Shenmue 3 a fait couler beaucoup d’encre. Les multiples reports et les critiques émises à son encontre accompagnent un développement mouvementé depuis son annonce en grande pompe à l’E3 2015. Et cela se comprend. Les fans attendent fébrilement et impatiemment la suite des aventures de Ryo Hazuki depuis maintenant 18 ans. Le titre de Yu Suzuki est-il le digne successeur d’une saga devenue culte pour toute une génération de joueurs ? Voici plusieurs éléments de réponse avant sa sortie prévue le 19 novembre 2019.
Shenmue 3 : Les impressions de la rédaction
Lors d’un Preview Event organisé dans les locaux de Koch Media, nous avons pu découvrir librement Shenmue 3 sur PlayStation 4 Pro lors d’une longue session de jeu couvrant les 3 premières heures de l’aventure.
Il était une fois en Chine
Commençons par un sujet délicat, celui qui délie les langues depuis plusieurs mois… l’aspect technique. Soyons direct. Shenmue 3 n’a pas pour ambition de challenger les mondes ouverts riches et denses des productions AAA modernes, mais de créer un univers régi par ses propres règles. Que nous apprécions ou non la démarche nous appartient pleinement. Oui, le jeu de Yu Suzuki souffre visiblement d’une réalisation datée. La rigidité des animations, l’absence notable d’expression sur les visages ou encore le manque de vie dans les environnements témoignent d’une expérience ancrée dans le passé et pourtant poétique à bien des égards. Un lever de soleil rosé sur un champ de fleurs aux multiples tonalités, une lueur vacillante d’un feu perturbant une nuit étoilée… pendant un court instant la magie opère. Shenmue 3 est un jeu “à l’ancienne”... dans tous les sens du terme.
Ce troisième volet reprend immédiatement après les événements du second épisode alors que le fils Hazuki et Shenhua découvrent dans une grotte une fresque murale représentant les miroirs du Phénix et du Dragon. Cependant, le père de la jeune demoiselle répond aux abonnés absents. Nos deux protagonistes partent à sa recherche et se dirigent vers le village de Bailu poursuivant ainsi une histoire mise en pause depuis près de deux décennies. Loin des récits prompts à capter votre attention coûte que coûte à grand renfort de révélations tape à l'oeil et de saynètes épiques, celui de Shenmue 3 est fait de rencontres fortuites, de discussions parfois anodines, d’errements volontaires, d’indices glanés... Il raconte à sa manière une quête de vengeance parsemée de petits détails. Ce sont ici les petites histoires qui font la grande.
Le temps, symbolisé par une horloge, un calendrier et un cycle jour/nuit, s’écoule inexorablement. L’histoire est bien souvent invitée à attendre. La narration se veut humble et donne les rênes aux joueurs. Le jeu ne vous prend jamais par la main et cela fait un bien fou à l'heure des jeux guidés à l'extrême. Sans être vraiment pressés par le temps, vous êtes encouragés à vagabonder et consumer minutes et heures à votre guise en profitant des petits plaisirs offerts par ce village reculé situé en Chine continentale. Les mini-jeux, plus traditionnels qu’autrefois, servent ici de ponctuation sans être vraiment fun une fois votre curiosité primaire assouvie. Toutefois, les relations avec les habitants ne sont pas faites du même bois et évoluent naturellement un échange après l’autre. Accueilli froidement au début de l’aventure, Ryo Hazuki se fait doucement accepter par les autochtones qui finissent par le reconnaître et converser naturellement avec lui. Si ce système relationnel trouve vite ses limites, il a le mérite de traduire par le gameplay l’impact de Ryo sur ce qui l’entoure.
Les séquences de combat sont à nouveau au coeur de l’expérience de jeu. Ryo Hazuki affronte de nombreux adversaires et ennemis qu’il doit vaincre pour se rapprocher de son objectif… se venger du meurtrier de son défunt père. Shenmue 3 se présente comme un héritier du Kung-Fu et souhaite retranscrire de manière réaliste cet art martial. Pour ce faire, le studio Ys Net travaille sur un système de combat 3D en arène fermée et mise sur une approche tactique des affrontements. Cela exige des joueurs un apprentissage des différentes techniques et un entraînement quotidien afin de faire croître les capacités du héros, représentée par un niveau de Kung-Fu. Et le défi qui se dresse devant l’héritier des Hazuki est de taille. Le simple fait de vivre réduit sa santé au gré de la journée, une santé pouvant décroître rapidement en combat à chaque attaque encaissée. Seul un sommeil réparateur ou un repas ont alors le pouvoir de redonner des forces à cet apprenti martial.
Malgré toute cette bonne volonté affichée, Shenmue 3 pêche dans les finitions. Les multiples interfaces reprenant le design d’antan sur Dreamcast ou encore le manque crucial d’impact lors des combats, pour ne citer que ces deux points spécifiques, ternissent une expérience de jeu fragile.
Shenmue 3 pourrait bien être une oeuvre totale née d’une vision autrefois avant-gardiste et désormais ancrée dans le passé du jeu vidéo. Ce jeu d’aventure développé par le studio Ys Net va sans nul doute diviser la communauté des joueurs à sa sortie. Certains se laisseront bercer par son rythme singulier, son récit minimaliste et ses élans poétiques. D’autres y verront le chant du cygne d’une saga culte. Mais personne ne restera indifférent. C’est bien là la véritable force de la saga Shenmue.