Fruit d'un kickstarter ayant réuni 30,000 $ sur les 20 000 demandés et du travail que l'on imagine acharné de 5 Français collaborant sous le nom de Hibernian Workshop, Dark Devotion est un mix d'influences, Dark Souls en tête. Mais donner la réplique au mastodonte sans tomber dans la copie conforme est un exercice délicat, que le studio réussit pourtant plutôt bien à accomplir en introduisant des mécaniques de gameplay empruntées à d'autres genres.
Trailer de Dark Devotion
Dark Devotion vous place dans les chausses d'une jeune initiée de l'Ordre des Templiers. Ce dernier, comme d'habitude, s'est donné pour mission de lutter contre le mal, la corruption et de rétablir la lumière divine et il vous appartiendra d'explorer les endroits les plus sordides pour nettoyer le monde du mal. Et cela tombe bien puisque notre héroïne a pour avantage majeur de pouvoir ressusciter après sa mort.
Dans la plus grande tradition du genre, la narration de Dark Devotion, à l'exception de son introduction qui pose les bases de l'univers, sera pour le moins sibylline. Quelques phrases lâchées ici où là par des personnages meurtris croisés dans votre périple ou quelques notes griffonnées sur un parchemin seront les éléments qui vous donneront plus de détails sur les enjeux du titre, même si l'ensemble restera beaucoup trop cryptique pour les moins curieux. Cependant, Dark Devotion, grâce à son univers sombre et son pixel art soigné, parvient à happer le joueur dans son univers poisseux et jouit d'une véritable aura. Visuellement solide, le titre de Hibernian Workshop est aussi assorti d'une bande-son toujours dans le ton, bref, de ce point de vue, difficile de prendre Dark Devotion en défaut.
Un gameplay emprunté aux Souls
Décomposé en plusieurs grandes zones, chacune accueillant des boss intermédiaires et des boss finaux, Dark Devotion oscille entre Souls-like en 2D et rogue lite. On pense inévitablement à Dark Souls, d'abord, pour plusieurs raisons allant au-delà de sa narration énigmatique. Vos mouvements (vous ne pouvez pas sauter), à l'exception de la marche, sont adossés à la consommation d'une jauge d'endurance qui, au début de l'aventure, est plus que limitée. La parade, la roulade et l'attaque consomment donc une généreuse partie de la jauge et le titre fera vite comprendre au joueur impatient qu'il est inutile d'espérer enchaîner les coups pour venir à bout d'un adversaire. Effectivement, une fois l'endurance arrivée à 0, un délai d'une bonne seconde vous empêchera de porter le moindre coup et de réaliser plus d'une roulade. Il faudra donc en permanence garder un œil sur la jauge, et bien appréhender la lourdeur des attaques et des déplacements de votre héroïne. Les coups ne sont pas instantanés, et la moindre arme à deux mains demandera le déclenchement d'une animation avant que l'assaut ne soit porté. Perturbante au départ, cette philosophie s'avère plutôt gratifiante à terme. Profiter de la frame d'invincibilité, se propulser dans le dos d'un boss qui vous charge pour ensuite enchaîner quelques coups précis, se dégager de la prochaine attaque... la prise en main est plus intuitive qu'elle n'y paraît de prime abord et s'avère finalement nerveuse à l'usage. Académique, certes, mais bien exécuté.
Une question de foi
Chaque zone principale du jeu est découpée en plusieurs pièces grouillant d'adversaires qui varient en fonction de l'environnement dans lequel vous vous trouvez. Terrasser un ennemi vous octroiera une certaine quantité de foi, que vous pourrez dépenser de différentes manières. Tout d'abord, elle vous permettra de prier sur différents autels. Certains vous permettront de vous soigner, d'autres vous procureront des consommables ou vous guériront de malédictions contractées au cours de votre aventure. Enfin, la foi permettra d'ouvrir des passages secrets, en l'échange d'un nombre défini de points. C'est là l'emprunt que fait Dark Devotion aux Metroidvania, puisque votre jauge de foi initiale sera trop faible pour déverrouiller l'accès à certaines zones du jeu, Il faudra donc explorer les environs et dénicher des runes qui pourront augmenter votre foi, certes, mais également votre endurance, vos chances de coups critiques ou encore et surtout votre endurance. C'est ici la seule manière d'augmenter vos statistiques, puisque Dark Devotion ne propose pas vraiment d'arbre de talent. En revanche vous aurez la possibilité d'augmenter vos points de vie et votre défense en fonction des objets que vous récupérerez sur le corps des monstres, dans les coffres ou via les autels. Vous ne disposez que de deux points de vie et d'armure en début de parcours et ce sera votre équipement qui déterminera le nombre de coups que vous pourrez recevoir avant de passer l'arme à gauche, ce qui se produira plus souvent qu'à votre tour.
La mort dans Dark Devotion est plutôt punitive. Effectivement, si vous étiez ravis de l'équipement trouvé en arpentant les donjons, sachez que vous en perdrez l'intégralité une fois occis, à moins que vous n’ayez préalablement récolté un item dont le patron sera directement inclus dans la forge, que vous retrouverez dans le hub au sein duquel vous serez parachuté en cas de mort. Si, par exemple, vous avez récolté une épée puissante et qu'une mention « patron ajouté à la forge » apparaît, vous pourrez la sélectionner comme matériel de départ avant de repartir en exploration. Votre personnage peut équiper au choix une arme à deux mains, une épée et un bouclier, un arc et des flèches des livres de sorts et, s'il peut partir avec seulement deux consommables, il pourra en équiper 4 au total.
Adieu le loot
Cet aspect rogue lite, qui vous contraint à recommencer à 0 ou presque à chaque mort, est cependant contrebalancé par la possibilité d'obtenir des bonus permanents. En plus des points de foi, les monstres et boss tués octroient également des orbes que vous pourrez dépenser dans un arbre de talents passifs, divisé en 5 paliers dont chacune se déverrouille à mesure que vous progressez dans le monde du jeu. Tous les paliers sont assortis d'un talent plus puissant qui ne sera quant à lui disponible qu'une fois un boss précis terrassé et vous ne pourrez embarquer qu'un seul talent par palier à chaque nouvelle exploration. Mais cet avantage n'est cependant pas suffisant pour adoucir la grande avarice de Dark Devotion lorsqu'il s'agit de distribuer des patrons d'équipement. Au cours de la grosse vingtaine d'heures (en fonction de votre propension à explorer) que vous demandera le jeu pour être bouclé, les pièces utiles se feront rares. Si chaque boss donne droit à une arme, un grimoire ou un bouclier, de nombreuses armes intéressantes resteront confinées aux donjons sans rejoindre votre forge, au même titre que les armures.
Hello darkness my old friend
Il faudra donc explorer les moindres recoins des différentes zones afin d’espérer étoffer le catalogue de votre forge ou tout simplement obtenir l'équipement adéquat avant de se frotter un boss. Cela dit, cette tâche est facilitée par le fait que les niveaux et les ennemis ne sont pas générés aléatoirement et que certains loots intéressants tombent systématiquement sur les mêmes ennemis. Ainsi, à mesure que vous recommencez les niveaux, votre connaissance des lieux s'accroît et ce n'est pas un mal, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, parce que Dark Devotion est sombre, trop sombre. Quel que soit l'écran sur lequel nous l'avons testé, il s'est avéré indispensable d'augmenter le gamma au maximum, faute de quoi notre personnage se trouvait embroché sur des pics que l'obscurité excessive ne laissait pas entrevoir en contrebas. Ensuite, parce que Dark Devotion est construit de telle sorte qu'il n'est jamais possible de revenir en arrière, une solide connaissance des lieux est indispensable si vous voulez retrouver votre chemin vers un boss ou un loot. S'il existe bien une carte qui se dévoile à chaque nouvelle pièce découverte, cette dernière est en bien des points illisible si bien qu'il nous est très souvent arrivé d'emprunter un chemin que nous ne voulions pas prendre. Dans ce cas de figure, et dans l'impossibilité de revenir dans le hub pour prendre le chemin désiré, il était la plupart du temps préférable de se laisser mourir et donc de perdre à nouveau tout le stuff difficilement acquis.
Entre autres écueils, Dark Devotion fait quelques choix assez inexplicables, comme l'impossibilité de mettre le jeu en pause en dépit de l'absence de mode multijoueur ou encore un système de quête (facultatives, mais indispensables) pas spécialement claires ni toujours en accord avec votre progression, vous demandant parfois, par exemple, de tomber un boss déjà précédemment occis.
Malgré la frustration qui naît immanquablement des points précédemment cités, Dark Devotion reste une expérience agréable à vivre. Effectivement, la difficulté est suffisamment équilibrée pour garantir un vrai challenge tout en restant surmontable et certains combats de boss sont assez inspirés et originaux. Dark Devotion sait bien exploiter la 2D et offre des patterns de boss inspirés et lisibles qui, s'ils demanderont un peu de pratique, ne devraient pas pour autant vous demander un nombre incalculable d'essais pour être assimilés. Il est simplement regrettable que le jeu soit un peu trop académique et bancal dans certaines de ses mécaniques.
Points forts
- Gameplay agréable une fois appréhendé
- Boss variés et souvent originaux
- Atmosphère soignée
- Un challenge réel mais équilibré
- Plutôt complet niveau équipement, bestiaire...
Points faibles
- Vraiment trop sombre par défaut
- Carte peu lisible
- Trop homogène dans ses environnements
- Un peu avare en loot permanent
- La lourdeur du gameplay pourrait rebuter
Sans être révolutionnaire, Dark Devotion récite plutôt bien les codes dont il s'inspire et offre une expérience complète et exigeante, tout en restant accessible. Si l'on pourra déplorer une trop grande homogénéité dans les décors, quelques confusions dans la construction du monde ou une avarice un peu appuyée en loot, le titre de Hibernian Wortkshop reste un souls like solide, à petit prix, doté d'un gameplay intuitif une fois appréhendé, d'une ambiance agréable et de combats de boss intéressants, à défaut d'être vraiment retors. Classique certes, mais qui mérite votre attention.