chose : remplir sa mission coûte que coûte. On déplorera donc un peu que la suite soit plus conventionnelle en nous mettant dans la peau de Samuel, un garde forestier à la personnalité peu développée, ou bien encore Raven, un membre de l’escouade H.A.D.E.S. dont fait également partie Liev, premier personnage qu’on incarne. Dans l’absolu, le fait de switcher d’un personnage à un autre au grès de l’aventure est une bonne idée même si ici, elle sert principalement à nous faire changer de point de vue tout en reliant les chapitres entre eux.
Daymare va-t-il plus loin que l’hommage ?
Malheureusement, Daymare 1998 n’arrive que très rarement à s’émanciper de son postulat de départ et ce aussi bien dans son histoire, ses personnages ou son gameplay. Ainsi, outre le fait d’incarner une copie quasi conforme de Hunk durant les premières heures, les développeurs ont tellement tenu à rendre hommage à la saga de Capcom que les clins d’oeil abondent du début à la fin, eux-mêmes engoncés entre divers easter eggs issus du cinéma de genre ou une séquence plus meta nous proposant de nous rendre dans «les locaux» des développeurs de Invader Studios. Bien que ces hommages amusent, on finira un peu par s’en lasser au bout d’un moment d’autant que la construction s’avère finalement lambda et sans surprises pour qui connaîtrait bien les rouages du survival-horror.
Notons tout de même que si les inévitables allers-retours sont très présents dans les lieux fermés (base de recherche, hôpital), le tout sera moins vrai en extérieurs, dans les rues de la ville de Keen Sight (ressemblant fortement à une certaine Raccoon City), puisqu’on nous demandera généralement d’aller simplement de l’avant. De même, notre progression étant entravée par des hordes de macchabées, on devra vite gérer son équipement afin de ne pas être à court de munitions ou d’items boostant notre vie, notre endurance ou notre mental. Si il n’est pas utile de rappeler l’importance d’avoir toujours sa santé à fond, précisons que le boost d’endurance nous servira tout simplement à courir plus longtemps. Utile pour prendre de la distance avec un zombie n’ayant pas son pareil pour nous courser dès qu’il nous aperçoit. Enfin, le fait de stabiliser notre mental sera intimement lié aux boosts de santé, ces derniers ne fonctionnant pas si notre niveau mental est trop bas.
En somme, on passera la plupart de notre temps à fouiller un peu partout pour dénicher des documents écrits ou audios ou bien encore les combinaisons de cadenas nous ouvrant des placards recelant généralement des balles ou des objets de soin. Bien pratique sachant que le jeu propose une bonne difficulté, que ce soit en Facile ou Normal. Il faut dire que la jouabilité s’avère parfois un peu raide et qu’hormis un retournement rapide, nous n’avons que peu de mouvements à disposition pour prendre la tangente ou éviter d’être attrapé par un mort vivant. Point de roulade, d’esquive, impossibilité d’enjamber un élément du décor, la seule façon de se défaire de l’étreinte d’un zombie sera d’appuyer frénétiquement sur une touche afin de repousser l’ennemi et ainsi perdre le moins de santé possible. On pourra également trouver frustrant que les check-points soient si mal gérés, certains étant très éloignés et nous demandant donc de reprendre de longues portions. Bien que les développeurs aient pensé à mettre quelques points de sauvegardes, synonyme de coffres communicants (tiens, tiens) afin de retrouver nos objets superflus, le tout ne sert pas à grand-chose. D’abord parce que ces lieux sont très peu nombreux et donc peu utiles et surtout parce-qu’on peut combiner plusieurs objets entre eux pour gagner de l’espace. N’hésitez donc pas à revenir régulièrement dans votre inventaire qui, en plus de regrouper informations sur votre état de santé et documents récupérés, vous permettra de remplir un chargeur puis de l’attribuer à un menu d’action rapide pour l’utiliser prestement en pleine action. Pour terminer avec la difficulté, on notera un écueil similaire à celui de Resident Evil 2 Remake voulant que certains zombies soient étrangement résistants et se relèvent après avoir pris quatre balles en pleine tête.
D’autant plus étrange qu’à l’image du jeu de Capcom, On peut ajuster son tir en restant quelques instants statique pour occasionner plus de dégâts. Malheureusement, même en prenant en compte cet élément, il nous est arrivé d’exploser avec une seule balle que trois ou quatre fois une tête lors de notre périple, du moins avec l’arme de base. Certes, on aura alors la possibilité d’utiliser une mitraillette, un fusil à pompe ou un Magnum 45 mais on préférera garder ces armes pour des rencontres plus musclées synonyme de créatures proches d’une sorte de Tyran ou d’un Man-Thing particulièrement résistant et nous crachant à distance de l’acide.
De bonnes idées minimisées par des errances de jeunesse
Bien que la partie action soit omniprésente, on reprochera également au jeu que son bestiaire ne soit pas plus évolué et que les gunfights se ressemblent tous plus ou moins. Les modèles physiques des zombies étant peu nombreux, seuls quelques vêtements donnent l’impression d’affronter d’anciens policiers, travailleurs de chantiers ou patients hospitalisés. Sachant que seules deux créatures viennent grossir les rangs de nos ennemis, on en fait vite le tour.
Victime de leur budget réduit, Invader Studios a néanmoins trouvé quelques subterfuges pour rendre leur jeu plus intéressant. Saluons déjà les énigmes, plus nombreuses et surtout plus intéressantes que celles de n’importe quel Resident Evil. Mélangeant analyse de l’environnement et un peu de jugeote, la plupart d’entre elles s’avèrent sympathiques sans être trop difficiles à l’exception d’une ou deux un peu maladroites. Continuons avec une astuce brisant le quatrième mur en nous demandant, après avoir récupéré des documents dans le jeu, d’aller sur un site Internet dédié et d’utiliser un code pour débloquer des documents nous donnant des renseignements sur les événements de Daymare. Si il y avait sans doute mieux à faire avec ce concept cher à Hideo Kojima, on notera que les documents lisibles sont tous en anglais alors que le jeu propose des sous-titres français.
Enfin, en incarnant Liev une fois arrivé à Keen Sight, on devra se dépêcher pour trouver un abris afin de ne pas succomber au gaz s’étant répandu dans la ville. Pourquoi pas serait-on tenté de se dire sauf qu’hormis presser le joueur qui devra alors zigzaguer entre les zombies d’une maison à l’autre, cela ne sert pas vraiment l’ambiance. On saluera un peu plus les hallucinations de Samuel qui verra à intervalle régulier des apparitions de sa femme ou de l’homme qu’il poursuit. Pas bête d’autant que par la suite, certains zombies apparaîtront également via ce procédé, le vrai et le faux se mêlant alors pour faire monter notre trouillomètre. Malheureusement, sur ce point, Daymare 1998 ne décolle jamais, la faute à une construction sans surprises et un côté un peu cheap.
Cependant, si ce premier essai des italiens est minimisé par de trop grandes ambitions et son envie absolue de citer et remercier ses modèles via des références parfois un peu envahissantes, il se laisse parcourir. Le jeu aurait sans doute gagné à s’affranchir beaucoup plus de ses pairs afin de surprendre davantage mais en l’état, le tout est suffisamment sympathique pour qu’on découvre ce qui se trame derrière ces expériences et ce narrateur semblant avoir toujours avoir un coup d’avance sur nous.
Points forts
- Bien que raide, la jouabilité n’est pas mauvaise
- Enigmes mieux pensées que dans n’importe quel Resident Evil
- Quelques idées (comme les hallucinations de Samuel) sont intéressantes
- Quelques environnements détaillés
Points faibles
- N'arrive jamais vraiment à s'émanciper de ses modèles
- Narration parfois bavarde et souvent très lambda
- Check-points mal placés
- Bestiaire limité
- Seules quatre armes sont disponibles
- Artistiquement en dents de scie
Daymare 1998 s’inscrivant dans la continuité de la démo de Resident Evil 2, Invader Studios récite à la lettre leur leçon en offrant tout ce qu’on est en droit d’attendre d’un tel jeu. Malheureusement, si les italiens ont pensé à cocher toutes les cases du jeu miroir (dans la limite du budget alloué), ils ont un peu oublié de rajouter suffisamment de nouveautés et cette pincée d’originalité afin que le résultat ne s’enferme pas de lui même dans son statut d’oeuvre simplement référentielle. Intéressant donc pour celles et ceux qui attendraient des nouvelles du prochain remake de Capcom mais vite oubliable au final.