Après avoir fait ses armes avec deux épisodes du metroidvania Ori, Moon Studios revient avec No Rest for the Wicked, action-RPG exigeant qui a pour ambition de “réinventer le genre”. Nous avons pu jouer 1h30 à l’accès anticipé du jeu qui sortira le 18 avril sur PC (Steam). Voici nos impressions.
C’était l’une des grosses surprises des Game Awards 2023… Après Ori and the Blind Forest et The Will of the Wisps, le prochain projet de Moon Studios s’appelle No Rest for the Wicked. On oublie le genre du metroidvania et le scrolling horizontal. On est ici sur de l’action-RPG exigeant (comparable à Dark Souls) en caméra isométrique. Côté cadre, c’est l’an 841 - où le royaume du défunt roi Harol est en proie à la Pestilence. Cette peste survitaminée touche notamment l’île de Sacra que Magnus, héritier légitime au trône, compte “faire renaître” ! Bref, le loulou ne semble pas armé des meilleures résolutions, surtout quand on voit le duo qu’il forme avec Seline, figure de l’église qui n’est vraiment pas là pour faire de la figuration. De notre côté, on se réveille au bord de Sacra, prêt à être un héros.
No Rest for the Wicked (Vidéo-Preview)
Un air de jeu de survie ?
Les premières minutes de No Rest for the Wicked sont d’ailleurs assez surprenantes. Après un bref passage par l’éditeur de personnage (strictement cosmétique, il n’y a pas de système de classe), ce n’est pas une épée mais des ressources dignes d’un jeu de survie qui nous attendent… Des herbes, une hache pour couper du bois, et des pinces de crabe récoltés grâce à l’art des coups de mandales dans des crustacés. Puis un feu de camp. Les habitudes de Dark Souls se mettent en marche : c’est sans doute un checkpoint. Que nenni ! Notre héros dégaine sa plus belle poêle, s’apprête à préparer une recette qu’il connaît par cœur (d’autres suivront par la suite). Les plats maison, ce sont les items de soin principaux de No Rest for the Wicked, du moins dans le cadre de cet accès anticipé. Oubliez donc les moments de stress made in FromSoftware, où vous êtes perdu au milieu de nulle part sans Fiole de santé et sans checkpoint pour la remplir. Ici, tant que vous avez les ressources nécessaires et que vous vous tenez au-dessus des braises, vous pouvez élaborer autant de “gamelles” que vous voulez (nous en avions 15 à un moment). Autrement dit, l’exploration peut s’étendre beaucoup plus longtemps que dans d’autres Souls-like. C’est pas si anodin. Ça donne au titre une certaine identité.
Bon, par contre, ça veut aussi dire que : si vous galérez contre un boss et que vous avalez tous vos objets de santé dans le feu de l’action, il faudra prendre le temps de ramasser des ressources avant de repartir au front. D’ailleurs, si vous n’êtes pas habitués au genre, No Rest for the Wicked ne sera pas une promenade de santé. Comme tout bon action-RPG exigeant, le titre de Moon Studios laisse peu de place aux erreurs, et la vie peut descendre très rapidement (pour l’heure, il n’est pas possible de changer la difficulté). Au passage, notez que vous ne pouvez pas “spammer” les plats pendant un combat. Il faut en moyenne 20 secondes pour qu’ils se rechargent. À terme : vous débloquerez aussi d’autres recettes qui vous octroieront divers bonus, comme plus de Focus, jauge d’attaque spéciale.
Comme on peut l’apprendre sur Steam, No Rest for the Wicked accueillera à terme un système pour gérer sa propriété, la personnaliser, et même cultiver des terres… Des éléments que nous n’avons pas eu l’occasion de tester, mais qui devraient très certainement s’appuyer sur l’aspect “jeu de survie” que nous évoquions plus haut. Il faudra sans doute s’aventurer dans les recoins dangereux de Sacra pour trouver du bois, des minerais, et tout un tas d’autres objets de valeur.
Focus sur l’exploration
Dans sa volonté de réinventer l’action-RPG exigeant, Moon Studios n’a pas fait grand chose comme tout le monde… On parlait de l’exploration, eh bien ici, elle est franchement libre, surtout pour un jeu en vue isométrique. On peut monter sur à peu près tous les rebords, escalader les murs couverts de lianes, nager et même sauter automatiquement par-dessus un gouffre lors d’un sprint. C’est aussi un bon point, et ça oblige à bien observer le décor. Souvent, les papas d’Ori s’amusent à faire pivoter la caméra pour nous dévoiler un coffre hors d’accès, niché en haut d’une colline - par exemple. À vous de trouver le chemin de traverse pour s’y rendre. La zone que nous avons explorée dans le cadre de cette démo n’était pas ultra-vaste, mais suffisamment complexe pour attiser notre curiosité à de très nombreuses reprises. On y retrouve, d’ailleurs, les fameux raccourcis à base d’échelles ou de ponts, typiques des Souls, mais dont l’intérêt est un peu plus limité. Car oui, sur No Rest for the Wicked, les ennemis terrassés ne reviennent pas à la vie après un échec (idem après un break à un checkpoint), et il n’y pas d’XP ou encore d’objets à récupérer sur son cadavre. Autrement dit : quand vous recevez de l’expérience, elle vous appartient pour de bon. En contrepartie toutefois, on ne peut pas la farmer. C’est très certainement une façon de mettre l’accent sur l’exploration. De notre côté, en marge de la montée en level classique, c’est plutôt la découverte d’une arme ou d’une recette qui nous a donné le sentiment de passer un gap de puissance. Ça aide le titre à encore une fois créer sa propre identité.
Révolution déraisonnable ?
En fait, No Rest for the Wicked est à mi-chemin entre un RPG classique | un Souls-like. D’un côté, on dispose d’un journal de quête, d’une carte qui se dévoile toute seule à mesure qu’on se balade, et de l’autre, on a une barre d’endurance, des roulades, une gestion du poids et un système de statistiques qui rappelle tout de suite les productions FromSoftware. Mais, souvent, Moon Studios va chercher à “twister” des codes déjà bien connus. Par exemple, quand vous montez d’un niveau, pas besoin de retourner à un checkpoint pour répartir vos points d’XP, ça se passe directement dans l’interface de votre héros. Même chose pour la mort - et les conséquences qui s’ensuivent. Ici, quand vous tombez au combat, seule la durabilité de votre équipement est touchée (on pense qu’à terme une arme sera susceptible de se briser, mais on ne sait pas si elle sera perdue pour de bon ou seulement plus chère à réparer chez le forgeron). Dans tous les cas, pour cet avant-goût de l’early access, cet indice nous nous a semblé trop discret - il n’est pas question de changer d'arme toutes les 5min façon Breath of The Wild -, à tel point que dans No Rest for the Wicked, la mort manque d’enjeu ! Au final, à force de vouloir réinventer l’ARPG exigeant, on a peur que Moon Studios retire des idées qui, mises bout à bout, font toute la sève du genre… Bien sûr, la sortie en accès anticipé est là pour équilibrer tout ça.
Des combats en demi-teinte
On enchaîne avec un autre joli morceau du jeu, les combats. Comme évoqué plus tôt, vous disposez d’une barre d’endurance qui va régir la grande majorité de vos gestes : attaques simples et chargées, esquives (roulade | dash selon le poids de votre équipement) et les coups encaissés à l’aide de votre bouclier (pas possible de bloquer sans ce dernier). Seule votre parade et votre capacité spéciale, qui est dispo quand votre jauge de Focus est à 100%, n’en consomment pas… Ces deux derniers points sont d’ailleurs assez importants. Les capacités Focus peuvent infliger de gros dégâts, et leur barre se remplit à fond dès que vous placez une parade (la fenêtre est petite). L’un dans l’autre, les phases d’action de No Rest for the Wicked encouragent à aller au corps-à-corps, pour un résultat viscéral, ni rapide ni trop lent, qui délivre de jolies sensations. Les animations, sound design sont très réussis.
On vous en parlait plus haut… Ici, comme sur Dark Souls & cie, plus votre équipement est lourd, plus votre esquive sera lente (et inversement). À la différence près que chez Moon Studios, c’est l’équipement que vous portez à un instant “t” qui est pris en compte - pas celui que vous avez en réserve. Concrètement, vous pouvez avoir deux armes en raccourcis : une qui fait basculer votre poids en “lourd” (qui infligera plus de dégâts au prix d’une roulade lente), une deuxième qui vous fait revenir en “léger”, et passer de l’une à l’autre sans afficher l’inventaire. Ça encourage à créer un build double - surtout dans la mesure où chaque lame dispose d’une technique Focus unique.
Par contre, il y a un truc qui nous chiffonne avec les affrontements du jeu, et c’est malheureusement quelque chose qui lui confère beaucoup d’identité : sa caméra. En fait, dans No Rest for the Wicked, votre personnage reste rarement au milieu de l’écran. Les papas d’Ori jouent régulièrement avec les angles | les zooms pour mettre en valeur une partie du décor, la position d’un adversaire. D’un point de vue strictement visuel, c’est très beau, aucun doute là-dessus - au même titre que l’ensemble de de la direction artistique d’ailleurs -, mais ça fausse souvent notre appréciation des distances. Et sur un action-RPG où la moindre erreur peut être fatale, c’est compliqué d’accepter que le jeu lui-même nous mette des bâtons dans les roues… On a surtout ressenti ce problème de caméra face au boss, à la fin de la preview, qui nous sortrait des attaques de zone alors qu’on était dans son dos et que la caméra était super proche de l’action. Au global : à moins d’être sur un plan horizontal où la caméra ne bouge pas trop, ça entache les combats d’une imprécision assez désagréable et ça nous amène à gâcher quelques attaques de Focus qui partent dans le décor plutôt que sur l’adversaire. C’est ce point qui nous empêche, aujourd’hui, de nous emballer outre mesure pour No Rest for the Wicked.
Au final, ce petit avant-goût de l’early access de No Rest for the Wicked s’est révélé un peu moins concluant que ce que nous espérions… Au-delà d’une superbe direction artistique et de quelques bonnes idées pour twister l’action-RPG exigeant, les combats de Moon Studio accusent pour l’heure un certain manque de précision compliqué à accepter pour un jeu du genre. Évidemment, la base dévoilée par les papas d’Ori reste solide à plus d’un titre, et on croise les doigts pour que l’accès anticipé révèle à terme la saveur de ce projet prometteur.