Lorsque l’on est français, on est (très) chauvin sur les bords. Difficile de nier un tel constat, encore plus si l’on remonte le temps de quelques semaines pour se retrouver à nouveau devant la conférence Xbox du Summer Game Fest. Dans la line-up, composée entre autres de nouveaux épisodes de Doom ou encore de Gears of War, il y avait aussi un titre qui, rien qu’avec son appellation, avait de quoi rendre curieux n’importe qui. On parle, bien évidemment, de Clair Obscur : Expedition 33.
Dès la fin de la bande-annonce, montée avec soin par Guillaume Broche, le réalisateur du jeu, nous avons vite fait de sortir les drapeaux français en signe de soutien. Car, oui, Clair Obscur : Expedition 33 est un titre français, créé par le studio Sandfall Interactive et soutenu par la société anglais Kepler Interactive (éditeur de SIFU, Tchia, Scorn, Cat Quest III ou encore Ultros). Plus étonnant encore, l’idée - davantage qualifiée de « blague » qui a, on peut le dire, bien tourné - est née d’une grande frustration qui a rapidement germé dans l’esprit assoiffé de jeux de rôle (notamment japonais) de Guillaume Broche, celle d’un manque de J-RPG au tour par tour à la fois dynamiques et dotés de personnages plus adultes. Presque quatre ans depuis le début de cette folle aventure, cet ancien d’Ubisoft (où il officiait dans la branche marketing et gestion de projets de l’antenne chinoise), autodidacte de la programmation et autoproclamé « plus grand fan de Final Fantasy VIII de tous les temps », nous a reçu dans une petite salle d’un bâtiment du XIe arrondissement de Paris, en compagnie de son bras-droit François Meurisse, pour assister à une présentation d’une bonne trentaine de minutes. Il est temps de vous dire tout ce que l’on a appris et de compléter ce que vous avez découvert lors du Summer Game Fest 2024, avec, en prime, notre vidéo preview ci-dessus !
Plus obscur que clair : l’univers d’Expedition 33 est aussi funeste que fascinant
Celles et ceux qui avaient bien ouvert les yeux lors de la révélation de la première bande-annonce auront remarqué que ce n’est pas spécialement la joie dans l’univers de Clair Obscur : Expedition 33. Un Arc de Triomphe coupé en deux, une Tour Eiffel plus si droite et fière : non, ce n’était pas un récit d’anticipation d’une capitale hexagonale post-JO mais il n’empêche que Paris et le monde tout entier n’ont pas la grande forme. La faute à un événement cataclysmique engendré par une entité malveillante baptisée la Peintresse. À la croisée de la fantasy, de la période historique de la Belle Époque et du courant pictural du clair-obscur, le titre de Sandfall Interactive amalgame tout cela… et le détruit tout aussi vite, notamment à travers son décor post-apocalyptique et son contexte funeste. Après avoir vu la Peintresse à l'œuvre dans la bande-annonce de révélation, on a pu mieux cerner la désolation qu’elle fait régner et qui plane sur l’univers de Clair Obscur : Expedition 33. Dans les contrées de ce monde, l’ensemble des habitants craignent le « jour du Gommage ». À la manière d’un compte-à-rebours, la Peintresse efface et remplace le chiffre de son monolithe par celui qui vient juste avant, d’où le passage de 34 à 33 ainsi que le titre du jeu. Si ce phénomène est si funeste, c’est parce qu’il entraîne la disparition de n’importe quel être humain du même âge. Imaginez le désespoir qui habite le coeur de notre héros, prénommé Gustave, lorsqu’il comprend qu’un jour sa jeune soeur adoptive, Maëlle, se retournera l’espace de quelques secondes et qu’elle s’apercevra que son grand frère s’est subitement volatilisé, façon The Leftovers.
Vous l’aurez donc deviné, les héros de Clair Obscur : Expedition 33 ne l’entendent pas de cette oreille et ont l’intention de mettre un terme aux agissements de la Peintresse. Au-delà du mysticisme de cette entité, c’est tout l’univers du jeu qui exsude l’onirisme. Durant la présentation, chapeautée par Guillaume et François, on a pu voir qu’il y avait une mythologie très marquée dans le jeu. Il y a des ennemis clairement identifiés, des créatures étranges et des moments issus d’un imaginaire qu’on a rarement vu représenté de cette manière. Notamment le deuxième niveau qui est une sorte de canyon aquatique - difficile de faire plus immersif en matière de première vraie découverte - doté d’un grain visuel qui altère l’image projetée. C’était amusant, lors de ce premier aperçu, de voir la manière dont Clair Obscur jongle à la fois avec ce côté très fantastique mais aussi profondément réaliste. Dans leur design ou leurs accoutrements, on ressent une esthétique à l’identité française très forte chez les personnages, comme si deux dimensions s’étaient entrechoquées pour créer l’univers de Clair Obscur : Expedition 33. Même dans le travail musical de Lorien Testard qui ponctue certains passages de notes, évoquant des mélodies mélancoliques françaises, et de sonorités de boîtes à musique.
La Horde du Contretemps
Comme on le disait, on a débuté cette présentation de Clair Obscur : Expedition 33 en explorant le second niveau de l’aventure, ce qui nous a permis de suivre la progression de deux personnages (Gustave et Lune) dans des lieux immergés. En l’occurrence, il s’agit de l’une des premières étapes de ce groupe naissant, qui gonflera petit à petit, pour mettre des bâtons dans les roues de la Peintresse. Ce qu’il faut cependant souligner, c’est que ce n’est pas la première fois qu’un groupe d’aventuriers s’élance dans un tel périple. Tout au long de ce voyage, le groupe trouvera des vestiges des anciennes escouades, soit un détail qui devrait mettre la puce à l’oreille des amateurs de littérature. Si on l’a ressenti, dans un premier temps, Guillaume Broche nous a effectivement confirmé que l’une des autres influences du jeu était le roman La Horde du Contrevent d’Alain Damasio. Il faut donc s’attendre à suivre la destinée de tout un groupe, d’apprendre à connaître les spécificités de chaque membre ainsi que leur objectif personnel dans cette aventure qui les dépasse et qui les mènera de plus en plus loin. Dans le cas de Gustave, c’est en partie la recherche de sa sœur adoptive (Maëlle) qui le motive, et ça tombe bien puisque cette démonstration nous a permis de découvrir leurs retrouvailles dans un endroit plutôt particulier qui se nomme le Manoir. Évidemment, l’aspect narratif sur un segment relativement court peut paraître nébuleux mais Guillaume Broche nous a rassurés à ce sujet, évoquant la linéarité de l’histoire principale qui la rendra tout à fait compréhensible.
Néanmoins, si l’on souhaite tout comprendre, il faudra bien sûr s’impliquer dans la progression, plus particulièrement en se montrant curieux, en prêtant attention aux éléments de lore communiqués par certains personnages, en jouant la carte de l’exploration ou encore en fouillant les recoins de ce monde, eux qui dissimulent des secrets… et des boss plus retors. Bref, en plus de ce casting qui s’étoffe, de personnages mystérieux qui apparaissent, à l’image du Curateur, la menace qui plane sur le groupe est identifiée et ne concerne pas seulement la Peintresse. Le groupe va croiser de multiples ennemis, tantôt des ennemis de base (les Nevrons) tantôt des boss. Par exemple, on a pu observer le combat contre un adversaire imposant qui protégeait un champ de fleurs ainsi qu’un petit Gestral, sorte de créature fantastique qui serait l’équivalent d’un lutin dans notre folklore, plutôt atypique. Faisant en partie office de marchands, il est possible d’affronter ses êtres en duel… afin d’avoir accès à l’entièreté de son stock, comme un gage de votre valeur. Par petites touches, Clair Obscur installe son univers et sa narration, et ça rend le tout très accrocheur. En tout cas, lorsque Guillaume et François nous ont fait voir cette séquence où l’on observe le monde suivre son cours et vivre - on pense à cet instant où l’on admire un immense serpent se mouvant dans l’eau, au-dessus des protagonistes - et partagé un aperçu (très) furtif du camp, qui est une sorte de hub, dans lequel on pourra écouter de la musique, se reposer, peut-être même prendre le temps de se refaire une beauté (grâce à un système de personnalisation, via les vêtements et les cheveux modifiables) et, surtout, discuter avec les personnages, on a tout de suite été captivé et intrigué, quitte à poser les questions « interdites ». Y aura-t-il un système d’affinités ? On nous a répondu qu’on aura des réponses à cette interrogation « plus tard ». En attendant, on a préféré nous expliquer… le système de combat !
Le RPG au tour par tour se retrousse les manches, fini la passivité !
Disons le tout de suite, nous ne sommes pas dupes. Au-delà de son ambiance saisissante, ce sont surtout les phases de gameplay au tour par tour qui ont retenu l’attention des joueurs lors de la révélation du Summer Game Fest. Avec la Gamescom, lors de laquelle ils étaient présents, les développeurs de Sandfall Interactive en ont remis une couche et on vous en parle plus en détail. Comme on l’a vu dans notre présentation, le monde de Clair Obscur : Expedition 33 - qui n’est pas un open-world mais plutôt un monde découpé en niveaux remplis de différentes zones, y compris annexes, avec des boss optionnels, des secrets, des trésors, des énigmes - se traverse et s’explore en vue à la troisième personne (il est marrant de voir les différents personnages, interchangeables à la volée, courir d’une manière qui leur est propre) et est peuplé d’ennemis à combattre. Pas n’importe comment d’ailleurs puisque Clair Obscur a fait le choix de proposer du tour par tour, non sans mettre un petit coup de pied dans la fourmilière de ce genre tant apprécié de certains. De ce que l’on a vu, à la manière d’un Persona, le personnage que l’on contrôle pourra porter le premier coup (« First Strike ») pour directement prendre l’ascendant dans le combat. Une fois débuté, on y retrouve les éléments classiques du tour par tour avec l’alternance entre phase d’attaque et de défense, indices contextuels sur l’ordre d’action des héros et des adversaires et des menus qui rappellent ceux de la licence d’Atlus.
N’allez pas croire cependant que Clair Obscur : Expedition 33 se contente de reprendre ce qui fonctionne ailleurs pour l’appliquer à un nouveau cadre. Ici, il y a plein de petites mécaniques qui viennent se greffer : une compétence spéciale par personnage (qui se recharge jusqu’à utilisation à l’aide du nombre d’attaque que l’on porte), un système de points de mana (un peu à la Hearthstone) qu’on utilise, qu’on stocke et qu’on récupère pour effectuer certaines actions ou déployer différents types de techniques, ainsi qu’une visée libre qui nous permet de porter des coups à notre adversaire avant de sélectionner une attaque. Cela permet de compléter une série de dégâts, de contourner l’agilité et l’esquive des ennemis au corps-à-corps ou encore de cibler les points faibles voire des éléments précis qui peuvent déclencher de gros dégâts. Ce qui est d’autant plus excitant avec Clair Obscur : Expedition 33, c’est de constater la manière dont il essaie de dynamiser la formule du tour par tour, s’inspirant des mécaniques de certains jeux FromSoftware à l’instar de Sekiro : Shadows Die Twice. Ici, Guillaume et ses équipes ont voulu gommer au maximum la passivité du tour par tour en nous demandant d’être le plus vigilant possible, et ce, presque constamment. Lorsque l’on attaque, des QTE (Quick-Time Events) apparaissent pour maximiser les dégâts tandis qu’en phase défensive, il faudra faire preuve de précision et de timing pour bloquer les coups et séries de coups (permettant de déclencher une contre-attaque) ou esquiver celles qui ne peuvent être parées.
Force est de constater que le mélange semble fonctionner à merveille et que cela offre un côté encore plus grisant à ce système de combat, principalement basé sur la stratégie. Effectivement, s’il y a de l’action, le studio Sandfall n’a pas rogné sur le côté tactique pour autant : on retrouve un système de dommages élémentaires, de montée de niveaux (on obtient trois points de stats à répartir dans les différentes caractéristiques à chaque montée de rang) et de renforts et de faiblesses (les ennemis ont, parfois, des marqueurs de boucliers à faire disparaître avant de porter les premiers dégâts). En sachant ça, on se dit qu'il y a de quoi s’amuser lors des combats et de mettre au point des enchaînements dévastateurs, nous en tient pour preuve la démonstration faite par Guillaume qui nous a permis de saisir à quel point le gameplay s’annonce exaltant avec suffisamment d’apprentissage et de maîtrise. Pour clore cette présentation, on a brièvement passé en revue le système d’arbres de talents, qui permet d’étoffer le panel de compétences à disposition, et des équipements. Chaque pièce, tant armes que armures, se focalise sur l'une des caractéristiques (à la manière des Souls), ce qui permet d’être plus efficace si tel ou tel héros a investi ses points dans cette catégorie. En plus de ça, il y a des passifs que l’on peut apprendre en remplissant certaines conditions et qu’on peut ensuite activer à la volée, sans avoir la pièce d’équipement sur soi. Pour nous donner un ordre d’idée, Guillaume Broche a comparé cela au système d’équipements de Final Fantasy IX. Par conséquent, en plus d’une liberté d’approche dans la répartition des points pour chaque « archétype » de héros, on a énormément de place laissée à l’expérimentation de différentes builds, permettant à chaque joueur de trouver les combinaisons les plus dévastatrices.
Indéniablement, Clair Obscur : Expedition 33 a réussi le pari de sa présentation en notre compagnie, à savoir de nous donner follement envie de mettre les mains sur cette aventure. Il faut dire que le jeu de Sandfall Interactive a su nous charmer grâce à son ambiance, son esthétique et sa volonté de dynamiser le tour par tour. Pour l’instant, il nous reste encore pas mal de choses à découvrir : les développeurs ont effectivement gardé des surprises sous le coude mais si elles sont à la hauteur de ce qu’on a déjà découvert, Clair Obscur : Expedition 33 a de grandes chances de rentrer dans la catégorie des jeux les plus enthousiasmants de 2025 !