Le créateur et producteur de la saga Crazy Taxi revient sur le devant de la scène avec... Crazy Taxi : City Rush, un nouvel épisode free-to-play à sortir prochainement et exclusivement sur smartphones. Au cours de cet entretien, Kenji Kanno parle de sa carrière et de son inspiration pour Crazy Taxi, mais évoque également les films Taxi et Jurassic Park !
jeuxvideo.com > De quelle manière avez-vous débuté votre carrière dans le domaine du jeu vidéo ?
Kenji Kanno : J’ai toujours voulu travailler et concevoir des machines pour les salles d’arcade. Et c’est, à l’époque, la raison pour laquelle je voulais entrer chez Sega. D’ailleurs, mon tout premier travail chez Sega a été de me charger, en tant qu’assistant réalisateur, de l’adaptation du film Jurassic Park en machine d’arcade avec un siège qui bouge. Et avant que le projet arrive à son terme, j’ai même été promu réalisateur à part entière. Ensuite, j’ai travaillé sur Funky Head Boxers, un jeu de boxe dans lequel les personnages avaient des visages en forme de cubes qui se déformaient petit à petit sous les coups. J’ai beaucoup appris grâce à ce titre qui n’a hélas pas rencontré le succès. Puis j’ai travaillé comme réalisateur et game designer sur Top Skater (il s’agit en 1997 d’un des premiers jeux d’arcade doté d’une planche de skate en guise de joystick, nda). Et finalement, j’ai fait Crazy Taxi.
jeuxvideo.com > Comment vous est venue l’idée de Crazy Taxi ?
Kenji Kanno : A l’époque, le jeu de conduite était systématiquement assimilé au jeu de course avec des circuits à parcourir. J’ai eu l’idée du jeu lorsque je rentrais chez moi en automobile, lorsque je me suis retrouvé pris dans un embouteillage monstre, alors que la voie d’en face était complètement libre. Je me suis alors dit : si je pouvais me déporter sur la gauche et foncer sur la voie libre en zigzaguant entre les voitures, ce serait tellement cool. J’ai pensé que la plupart des gens dans cette situation auraient envie de faire la même chose et de pouvoir se balader librement là où il y a de l’espace. Et donc potentiellement qu’un jeu illustrant cela pourrait intéresser du monde.
jeuxvideo.com > Comment expliquez-vous le succès de la série Crazy Taxi ?
Kenji Kanno : Il n’y avait pas de jeu vidéo qui proposait de se balader en ville librement à l’époque. Tout au début, l’équipe de développement était d’ailleurs assez divisée sur ce concept. Une partie était enthousiaste, tandis que l’autre s’avérait dubitative et pensait qu’un taxi ne faisait pas du tout rêver. Mon travail en tant que game designer sur ce jeu consistait justement à présenter les taxis, malgré leur mauvaise réputation, sous un jour nouveau, beaucoup plus cool. En cela, c’était un vrai challenge.
jeuxvideo.com > Parmi les différents épisodes de la saga Crazy Taxi, du quel êtes-vous le plus fier ?
Kenji Kanno : Du point de vue du créateur, je dois avouer que j’aime tous mes jeux car j’ai mis beaucoup de moi-même dans chacun. Cela dit, je suis particulièrement fier du tout premier épisode. Car c’est un vrai challenge que de créer quelque chose à partir de rien et d’assembler divers éléments pour que le résultat soit satisfaisant.
jeuxvideo.com > Peu de temps après la sortie de Crazy Taxi en 2000, il a été question d’une adaptation cinématographique avec Richard Donner (la saga L’Arme Fatale) à la réalisation. Qu’en est-il aujourd’hui ? Toujours dans le domaine du cinéma, avez-vous eu connaissance du film français Taxi, sorti à l’internationale deux ans avant votre jeu ?
Kenji Kanno : Le projet d’adaptation est hélas tombé aux oubliettes (rires). En ce qui concerne Taxi, j’ai bien sûr vu le film et je connais Luc Besson (seulement scénariste et producteur sur Taxi, nda). Lorsque le film est sorti à l’époque, nous en étions à la moitié du développement de Crazy Taxi. Nous étions chagrinés car nous pensions que tout le monde allait croire que nous avions copié le concept du film. Puis très vite nous nous sommes dit qu’avoir la même idée au même moment qu’un cinéaste reconnu était plutôt providentiel. Cela a eu pour effet de nous détresser et de nous déculpabiliser.
jeuxvideo.com > Ne vous sentez-vous pas prisonnier de cette saga à laquelle vous avez consacré tout votre temps au fil de votre carrière ? N’avez-vous pas envie de faire un nouveau jeu original plutôt qu’un énième épisode de Crazy Taxi ?
Kenji Kanno : Il est vrai qu’en tant que game designer, j’ai envie d’étonner le public et de lui présenter des concepts nouveaux. Mais travailler toujours sur le même jeu ou la même série constitue un vrai challenge. Puisqu’il faut rendre le jeu toujours plus intéressant, savoir quel élément il est nécessaire d’ajouter pour le perfectionner…
jeuxvideo.com > Pourquoi avoir choisi de développer aujourd’hui un épisode sur téléphones et tablettes ?
Kenji Kanno : La licence Crazy Taxi est assez ancienne et tous les joueurs ne la connaissent pas. Il était donc nécessaire de la développer sur un support contemporain. Et puis il fallait aussi conserver l’aspect spontané de Crazy Taxi, à savoir des sessions de jeu courtes et efficaces. Les smartphones et tablettes sont donc devenus un choix évident.
jeuxvideo.com > Comment s’est déroulé le développement de Crazy Taxi : City Rush! ?
Kenji Kanno : C’est la première fois qu’un Crazy Taxi est conçu au Japon mais développé ailleurs (le studio Hardlight, auteur de Sonic Jump et Sonic Dash sur mobiles, se situe en Angleterre, nda). C’était donc quelque chose de nouveau pour moi. La dimension internationale devait être prise en compte. Car un contenu développé au Japon n’est pas forcément adapté au marché international. Alors que s’il est développé en Angleterre, il fonctionne théoriquement pour l’Europe et l’Amérique. Cela dit, les langues étrangères n’étant pas mon fort, nous avons eu quelques problèmes de communication. L’étape la plus difficile pour moi a été tout au début de faire comprendre l’âme même du jeu et dans quel sens le développement devait se diriger. Mais ensuite tout s’est bien déroulé.
jeuxvideo.com > Peut-on espérer une version sur consoles de Crazy Taxi : City Rush ! ou carrément un nouvel épisode ?
Kenji Kanno : Il n’y a pas de projet sur consoles. Mais si le jeu fonctionne et devient populaire, alors pourquoi pas. Je me suis déplacé en Angleterre et en Allemagne ces dernières semaines pour faire sa promotion et on m’a souvent posé la question. Je n’y avais pas pensé jusqu’à maintenant. Si bien qu’en rentrant au Japon, je vais y réfléchir sérieusement.