La récente victoire de Donald Trump face à Kamala Harris, lors des présidentielles américaines, réveille diverses craintes du côté des gamers. Le 45e et désormais 47e président des Etats-Unis a par le passé ciblé les jeux vidéo jugés violents comme un cow-boy le ferait en face d’une canette posée sur le muret d’un ranch. De manière générale, cela fait de nombreuses années que les hommes et femmes politiques de tous bords et de toutes nationalités voient la manette comme l'extension de la poignée d’une arme.
Sommaire
- 30 ans de jeux vidéo “défiant toute morale humaine”
- Intoxication politique
- Quid de l’avenir ?
30 ans de jeux vidéo “défiant toute morale humaine”
Il y a une trentaine d’années, les sorties remarquées du sanglant Mortal Kombat et de l’étrange Night Trap ont mené – en 1994 – à la création de l’Entertainment Software Rating Board (ESRB), l'organisme américain autorégulé qui évalue les jeux vidéo. La seconde moitié des années 1990 n’a fait que confirmer le statut de vilain petit canard du jeu vidéo, dans la sphère médiatique et politique tout du moins. En 1997 et en 1999, quand les deux premiers Grand Theft Auto ont débarqué, les titres de DMA Design furent accusés de rendre les enfants violents. “Dire à des jeunes qu’ils vont gagner la partie (...) s’ils tuent énormément de flics (...), moi je trouve qu’il y en a assez de ces jeux qui incitent (...) à la haine anti-flics” déclarait Jean-Louis Arajol, alors secrétaire général du Syndicat général de la police, chez TF1. Dans le même reportage, le pédopsychiatre interrogé insistait sur le fait que “certains enfants et adolescents” ne feraient “pas vraiment la distinction entre le réel et l’imaginaire” et qu’ils pourraient voir en GTA “un modèle de comportement dans la réalité”. Les mots sont lâchés. Une crainte partagée quelques jours plus tard par le sénateur Philippe Darniche qui interpella le gouvernement afin que ce dernier interdise en France “l’importation, la vente ou la distribution” de jeux “défiant toute morale humaine et civique”.
Aux Etats-Unis, ce fut le cas tristement célèbre de la Columbine High School qui donna du grain à moudre à celles et ceux estimant que le gaming devrait être beaucoup plus surveillé, voire censuré. En avril 1999, deux élèves, Eric Harris et Dylan Klebold, ouvrirent le feu sur leurs camarades dans les couloirs de leur lycée. Bilan : 13 morts et 24 blessés. Les enquêteurs établirent un lien entre les auteurs de ce massacre et Doom, le FPS d’id Software, les tireurs ayant passé beaucoup de temps sur ce jeu. Les médias du monde entier s’emparèrent de cette information pour faire du soft le coupable idéal à même d’expliquer toute cette violence. GTA, Doom, Mortal Kombat… toutes ces créations ont défrayé la chronique à cause de leur contenu jugé violent et/ou immoral par une presse et des responsables politiques voyant en ces exutoires virtuels des graines pouvant faire germer des crimes bien réels. Souvent émises après des faits divers impliquant des fusillades de masse ou des crimes sordides, par réelle crainte ou par opportunisme, les attaques contre les jeux vidéo donnent un certain sens à ce qui n’en a pas.
Intoxication politique
Le triste phénomène des mass shootings, particulièrement aux Etats-Unis où le droit de posséder une arme est garanti par le deuxième amendement de la Constitution, a régulièrement fait revenir le débat sur les effets supposément néfastes du gaming. En 2018, à la suite de la fusillade du lycée Marjory Stoneman Douglas à Parkland, en Floride, Donald Trump soutenait que les jeux vidéo avaient potentiellement joué un rôle dans le massacre. “J'entends de plus en plus de gens dire que le niveau de violence des jeux vidéo façonne vraiment les pensées des jeunes”, expliquait-il. Il rencontra par la suite les principaux éditeurs du marché, accompagnés de représentants de divers groupes commerciaux, afin d’élaborer un plan visant à lutter contre les tueries de masse. En 2019, après les terribles événements qui se sont déroulés successivement à El Paso, au Texas, et à Dayton, dans l'Ohio, Trump avait musclé son discours. “Nous devons mettre un terme à la glorification de la violence dans notre société”, soutenait-il. Avant d’ajouter : “cela inclut les jeux vidéo horribles et macabres qui sont aujourd'hui monnaie courante. Il est trop facile pour les jeunes en difficulté de s'entourer d'une culture qui célèbre la violence”.
En janvier 2013, un mois après la tuerie de Newtown, Barack Obama s’était attaqué à la vente d’armes à feu aux Etats-Unis en demandant au Congrès de voter pour une série de mesures, dont l’autorisation de recherches sur les liens entre ces mass shootings et les jeux vidéo. En 2005, c’est Hillary Clinton qui avait exprimé ses préoccupations. “Ces jeux vidéo violents volent l'innocence de nos enfants, et rendent certainement le travail des parents encore plus difficile”, déclarait-elle. Ted Cruz, Sarah Palin, Rick Santorum, Chuck Schumer… qu’ils soient gouverneurs ou sénateurs, nombreux sont ceux qui, outre-Atlantique, ont tissé des liens entre les fusillades et le loisir vidéoludique. Il faut reconnaître que les niveaux de certains jeux, dont celui de l’aéroport russe de Call of Duty : Modern Warfare 2 où le joueur peut participer à un mass shooting, n’ont pas apaisé les débats. En France, de nombreuses personnalités politiques, telles que Nicolas Sarkozy ou encore Valérie Pécresse, ont fait connaître leurs réticences envers les jeux vidéo. Plus récemment, c’est Emmanuel Macron qui a fait savoir que, d’après lui, “certains vivent dans la rue les jeux vidéo qui les ont intoxiqués”.
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Quid de l’avenir ?
Maintenant que Donald Trump est de nouveau à la tête des Etats-Unis, est-ce que cela signifie qu’il va faire la guerre aux jeux de guerre ? Difficile de savoir ce que l’avenir réserve. Pour le moment, nous savons juste que le sujet des jeux vidéo violents a été quasiment absent de la campagne présidentielle. Aucune nouvelle réglementation concernant la vente ou le contenu des jeux vidéo n’est donc sur le tapis. Nous rappelons qu’aux Etats-Unis, une décision rendue par la Cour Suprême a conclu que les jeux vidéo étaient une forme d’expression protégée par la Constitution, et que les lois restreignant leur vente ou leur location en fonction du contenu violent étaient inconstitutionnelles. Néanmoins, l'ESRB encourage les détaillants à limiter la vente des titres classés "M" (pour Mature) et "AO" (pour Adults Only) aux clients âgés d'au moins 17 et 18 ans.
Plutôt que de voir des jeux violents édulcorés ou plus difficilement accessibles, ce sont surtout des consoles et des accessoires plus chers qui pourraient attendre les joueurs sous l’ère Trump, ce dernier ayant comme projet d’imposer des taxes douanières salées. La Chine est en effet menacée de taxes s’élevant à 60 %, ce qui aurait pour conséquence l’augmentation drastique des tarifs pour le consommateur américain, puisque l’importateur répercutera forcément cette hausse sur le prix de vente. L’idée derrière ce “rééquilibrage” serait de rendre la fabrication de produits aux Etats-Unis plus rentable. Dans cette guerre commerciale qui s’annonce, les joueurs pourraient donc y laisser des plumes.