Plus populaire chez les joueurs que dans la presse (en tous cas en France), Legend of Heroes : Trails of Cold Steel a marqué un tournant dans la politique de Falcom. Le développeur nippon s'en trouve renforcé sur le plan international, ce qui lui permet déjà d'exporter davantage son catalogue comme en témoigne l'annonce récente d'une localisation de Tokyo Xanadu pour début 2017. Mais avant cela, il faut passer par The Legend of Heroes : Trails of Cold Steel II. Le premier volet ayant été critiqué (plutôt à juste titre) pour son manque de rythme, la priorité pour cette suite était de donner un peu de peps à la trilogie.
Test réalisé à partir d'une version japonaise sur une partie complétée de 103 heures de jeu.
Cet article contient des révélations (inévitables pour juger la narration) sur The Legend of Heroes Trails of Cold Steel. Ne lisez pas plus loin si vous n'avez pas fini ce premier épisode !
Legend of Heroes Trails of Cold Steel II commence exactement là où The Legend of Heroes : Trails of Cold Steel finit (jusque-là tout va bien). Rean se retrouve donc avec pour seul compagnie son mecha Valimar nouvellement “acquis”. Isolé et perdu, il n'aura pour but que de retrouver ses compagnons disséminés à travers le monde. Seulement voilà, à l'issue de la guerre-éclair menée par la faction des aristocrates, ces derniers contrôlent la quasi-totalité de l'Empire d'Elbonia. Les membres de la Classe VII, ainsi que tous les élèves de l'académie Thors, prennent le maquis et entrent en résistance avec la ferme intention de libérer le territoire occupé. Un fois le contact établi, Rean et ses compagnons entreprendront de déstabiliser l'ennemi et de permettre la reconquête des territoires perdus.
Cette narration générale de Legend of Heroes Trails of Cold Steel II constitue incontestablement un progrès par rapport au précédent : l'aspect politico-militaire est très bien amené et mis en scène. Le thème de la reconquête est très fort et ravira les fans de la série Valkyria Chronicles. Si The Legend of Heroes : Trails of Cold Steel était une représentation efficace des années 30, cette suite fait quelques excellents parallèles avec les années 40, notamment le gouvernement provisoire incarné par la très jeune Alfin. L'idée de retrouver les anciens personnages petit à petit a aussi ce petit côté grisant qui n'est pas sans rappeler le passage culte de Final Fantasy VI. Les étapes de narration sont bien construites, avec un temps d'arrêt et de développement par personnage et par région, mais avec cette fois plus d'intensité dans le déroulement. Beaucoup de révélations seront faites et la personnalité des héros s'en trouve considérablement enrichie. Si vous les avez aimés dans The Legend of Heroes : Trails of Cold Steel, vous les adorerez encore plus ici. Même si encore ici le début et la fin sont plus intenses que le milieu, il est évident que Falcom a trouvé la structuration juste pour raconter ses histoires, chose qu'il perfectionnera encore dans Tokyo Xanadu.
Aucun grand J-RPG ne se construit sans des antagonistes particulièrement probants, et cette suite fait très fort en la matière : en plus de l'état-major aristocratique vicieux et sans scrupules, le jeu vous met face à une dizaine de mercenaires à la fois surpuissants, charismatiques et au final tout aussi attachants (voire plus) que vos propres personnages. Eux aussi verront leur histoire personnelle être développée en profondeur. Cela va sans dire, les affrontements qui vous opposent à ces rivaux sont particulièrement prenants et là encore, s'inscrivent dans l'héritage du J-RPG des années 2000. À ce titre, soulignons l'épilogue absolument génial qui renverse avec brio la perspective du scénario et son boss de "fin" incroyable à un point que vous ne pouvez imaginer.
Si The Legend of Heroes : Trails of Cold Steel était désespérément linéaire, sa suite gagne grandement en liberté et en contenu. Première chose et pas des moindres, vous êtes désormais aux commandes du fier Courageous, et pouvez vous rendre à l'envi dans les régions libérées. Le joueur est ainsi en mesure d'attaquer les missions annexes ou de se mettre à la recherche de personnages secondaires toujours retranchés dans les différentes régions. Une fois à bord de votre appareil, ces derniers offreront leurs services en venant étoffer les installations : boutiques et centres d'entraînement seront d'une grande aide pour renforcer votre équipe. Vous avez également maintenant un rutilant side-car entièrement customisable pour foncer à travers les routes nouvellement ouvertes entre les localités connues du premier.
Si cela donne un nouveau sens aux quêtes annexes, les mini-jeux ne sont pas en reste et sont davantage intégrés dans l'aventure. Le jeu de cartes, la cuisine et la pêche gagnent en intérêt, ceci étant particlièrement vrai pour cette dernière puisque l'on peut revenir à tous les points d'eau pour compléter ses prises. Cette suite introduit aussi entre entres autres bonnes idées un loto et des défis de snowboard dont l'inspiration est évidente. Bref, les distractions sont nombreuses et Legend of Heroes Trails of Cold Steel II valide là un autre aspect-clé pour un bon J-RPG.
Autre ajout important et enthousiasmant, des personnages secondaires de Legend of Heroes Trails of Cold Steel deviennent jouables. Ce ne sont pas moins de 8 personnages qui s'ajoutent aux 10 de l'épisode antérieur ! C'est le cas par exemple de Elise, Claire, Sarah (et d'autres dont nous parlerons plus bas), ce qui en plus du plaisir de jouer des persos inaccessibles jusqu'alors, apporte grandement en richesse et en stratégie puisqu'ils ont tous des capacités et un style de jeu qui leur est propre.
Les combats reprennent le tour par tour du précédent, avec toujours des déplacements libres sur une aire de combat finie. Le placement de vos personnages sera encore une fois crucial, ne serait-ce que pour bien gérer les sorts de zone : en effet, de nombreux sorts et techniques permettent de se régénérer mais aussi de renforcer ses alliés, chose qu'il faudra faire régulièrement pour tenir la ligne de front. Ces capacités consommeront soit des CP, soit des MP. Les techniques de CP restent cependant primordiales en raison de leur immédiateté. Fait regrettable, Legend of Heroes Trails of Cold Steel II ne corrige pas les points de gameplay qu'on pouvait lui reprocher, et au contraire il les amplifie. Il n'est toujours pas possible de masquer les indications des objectifs, ce qui gâche toujours un peu l'exploration (même si on l'a vu, celle-ci est bien plus intéressante qu'avant). Le plus grave reste qu'un personnage perd toujours tous ses CP quand il est KO. Les CP servant à peu près à tout, il est quasiment impossible de remonter la pente quand on commence à avoir plusieurs persos KO. Surtout que même si on les ressuscite, leur tour est repoussé loin derrière dans l'ordre des tours, ce qui rend la survie encore plus difficile. Le système est en outre beaucoup trop axé sur les S-Break, ces attaques spéciales monstrueuses qui consomment l'ensemble de vos CP. Les S-Break sont tellement cruciaux pour la victoire que cela tend à uniformiser les combats, puisqu'on cherche naturellement à les lancer le plus vite possible.
C'est assez dommage, car Legend of Heroes Trails of Cold Steel II a, comme son prédécesseur, des mécanismes de customisation particulièrement complexes à base de quartz (qui sont des matérias, pour faire simple). Les quartz apportent une très large gamme de sorts élémentaires, d'attaque, de soutien, ainsi que des skills passifs (infliger des états anormaux, baisser les stats, réduire le temps d'incantation). Dans cette suite, la gestion de ces quartz est largement enrichie par la possibilité plus grande de les améliorer via les (rares) boutiques de confection. Commence alors une course terriblement addictive pour se fabriquer des quartz de plus en plus performants, les quartz améliorés donnant un boost de stats plus que confortable. Vous pouvez d'ailleurs perfectionner vos personnages encore davantage quand vous commencez à trouver des quartz de rareté S aux effets les plus fous, ainsi que les 5 Lost Arts et leur magies démentielles, tellement puissantes que vous n'y avez droit qu'une seule fois par combat ! Ajoutez à cela les Master Quartz qui décident de la spécialisation du personnage (soin/attaque/défense etc.), et vous avez un là un système d'une profondeur très appréciable qui vous occupera longtemps.
Dans les combats eux-mêmes, vous pouvez connecter deux personnages pour qu'ils se soutiennent mutuellement, par exemple pour que le deuxième lance un coup supplémentaire en cas de coup critique du premier. Les faiblesses des ennemis en fonction du type d'arme utilisé sont reconduites, et il sera donc question d'utiliser le bon personnage au bon moment. Legend of Heroes Trails of Cold Steel II rajoute un option appelée over-rise. Selon certaines conditions, deux personnages pourront unir leurs forces pendant 3 tours d'affilée, en étant soignés, renforcés et regagnant quelques dizaines de CP. Une option qui donne un grand bol d'air dans les combats difficiles. Les Link Abilities se produisent bien plus souvent, c'est-à-dire que deux personnages liés se soutiennent mutuellement de matière spontanée (soin, défense, gain de CP ou de MP). Enfin, il ajoute un nouvel S-Break à chaque personnage, dont certains sont vraiment ultra-impressionnants, à l'image de celui de Laura.
Mais la plus grande nouveauté reste les combats de Mechas. Dans ces combats très spéciaux mais néanmoins relativement nombreux, vous incarnez Valimar, avec en soutien le personnage de votre choix. La palette de coups de ce dernier est plus réduite qu'un perso normal : il dispose d'une poignée de skills, dont 2 magies dépendant du perso de soutien et de son propre S-Break. Ces combats sont une affaire d'observation puisqu'il faudra viser certaines parties des robots ennemis pour être efficace. Il faut également être très vigilant et surveiller ses HP, MP et CP, car se tromper d'un seul tour peut coûter la victoire. Cela dit, ces combats se sont avérés plutôt simples et mécaniques en raison du contre surpuissant de Valimar, qui cumule absolument tous les avantages.
Le gros problème de Legend of Heroes Trails of Cold Steel II reste sa difficulté élevée. Les boss sont difficiles à vaincre du premier coup et on pourra en venir à avoir recours à la commande "recommencer" qui baisse légèrement les statistiques adverses (-10% à chaque nouvel essai, mais il est également possible de recommencer tel quel). Les boss de ce jeu passent leur temps à augmenter leurs propres statistiques, à se soigner et à appeler des sbires qui tous sont plus rapides que vos persos et lacent tout un tas d'états anormaux. Pour ne rien arranger, les boss principaux ont leurs propres S-Break qui peuvent démolir votre équipe en un instant et qui ne sont frachement pas évidents à contrer. De plus, être pris par derrière se solde quasi-systématiquement par une défaite. C'est ingérable, les soins ne peuvent pas suivre l'avalanche de dégâts. Bref, c'est un jeu pour les durs à cuire du J-RPG, car il faut avoir une maîtrise totale des possibilités stratégiques. On salue ce système de retry qui permet aux non-spécialistes de le finir malgré tout, mais au bout d'un certain nombre de raclées, le plaisir de jeu est sérieusement érodé. Il y a un mode difficile, il y a même des modes encore plus difficiles au-dessus, donc on aurait pu attendre un challenge un peu plus serein en mode normal.
La réalisation n'a pas changé vu que le même moteur de jeu est repris pour cette suite. Les décors sont plutôt jolis et riches pour un jeu PSVita, mais la modélisation des personnages a incontestablement vieilli. Cela concerne surtout les anciens modèles 3D laissés tels quels, alors que les nouveaux personnages apparaissent plus fins. Il n'en reste pas moins que les combats restent visuellement très riches, et peu de titres portables récents peuvent se targuer d'une qualité graphique et d'animation de cette qualité. On note toutefois encore quelques saccades, notamment lors des cinématiques. En dehors de l'aspect purement technique, c'est le design si unique des équipes de Falcom qui fait aimer Legend of Heroes Trails of Cold Steel II. De l'écran titre jusqu'aux Lost Arts démesurés (l'un d'eux est une supernova), en passant par les S-Break de folie et les personnages franchement excellents, le dernier jeu de Falcom respire la classe. L'OST participe à cela car elle fait un quasi sans-faute sur les 100 heures du jeu. Les thèmes de combats sont tous très bons, en particulier l'électrisant Severe Blow, l'épique Blue Destination et bien d'autres encore. Yumir no Keiyokudô ainsi que Shizuka na Ketsui, d'un ton plus mélancolique, sont par exemple aussi diablement efficaces sur le plan émotionel.
Finissons par la dernière mise à jour du jeu qui a eu lieu au Japon quelques mois après la sortie du jeu. Cette dernière ajoute encore cinq personnages jouables (uniquement dans le dernier donjon du jeu) : Alfin et Towa, mais aussi et surtout trois de vos antagonistes (par l'intermédiaire de skins, donc ils vont "remplacer" d'autres personnages existant), ce qui pour beaucoup est un rêve qui devient réalité. On insistera sur ce point car en tant que mise à jour, elle est entièrement gratuite. A l'heure où le prix des DLCs gonfle inexorablement, l'initiative de Falcom fait figure d'exception et mériterait d'être imitée.
Legend of Heroes Trails of Cold Steel II s'annonce en trailer
Points forts
- Univers riche et complet
- Système de Quartz toujours addictif
- Narration et contenu annexe en net progrès
- Des adversaires charismatiques
- Durée de vie conséquente
- Graphiquement convaincant
Points faibles
- Peut décourager
- Système de combat trop uniforme
- Quelques sérieuses chutes de framerate
Considérablement enrichi par rapport au premier volet par sa narration plus prenante, son système de jeu renforcé, la plus grande liberté accordée au joueur et ses nouveaux personnages, Legend of Heroes Trails of Cold Steel II ne se réforme cependant peut-être pas autant qu'il aurait dû. C'est un J-RPG coriace qui peut frustrer, mais qui doit absolument être joué pour ses qualités artistiques et la richesse de son univers et de son gameplay.