Pour quiconque aime les jeux un brin exigeants et les aventures spatiales, Endless Space est un petit bijou. Amplitude, le studio à l’origine de ce 4X intergalactique remet le couvert avec un deuxième opus pour l’instant en accès anticipé. Après le succès du premier, les attentes sont élevées. Bonne nouvelle, Endless Space 2 semble se diriger sereinement vers le succès de son prédécesseur.
Les Lumeris marchandent
De Sins of a Solar Empire à Master Of Orion en passant par le très dispensable Civilization : Beyond Earth, Galactic Civilizations (aucun rapport avec le précédent) ou encore l’excellent Stellaris, le 4X (pour eXplore, eXpand, eXploit and eXterminate) semble irrémédiablement attiré par l’espace infini et ses empires galactiques. C’est même parmi les étoiles que le genre a fait ses premiers pas au début des années 80, avec notamment Reach for the Stars sorti en 1983. Presque trente ans plus tard, c’est un Français qui s’illustre dans ce domaine, avec Endless Space, un titre déjà culte pour tous les amateurs de space opera et d’avalanches de chiffres. N'oublions pas également qu'Amplitude fait partie de ces studios qui, à l’instar de Paradox, semblent savoir comment renouveler ses licences avec succès. Après un passage par le médiéval-fantastique avec un autre 4X baptisé Endless Legend et par le dungeon-crawler avec Dungeon of the Endless, Amplitude revient à Endless Space, cette fois sous la bannière de Sega.
Endless Space 2, à quoi ça ressemble ?
Gardons avant tout à l’esprit qu’il s’agit d’un accès anticipé. Le jeu ressemble néanmoins beaucoup à sa version finale et aucun bug n’est venu entacher mes quelques heures dessus. Par ailleurs, les développeurs travaillent toujours à améliorer ce qui peut l’être et à ajouter les nombreuses fonctionnalités manquantes. Ainsi, seules deux types de victoire, score et militaire, sont disponibles en accès anticipés, ce qui limite un peu l’expérience de jeu avec certaines races. Les races, ou peuples, jouables ne sont qu’au nombre de quatre pour le moment. Et, grande nouveauté, elles sont totalement asymétriques. Entendre par là que chacune a son propre style de jeu : autant dire que tout les oppose.
Les Cravers par exemple sont militaristes, expansionnistes et globalement animés par une volonté de détruire, là où les Sophons sont de gentils érudits, plus portés sur le développement scientifique que sur la baston. Les Lumeris, quant à eux, sont des marchands, des financiers, d’ailleurs plus proches de la Cosa Nostra que de Standard’s and Poor. Les Vodyani… sont difficilement descriptibles. Des vampires ? Cette race, victime d’un sur-développement non contrôlé, vit dans ses Arches et pompent littéralement les ressources des planètes qu’ils croisent sans les coloniser. Ah, et ils sont également xénophobes : ils n’assimileront pas les autres races.
La guerre, c’est pas mon fort
Par rapport à Endless Space premier du nom, le principe ne change pas : le joueur incarne le dirigeant (pas si suprême que ça, mais nous y reviendrons) d’un peuple au beau milieu de l’espace, qui devra étendre son empire et explorer la galaxie, se développer technologiquement et militairement... Mais aussi gérer sa politique intérieure, avec un système de sénat galactique divisé entre factions ou clans en fonction des affinités de chacun (Ecologistes, Religieux, Militaristes, Pacifistes, Industrialistes). Par ailleurs, l’impact de Endless Legend se ressent clairement, tant au niveau de l’interface que de certaines nouvelles options. Preuve qu’un studio peut prendre le meilleur de ses titres précédents pour proposer des jeux toujours plus complets et plaisants.
La navigation se veut beaucoup plus fluide, sans que le joueur ait à subir une avalanche de chiffres à chaque clic. Les onglets affichent le nombre minimum d’informations requises, sans polluer l’écran de statistiques, lesquels s’obtiennent à travers la très sympathique fonction “scan”. Celle-ci permet d’afficher les détails, à grands renforts de tableaux et de diagrammes, des planètes, de leur économie, de leur population... Inutile de tourner autour du pot, l’interface respire enfin, contrecarrant de fait les reproches que l’on pouvait faire à Endless Space et au manque de lisibilité des fenêtres.
Space Simulator
La patte d’Endless Legend, on la retrouve également au niveau des peuples mineurs. Non, il ne s’agit pas de races spécialisées dans l’extraction de ressources minières, mais de factions de moindre importance. Elles ne sont pas jouables et leur sphère d’influence se limite généralement à un ou deux systèmes solaires. Le joueur les aura conquises et assimilées en quelques tours. Mais leur existence ne s’arrête pas là. En effet, une fois que ces peuples auront intégré votre empire, ils siègeront au sein de votre Sénat galactique, changeant parfois radicalement l’idéologie dominante. Oui, parce qu’un sénat où siègent mes belliqueux Cravers et ces hippies écolos issues d’un peuple conquis, c’est un peu un déjeuner entre le Dalaï Lama et Poutine… Sauf que ces fumeurs de joints se reproduisent plus vite que mes fiers guerriers et qu’ils deviennent majoritaires sur certaines planètes colonisées jusqu’à faire pencher la balance en faveur des Ecologistes au sénat, là où les Militaristes dominaient très largement quelques tours auparavant... Autant dire que l’assimilation met parfois un sacré désordre.
Néanmoins, on pourra déplorer le poids finalement marginal des factions mineures en tant que tel. Ennemies, elles seront boutées de la galaxie en une poignée de tours. Alliées, elles sont franchement inutiles d’autant que la diplomatie est pour l’instant très limitée, vu qu'on peut la résumer en Guerre et Paix. Mais les développeurs ont promis des options bien plus nombreuses dans le futur, à l’image de ce qui se fait déjà dans les Civilizations. On peut espérer la créations de protectorats, de peuples vassaux ou encore la possibilité, une fois une faction majeure détruite, de permettre aux races mineures conquises par l’adversaire de reformer leurs propres empires ou plutôt des Etats fantoches au service de vos intérêts...
Vous l’aurez compris, le politique joue un rôle majeur dans Endless Space 2. Chaque action du joueur, des choix de quête à l’assimilation de races en passant par les recherches technologiques et la construction de bâtiments, aura un impact sur les forces en présence au sein de son sénat galactique et sur les résultats des élections qui se tiennent régulièrement. Et le poids de chacune des factions déterminera quelles lois vous pourrez faire voter ou abroger... sachant que la faction politique dominante pourra adopter des lois sans votre consentement. Notons fort heureusement que vous pourrez truquer les élections, financer votre candidat, corrompre ou menacer les candidats adverses. Bienvenue dans une république galactique bananière... Bon, n’exagérons pas, les magouilles ne sont pas obligatoires et les “alternances” du pouvoir sont parfois bénéfiques. De plus, certaines quêtes auront tendance à mettre un peu d’ordre au Sénat... ou au contraire achever de plonger votre empire dans une anarchie politique qui n’a rien à envier aux élections américaines.
Ces quêtes permettent surtout de découvrir l’univers du jeu et l’histoire des peuples jouables qui sont tout de même très touffues et extrêmement bien écrites. 4X oblige, l’exploration de la galaxie sera l’un des principaux déclencheurs de quêtes mais aussi une des principales missions : découvrir telle curiosité sur une planète, créer des avant-postes, explorer tel pourcentage de la galaxie... Les vaisseaux d’exploration sont en effet dotés de sondes qui peuvent être lancées dans une direction pour découvrir la zone ou, dans la fenêtre des planètes, tenir lieu d’expédition de découvertes d’anomalies, de curiosités. Celles-ci seront le plus souvent du loot en termes de ressources, mais également des petites choses plus intéressantes, positives comme négatives : un gisement de ressources, une surface radioactive, une espèce de ruminants... Enfin, notons que l’arbre des technologies est quant à lui plus lisible, abandonnant le côté arborescence du premier Endless Space pour une répartition des technologies déblocables plus linéaire et divisée en “ères”.
Histoires sans fin
Bon, on parle politique et ethnologie depuis un petit moment déjà... Quid de la chose militaire ? Comment Endless Space 2 permet-il d’entreprendre de vastes campagnes génocidaires à grands coups de bombardements orbitaux ? Attention, pas de combat en contrôle manuel, vous êtes l’empereur, pas un vulgaire amiral spatial. Les combats, en règle générale, propose trois choix tactiques, plus ou moins compatibles avec le type de vaisseaux ou d’unités terrestres que vous engagez. C’est, avouons-le, un peu limité et on ne peut qu’espérer l’ajout dans la version finale d’Endless Space 2 d’options plus nombreuses. En fonction de vos choix, des forces en présence, de l'avancement technologique des belligérants, l’IA déterminera seule l’issue de la bataille. Passons rapidement sur les batailles terrestres ne permettant pas de personnalisation possibles des unitéssynonyme d'infanterie, de blindés et de flotte aérienne. La résolution des batailles spatiales, elle, offre une vue cinématique du combat. Non, vous n’aurez aucune prise sur l’action : le joueur n’est ici qu’un spectateur passif. Cet aspect visuel est sympa les trois ou quatre premières fois, mais on finit rapidement par s’en lasser et par abandonner cette “télédiffusion” de la bataille spatiale en cours. Et on ne voit pas trop comment ce pan du gameplay pourra évoluer dans les semaines avant la sortie d’Endless Space 2.
Cependant, il est en l'état extrêmement compliqué de trouver des défauts au jeu, même en Early Access. Aucun bug en plus de vingt heures de jeu, alors que le développement n’est pas terminé ! Remarquable et surtout plaisant. Et les mécaniques renouvelées d’Endless Space 2 ne gâchent en rien notre plaisir. D’ailleurs, ici, ce n’est pas la structure narrative qui va marquer l’évolution entre les deux titres de la licence... L’action se passe-t-elle avant ou après Endless Space ? Ou en même temps ? Peu importe.
Les Vodyani partent en guerre
Ce qui compte vraiment, c’est la transformation du gameplay, plus intuitif, plus fluide, plus accessible... fortement inspiré de Endless Legend. Les nouveautés tirées de la licence med-fan du studio apporte un vent de fraicheur dans le 4X, avec, surtout, l’arrivée d’un système politique très poussé. Bon, n’exagérons rien, il reste encore du travail à faire et de nombreuses fonctionnalités seront, on l’espère, implémentées. On pense ici à des conditions de victoires plus nombreuses, sans quoi jouer certains peuples perd de son intérêt. Mais si Amplitude poursuit dans cette voie, la version finale d’Endless Space 2 promet d’être au moins aussi culte que son grand frère.
En l’état, Endless Space 2 s’annonce comme un très grand crû. Plus beau graphiquement, plus intuitif et lisible sans pour autant décevoir les amateurs de 4X hardcore, il profite de l’Early Access pour se dévoiler et s’améliorer. Chaque patch balance une flopée de correctifs, corrigeant peu à peu la plupart des reproches qu’on pouvait faire au titre (notamment sur la jouabilité très amputée des Vodyani). On attend donc les nouvelles races jouables, peut-être de nouvelles factions politiques, un arbre de technologies étendu et des déplacement de flotte un poil plus rapide. Tout cela figure effectivement dans la roadmap de l’Early Acces. Vivement la sortie ! Quoi ? Une date ? Hum… Avant Noël ?