Au fil de ses 92 volumes, One Piece aura atteint le statut de manga culte trônant depuis des années parmi les meilleures ventes mondiales. A juste titre devrait-on dire car si l'oeuvre d'Eiichiro Oda reste moins ancrée dans la culture pop qu'un Dragon Ball, elle reste plus travaillée que l'oeuvre de Toriyama et ce sur quasiment tous les plans. Un univers foisonnant, une pléthore de personnages charismatiques, des retournements de situations, des grands sentiments, des batailles homériques, tout dans One Piece respire l'aventure bien que l'oeuvre n'évite pas quelques poncifs inhérents au genre Shonen. Pour autant, le manga n'avait jamais vraiment eu droit à un jeu à la hauteur de sa renommée. Et c'est là qu'arrive One Piece : World Seeker qui, pour la première fois, offre à la licence un semi Open World.
Bien que le test fasse référence (par écrit ou via des screenshots) à de nombreux personnages, précisons que ceux mentionnés sont apparus dans les trailers officiels du jeu.
Le monde de la piraterie, la franche camaraderie, Luffy, bien que ces trois éléments soient au centre de One Piece : World Seeker, ce dernier n'en reste pas moins une sorte de filler vidéoludique ou, au choix, un pendant aux films de la saga mettant en avant une histoire inédite. Le premier fait notable est l'implication d'Eiichiro Oda qui a désigné deux nouveaux personnages, Jeanne et Isaac, autour desquels l'histoire va s'articuler. Malheureusement, on se rend rapidement compte que celle-ci est très convenue et surtout prisonnière de quêtes principales et annexes peu intéressantes et rallongeant artificiellement la durée de vie et par conséquent l'intrigue. Sans vous en expliquer les tenants et les aboutissants, disons que Luffy et sa bande vont devoir aider les insulaires de l'île Prison oscillant entre les Promarines et les Antimarines. Très rapidement, on découvrira que tout n'est pas si simple et qu'une terrible menace semble émerger de l'île, ce qui légitimera de manière plus ou moins convaincante la présence de nombreux amiraux et autres ennemis du passé.
Gomu Gomu Fan Service
Comme on pouvait s'en douter, One Piece : World Seeker ne lésine à aucun moment sur les innombrables clins d'oeil au manga et à l'anime. Alors qu'on s'amusera à regarder de plus près les avis de recherche placardés ou à dénicher les easter eggs Pandaman, difficile de retenir un léger sourire complice à l'évocation des amiraux fraîchement débarqués sur l'île. D'autant plus vrai que comme vous pouvez l'imaginer, les rencontres avec ces derniers seront autant de prétextes à des affrontements de boss. Malheureusement, leur présence est rarement introduite avec tact bien que la situation en début de jeu puisse légitimer la présence des forces de la Marine. On ne doute d'ailleurs pas une seule seconde que le nombre de protagonistes s'étoffera d'ici peu via l'ajout de DLC d'ores et déjà annoncés. Toutefois, au delà de l'aspect «fan service», on trouvera étrange qu'il nous soit demandé de sympathiser avec tous ces adversaires via le système de Karma.
En effet, au fur et à mesure de notre progression, on sera amenés à remplir plusieurs objectifs (battre tant d'ennemis, finir telle ou telle quête...) afin d'augmenter notre affinité avec divers personnages en vue de l'obtention de nouvelles missions. Bien que le tout ait du sens avec notre équipage, Law, Sabo ou dans une certaine mesure, Baggy, il est déjà plus étrange de tisser des liens avec le Germa 66, Crocodile ou Kizaru. D'autant plus vrai qu'on nous demandera de les affronter à plusieurs reprises. Etrange mais finalement assez représentatif du jeu disposant d'une base solide mais ne sachant jamais véritablement l'utiliser à bon escient.
One Piece Semi Open World Seeker
Ce ressenti s'exprime également à travers le monde à disposition. Plutôt jolie, colorée et mettant en avant un cel-shading assez agréable malgré des visages peu expressifs, l'Ile Prison manque cruellement de personnalité. Un fait notable pour One Piece où le lieu de l'action sert habilement le déroulé de l'histoire à travers un imaginaire fantastique synonyme d'arcs incroyables comme ceux de Thriller Bark, Impel Down ou plus récemment celui de Big Mom. Même son de cloches pour le somptueux One Piece Gold qui profitait à merveille de son environnement. Dès lors, difficile de pardonner ce point à One Piece : World Seeker qui ne nous laisse jamais la possibilité de rentrer dans les bâtiments ou même de visiter des villes grouillantes de vie, autre caractéristique du manga. Il est d'ailleurs intéressant de noter les différences flagrantes entre le superbe Opening en CG (représentant sans doute ce à quoi aspirait Ganbarion) et le résultat «in game», dans la même ville (Steel City) comprenant une poignée de PNJ mais aussi et surtout un grand nombre de ruelles et autres places complètement vides.
Partons à la découverte de l'Ile Prison
Dommage d'autant que la segmentation de l'île en zones aurait pu apporter son lot d'expérimentations graphiques afin de se démarquer en proposant des ambiances très différentes. On devra malheureusement se contenter d'une ville minière, de plusieurs prisons et de villages manquant de personnalité et de vie. Dommage également que l'architecture du jeu ne soit guère plus inspirée. Bien qu'on compte une centaine de misions secondaires et bon nombre de principales, le jeu n'utilise jamais pleinement son gameplay pour varier les plaisirs. Ainsi, alors qu'on y trouve un léger aspect infiltration (permettant de se cacher dans un tonneau, de marquer ses ennemis et de faire des éliminations furtives), celui-ci n'est pas vraiment mis en avant, comme si les développeurs semblaient conscients des limites de ce qu'ils avaient conçus. La conséquence de tout ceci se matérialise alors par des quêtes nous demandant toujours la même chose : chercher des matériaux, des personnes ou combattre. Aussi limité que la palette de coups mais nous y reviendrons.
En soi, One Piece : World Seeker n'incite pas vraiment à la découverte même si le joueur sera obligé d'y consacrer du temps, du moins dans l'absolu. En effet, pour utiliser le système de craft mis à disposition, vous devrez, en plus d'accepter des missions pour obtenir matériaux et autres plans d'équipements/costumes alternatifs, ouvrir des coffres disséminés à travers le monde. Bien que ces derniers, au nombre de 200, recèlent des récompenses variables, vous y trouverez des matériaux de plus ou moins bonne mais nécessaires afin qu'Usopp ou Franky puissent créer de l'équipement augmentant vos statistiques. Et si jamais, vous manquez d'un élément, vous pourrez envoyer n'importe lequel de vos nakama en expédition en espérant qu'ils vous ramènent ce qui vous manque. Chaque compagnon ayant son domaine de prédilection (Tissus, Bois, Fossiles), il conviendra simplement d'envoyer le bon personnage en fonction de ce que vous désirez et de lui attribuer au préalable un repas influant sur le nombre et la rareté des matériaux qu'ils trouveront. Sachant que chaque recette de bento sera à dénicher avant de pouvoir l'utiliser, vous comprendrez vite leur importance au sein des explorations. Néanmoins si l'intérêt de créer de nouveaux costumes (bien qu'esthétique mais rappelant de bons souvenirs aux fans) est indéniable, celui de crafter de l'équipement est somme toute relatif, le changement de stats n'étant pas des plus notables en pleine action.
Sans compétences, la puissance n'est rien
On délaissera alors poliment cet aspect du jeu pour se concentrer sur les missions qui nous rapporteront des PC, indispensables pour obtenir la quarantaine de compétences dispatchées en plusieurs sections. Exploration, Combat, Fluide Offensif, Perceptif puis Gear 4 (arrivant tardivement afin de ne pas casser la courbe de difficulté), il ne tiendra qu'à vous de débloquer ce qui vous intéresse le plus pour profiter du jeu selon vos envies. Sur ce point, bien qu'on apprécie le sentiment de puissance lorsque Luffy passe à l'action, on déplorera un très faible nombre de coups de base ou à débloquer. Décevant d'autant qu'en proposant de switcher entre la posture défensive (privilégiant l'esquive et les attaques rapides) et offensive (pour plus de puissance et la possibilité d'encaisser davantage de coups), il y avait ici aussi matière à mieux faire. Au lieu de ça, on passera son temps à matraquer un unique bouton pour frapper et ainsi augmenter sa jauge de Tension afin de sortir l'un des trois coups spéciaux à disposition. Pourtant, ici aussi, Ganbarion semble avoir brider volontairement l'un des éléments les plus cools du jeu.
Luffy face à Smoker
Ainsi, bien qu'il soit rapidement possible d'augmenter ladite jauge et donc de sortir une attaque spéciale, l'idée aurait été de faire en sorte qu'on puisse déclencher l'attaque désirée (nécessitant 1 à 3 niveaux de puissance en fonction des coups) au moment où on le souhaite, par exemple au début d'un combat de boss. Malheureusement, il n'en est rien, la jauge se vidant dès lors qu'on n'attaque plus personne. Maladroit et nous incitant à courir sans cesse pour trouver des ennemis afin de garder sa jauge pleine en vue d'un combat un peu plus difficile. Bien qu'en Novice ou Normal, cette prise de risques ne soit pas préjudiciable, autant dire que dans l'un des trois niveaux de difficulté supplémentaires, c'est une autre paire de manche, la gestion de ladite difficulté étant assez déséquilibrée.
Pour palier à cet état de faits, on devra alors privilégier les attaques furtives ou à distance et renforcer rapidement la puissance de ses Gum Gum Bazooka et Rafale ainsi que son Elephant Gum et Red Hawk. On saluera également la présence de sauvegardes automatique et manuelle évitant de devoir se retaper de trop longues sessions à chaque Game Over. Toutefois, face à un boss, vous devrez malgré tout faire preuve de dextérité d'autant que ces derniers pourront vous éliminer en quelques secondes si vous ne faites pas attention. Pour éviter ceci, on aurait ainsi apprécié un lock ne nous demandant pas de tout le temps le réinitialiser afin de suivre notre adversaire. Idéal pour perdre de vue les ennemis les plus vifs et se prendre des coups. La parade sera alors de tenter une Esquive ou Garde Flash pour ralentir le temps et placer un coup surpuissant dans la foulée.
Une étape plus qu'un voyage
Au delà de ses défauts, One Piece : World Seeker représente une sorte d'esquisse de ce pourrait donner un open world se déroulant dans l'incroyable univers d'Eiichiro Oda, avec plus d'ambitions et de moyens. La matière est là mais le potentiel est rarement bien utilisé, la plupart des bonnes idées étant minimisées par un problème ou une déception. On citera par exemple le doublage, profitant des voix officielles japonaises, mais uniquement audible durant les cinématiques, les nombreux dialogues du jeu devant se contenter de quelques onomatopées vocales. Si ce constat était également vrai dans le dernier Zelda, cela ne choquait pas outre mesure car faisant partie de l'ADN de la série. A l'inverse, impossible ici de ne pas comparer avec l'anime, des plus bavards. Bien qu'on comprenne cette décision (mû par des problèmes de coûts), difficile en revanche d'accepter la place des autres membres de l'équipage de Luffy, relégué au second plan et servant principalement à introduire des quêtes ou faisant de la figuration lors de quelques cinématiques.
C'est donc entre répétitions (l'obligation de se téléporter toutes les cinq minutes pour conclure des quêtes) et frustration qu'on évoluera la plupart du temps dans le jeu de Ganbarion. Et c'est bien dommage car comme nous le précisions plus haut, le titre avait le potentiel pour faire bien mieux. On devra néanmoins faire avec ce qu'on a sous la main et si incarner Luffy reste agréable, en amenant un vrai sentiment de puissance, sans parler de la joie d'user d'attaques iconiques ou de profiter d'un casting éclectique, on imagine d'ores et déjà une suite qui viendrait gommer les errances de ce volet obnubilé par son fan service au point d'en oublier l'essentiel : le plaisir de la découverte.
Points forts
- Un fan service constant...
- Quelques beaux effets spéciaux
- Les musiques, dans la veine de celles de l'anime
- Diriger Luffy est intuitif et agréable...
- Le sentiment de puissance
- Bonne durée de vie (+ de 35h pour tout voir)
Points faibles
- … mais généralement mal intégré
- Un Open World vide incitant peu à la découverte
- Quêtes Fedex ou de «cache-cache» inintéressantes
- … Malgré une palette de coups limitée
- Le lock mal pensé
- Le système de craft et de Karma peu utiles
- L'aspect infiltration anecdotique
- Scénario peu intéressant
- L'impossibilité d'incarner les Mugiwara au grand complet
One Piece : World Seeker aurait pu être un excellent jeu si Ganbarion avait rimé avec «grandes ambitions». Malheureusement, en l'état, le titre des japonais n'arrive que rarement à procurer davantage qu'un sentiment de joie à la vue du casting proposé s'étiolant rapidement à mesure que le temps passe. N'arrivant pas à pleinement nous impliquer à cause d'un scénario lambda et de quêtes peu inspirantes, le jeu peine à convaincre autant dans son histoire que son gameplay, accessible, fun mais finalement limité. Reste tout de même un monde agréable à l'oeil, une bonne sensation de puissance et quelques combats de boss plutôt cool.