Planté à Guildford dans le sud de l’Angleterre, le studio de Media Molecule s’attelle depuis plus de dix ans à la création de jeux permettant de créer d’autres jeux. Forte de son expérience en la matière depuis le premier LittleBigPlanet sorti en 2008, l’équipe décide avec Dreams d’oublier la base plate-forme de ses aïeux pour mieux proposer de nouveaux horizons créatifs. Nous avons joué et créé en bénéficiant des meilleurs professeurs particuliers au milieu des instruments de musique et des peintures plus ou moins abstraites. La moquette magenta s’est rapidement dérobée sous nos pieds : oui, nous nous sommes bien envolés au fil de nos inspirations.
Dreams, nos impressions en quelques minutes
The Game Factory
Dreams est un successeur spirituel de LittleBigPlanet où chaque élément destiné à la création a drastiquement évolué. Rendez-vous compte, le soft imaginé par Media Molecule permet non-seulement de créer des niveaux de jeux vidéo, mais aussi des personnages, des objets, voire même des musiques. Les possibilités donnent, à vrai dire, le tournis. Même les habitués aux outils de création orientés grand public comme LBP ou Project Spark ne pourront être que soufflés face à tant d’outils, offrant chacun des sous-catégories donnant un accès à un arsenal de paramètres “pensés pour être aussi plaisants à utiliser qu’à regarder” selon le studio. Comparé à des moteurs professionnels tels que Unity et Unreal Engine, Dreams se veut bien évidemment beaucoup plus simple dans son approche, avec des outils regroupés dans un seul et même endroit accessibles rapidement. Il est pensé pour être joué par un public familial, sans le duo clavier/souris, et sans possibilité de créer de stand alone. La philosophie de Media Molecule est en fait bien différente de celle à laquelle nous sommes habitués avec les éditeurs de niveaux plus classiques, malgré la finalité créative.
En 49 jours de bêta, Dreams a compté plus de 35 000 créations conçues par approximativement 22 000 joueurs. Ils sont 1900 à avoir utilisé des PS Move pour donner vie à leur imagination.
Le titre du studio britannique s’évertue à placer le plaisir au centre de son expérience et souhaite effacer le sentiment de frustration causé par bien des logiciels plus ou moins professionnels. Le pari est risqué, tant les phases d’apprentissage mais aussi de négociation, parfois douloureuses, nous paraissent difficilement contournables au début du processus créatif. De notre point de vue, Dreams n’a pas encore réussi à créer une interface suffisamment parlante pour que l’on puisse créer tout et n’importe quoi sans ne jamais avoir à lancer un seul tutoriel, mais nous devons reconnaître qu’il fait tout pour aider le joueur à s’en sortir. La navigation est fluide, les chargements sont rapides et des petites bulles explicatives apparaissent lorsque le curseur est laissé sur un élément. Les tutoriels sont heureusement très nombreux et didactiques. Quand on en lance un, une fenêtre apparaît en bas à droite de l’écran et déroule une vidéo explicative pendant que l’utilisateur exécute les actions dans l’éditeur de mondes. La bonne nouvelle, c’est que ces tutos seront intégralement traduits en français (textes et voix), comme l’intégralité du jeu.
Les bons outils
Dreams peut être joué à la manette comme aux PS Move. Les deux nécessitent un certain temps d’adaptation tant les combinaisons de touches sont présentes tout en restant acceptables. Avec une Dualshock 4, les rotations d’objets s’opérant grâce au pavé tactile demandent une certaine gymnastique. Ce qu'il faut savoir, c'est que la sculpture s’exécute grâce à des formes. En se basant sur des cubes, cylindres et autres sphères, le joueur peut coller, creuser, fusionner de multiples polygones pour arriver à ses fins. Avec un peu d’expérience, on en vient à créer des paysages, des objets et des personnages potentiellement impressionnants. En cas d’erreur, le soft dispose des fonctions undo et redo forcément utiles lors des différentes étapes liées à la conception. Mieux, étirer la face d’un objet, cloner des éléments avec des contraintes (pour produire par exemple des escaliers en colimaçon), créer des ponts fusionnant deux éléments et dessiner des formes faussement procédurales grâce à des axes symétriques se révèlent d’une simplicité enfantine.
Il est possible de créer sa petite vignette dans le but de donner envie aux joueurs de lancer sa production, ainsi que d’établir des tableaux de High-Score. Chaque création dispose aussi d’un arbre généalogique détaillé exposant par exemple les anciennes versions et les contenus associés. Enfin, les auteurs ont le pouvoir de donner ou non la possibilité à d’autres d’inspecter leurs niveaux et de les remixer.
Malgré les démonstrations du directeur artistique, Kareem Ettouney, nous étions loin d’avoir acquis sa dextérité et sa précision lors de notre essai. Ce n’est pas une surprise, Dreams demandera du temps pour être convenablement exploité. En ce qui concerne à la composition musicale, l’utilisateur a accès à différents instruments, à des séquenceurs et à une timeline, entre autres options. Pour schématiser, cela ressemble à un Fruity Loop en version allégée, et c’est très efficace. Enfin, la “programmation” se fait grâce à des boîtes à connecter grâce à des liens et des trigger zones. Nous reviendrons néanmoins sur ce point lorsque nous aurons passé plus de temps sur le logiciel. Comme nous l’a confié Alex Evans, directeur technique sur le projet, le plus dur avec Dreams a été de terminer le projet, c’est-à-dire d’arrêter d’intégrer des outils et de s’assurer que tout s’imbrique bien, sans crash. Lorsque l’on voit la multitude d’outils disponibles aussi bien pour placer des caméras que pour ajouter des filtres à l’image, il est aisé de comprendre pourquoi la période de gestation a été aussi longue.
À l’écoute de la communauté
Quoi de mieux pour trouver l’inspiration que de tester quelques créations de la communauté ? La bêta de Dreams a permis l’élaboration de plus de 35 000 projets. Parmis eux se trouvent des productions assez remarquables, ce qui fait déjà une énorme différence avec les résultats de la bêta de Project Spark à l’époque. Nous avons joué à un jeu de plateforme réussi à l’ambiance très “Portal”, à un jeu de réflexion avec une caméra isométrique très propre dans le choix de ses couleurs ou encore à un titre basé sur des énigmes rappelant The Witness. Des expériences plus singulières sont présentes, comme ce titre où il suffit de se prendre les pieds dans un râteau pour marquer un point (les scores sont d’ailleurs montés au-dessus de la barre des 2000) et un jeu d’aventure déjanté se déroulant en enfer avec un démon semblant de sortir de South Park, avec de vraies voix et quelques bruitages faits à la bouche. Il y a aussi ce soft rythmique où le personnage principal saute automatiquement à chaque “kick”, et un simulateur de marche sidérant où un décor assez réaliste se transforme en temps réel en un tableau de Van Gogh. Nous n’allons pas dresser un tableau de tout ce à quoi nous avons joué, mais nous avons vu suffisamment de concepts pour nous assurer du potentiel fabuleux des outils de création lorsqu’ils sont entre de bonnes mains.
À l’instar des LittleBigPlanet, une campagne solo est prévue. Nous n’avons néanmoins pas pu la tester, et elle ne sera pas disponible pour l’early access.
La communauté est au centre de toutes les préoccupations de Media Molecule, ce qui est tout à fait normal tant le succès de Dreams repose sur ce que les utilisateurs en feront. C’est pourquoi le studio britannique s’apprête à intégrer différentes fonctionnalités demandées sur leurs forums mais qui ne seront pas forcément présentes au lancement, comme la création en ligne. À une époque, Media Molecule expliquait que l’écran partagé n’était pas envisageable, jusqu’à ce qu’un membre de la communauté développe son propre "code" le permettant. Les membres du studio nous assurent que tous les genres de jeux sont réalisables, sauf les MMORPG et les grands mondes ouverts. Il nous reste plus qu’à patienter jusqu’à l’early access arrivant au printemps prochain afin de vérifier plus en profondeur la véracité de ces déclarations enjôleuses.
Même si le directeur créatif, Mark Healey, explique que nous n’avons pas besoin d’être créateur pour apprécier Dreams, il serait dommage de se procurer un tel générateur de contenus sans ne jamais profiter de ses caractéristiques les plus amusantes. Dreams nous a retourné le cerveau. Le doux rêve des développeurs est de proposer un outil capable de transformer chaque joueur en créateur, le tout en évitant le cauchemar d’un code abscons. Pour le moment, le défi nous semble plus que réussi, bien que les tutoriels soient toujours obligatoires pour accéder au mythe de Prométhée. Plus que des rêves, nous sommes repartis avec tout un tas de projets en tête, les yeux rivés vers les étoiles.