Le jeu d’aventure 2D rétro-futuriste Replaced faisait partie des nombreux titres présents au Summer Game Fest 2024 et il était difficile de faire l’impasse sur un projet au tel potentiel. J’ai donc enfin pu l’essayer, trois ans après son annonce !
Dès la diffusion de son trailer en juin 2021, REPLACED était sur toutes les lèvres. Rares sont les jeux qui méritent autant le terme “art” de pixel art. Le souci du détail dans chacun des sprites, de leur conception à leur animation, est déjà exceptionnel mais c’est l’utilisation de la caméra qui pousse la mise en scène à son paroxysme. Evidemment, REPLACED n’est pas en “vraie” 2D. Comprenez par là que la caméra est aussi capable de faire des rotations et de montrer d’autres angles quand nécessaire. Le jeu de Sad Cat Studios est de ceux qui utilisent pleinement les ressources technologiques actuelles et pour lesquels la 2D est avant tout un choix artistique, comme un Octopath Traveler dans un autre style.
Si vous avez vu les trailers, vous savez déjà tout cela. Ce qui vous intéresse donc, c’est ce que vaut REPLACED une fois derrière la manette. Dans la session qui m’était proposée, je pouvais essayer trois séquences distinctes. Une séquence du prologue qui permet de comprendre les enjeux, une pure séquence de combat dans une arène et une phase un poil plus “aventure”, avec des quêtes dans une ville. Etonnamment, je vais faire dans le désordre et commencer par la partie aventure. On joue une entité appelée R.E.A.C.H. que je vais appeler Reach pour des raisons pratiques et parce que tout le monde finit par l’appeler comme ça dans le jeu de toute façon. Reach est une intelligence artificielle qui se retrouve “accidentellement” dans le corps d’un être humain. Je vous épargne tous les tenants et aboutissants, je suis sûr que vous aimerez les découvrir par vous-mêmes. Dans la session qui nous concerne, j’arrive dans la ville de Phoenix-City et me balade un peu… Soyons clair, la direction artistique fait immédiatement son effet : dans un environnement aux allures cyberpunk post-apo, les animations de tous les personnages en fond donnent un style incroyable à REPLACED. Des zonards qui se réchauffent autour d’un feu, un mec qui passe le balai, d’autres qui discutent, on arrive à reconnaître chaque petit mouvement en un clin d’oeil, pixel par pixel. Plus j’essayais de regarder avec précision, plus les détails me laissaient pantois. Un exemple m’a marqué : alors que je rentre dans un bar, je vois en premier plan un personnage habillé chaudement qui se penche sur la table pour amener sa tasse de café à sa bouche, qu’il ouvre doucement pour en avaler le contenu. Fichtre, il est censé faire partie du décor, il n’a même pas une ligne de dialogue, mais il est mieux animé que certains persos principaux d’autres jeux 2D ! Ses éléments de premier plan, plan principal et arrière-plan sont nombreux dans REPLACED et il n’est d’ailleurs pas rare de se retrouver soi-même sur un plan ou un autre selon la situation.
Mais mine de rien, j’avais une quête à accomplir et je me retrouve à aller chercher un composant pour une borne d’arcade défectueuse. Une quête tout à fait classique qui me demande de faire un ou deux aller-retours. S’il faut avouer que découvrir une zone est toujours une merveille, devoir faire des va-et-vient est déjà moins fun, surtout que REACH n’est pas une foudre de guerre quand il s’agît de se déplacer. J’espère qu’il n’y aura pas trop de quêtes FEDEX, même si les développeurs avaient l’air d’être conscients du problème quand je leur ai remonté. Une fois la borne réparée, j’ai pu jouer à un mini-jeu digne de l’Atari 2600 dans lequel je devais amener des blessés à un hôpital, une petite parenthèse sympathique.
J’en arrive à la deuxième micro-session, les combats. Dans une arène type Mad Max, j’affronte des membres de gang munis de battes ou de boucliers. Une touche pour attaquer, une esquive mais aussi une parade à sortir au bon moment, le principe est simple et s'apparente même à un Pierre-Papier-Ciseau de temps en temps… sauf que vous jouez contre 4 ou 5 adversaires. Après avoir enchaîné quelques coups vous pouvez alors tirer une balle avec votre arme, un “pouvoir” à utiliser avec parcimonie. On ne connaît pas encore la structure exacte de REPLACED, mais si le jeu est bien aussi narratif qu’il nous le semble, il est à supposer que les combats ne seront pas nombreux, ce qui est sans doute tant mieux. Non pas que le gameplay soit désagréable, mais il n’est sans doute pas assez complet pour en faire un élément principal.
Enfin, finissons par le plus intéressant, une séquence très mise en scène de début d’aventure. Reach est poursuivi par des gardes qui lui tirent dessus à vue, puis par une Jeep montée d’une mitrailleuse. En termes de gameplay, on est du niveau d’un Runner. On court vers la droite et les seules actions à faire sont des sauts au-dessus de rares obstacles. Tout l’intérêt est plutôt dans l’approche cinématographique : on voit les gardes sortir de plateaux, y compris du background et du premier plan, exactement comme le faisait déjà Another World il y a plus de 30 ans. Des décennies plus tard, c’est étonnamment toujours efficace. La tension est forte et elle s’accumule jusqu’au final, un combat (automatique) dans lequel Reach en prend plein la tronche. La caméra met parfaitement en scène l’action avec un zoom approprié et la qualité des animations fait le reste du job : quand la caméra tourne soudainement pour montrer Reach et son assaillant tomber d’une falaise ensemble, on est déjà conquis !
REPLACED semble avoir les armes pour se poser en successeur de Another World et Flashback, deux jeux dont il est très grandement inspiré. Certes, il sera difficile de laisser la même marque dans le jeu vidéo trois décennies plus tard, mais ses animations à couper le souffle, sa mise en scène stylée et ses plans dignes du cinéma accrochent la rétine dès les premiers instants. Toutefois, comme les pionniers de son genre, son gameplay rigide pourrait être un handicap si trop de passages nécessitent de l’utiliser. Espérons donc qu’il soit la claque narrative qu’on espère et qu’il arrive à nous scotcher tout au long de son aventure.