Certains diront que depuis le début de l’année, les équipes de Phil Spencer passent la vitesse supérieure. D’autres parleront de rupture, voire de 360°. Ce qui est certain, c’est qu’il est difficile de voir clair dans le jeu de Xbox. Entre les fermetures de studios, la multiplication des portages sur PS5 et sur Nintendo Switch, l’augmentation des prix et les déclarations évasives, les fans se sentent pris en sandwich. Ils en ont marre d’entendre des salades. Je ne vois qu’une seule direction qui pourrait convenir à (presque) tout le monde : revenir à une des promesses initiales du projet Xbox.
Cet article étant un billet d’opinion, il est par nature 100 % subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV. Bonne lecture !
Sommaire
- L’année 2024 de Xbox prouve que quelque chose ne va pas
- Prise de distance
- Contourner la “guerre des consoles”
- Pour ne pas disparaître, les futures Xbox doivent tout simplement réinventer les consoles. Facile, non ?
L’année 2024 de Xbox prouve que quelque chose ne va pas
Nous étions tous aux premières loges cette année pour assister à une série d’actualités maussades liées à la console du constructeur américain, lui qui a pourtant terminé 2023 sur les chapeaux de roue avec son rachat enfin validé d’Activision. Cela a commencé au mois de février, quand les grands pontes de Xbox se sont réunis afin d’évoquer le futur de la marque dans un contexte tendu. C’est lors de ce meeting que Grounded, Pentiment, Hi-Fi Rush et Sea of Thieves furent annoncés sur des consoles concurrentes. C’est également à ce moment que Phil Spencer a laissé la porte ouverte à la venue d’autres exclusivités Xbox sur PS5 et Switch, ne se fixant aucune véritable barrière, répétant qu’il ne faut jamais dire jamais.
La boîte de Pandore fut ouverte à ce moment-là avec des rumeurs d’arrivée de Forza Horizon, Gears of War, Hellblade 2 et même Halo sur les systèmes de Sony et de Nintendo. Alors que Spencer avait promis qu’Indiana Jones ne faisait pas partie de la première fournée d’exclusivités à sortir ailleurs, il officialisa le portage PS5 en tant que clou du spectacle de la gamescom 2024. Les fans, encore une fois, se sentirent trahis. “Le business, c’est le business” répétait le patron du gaming chez Microsoft lancé à toute allure dans une quête de rentabilité. Quand les ventes de/sur Xbox ainsi que les abonnements au Game Pass ne suffisent plus, il faut chercher l’argent là où il est. Ce qui signifie devoir aller “sur les appareils que les joueurs possèdent”, confirme Spencer.
Les mauvaises nouvelles ont continué au mois de mai, quand la firme de Redmond a fermé Alpha Dog Studios (Mighty Doom), Arkane Austin (Prey, Redfall) et que les membres de Roundhouse Studios ont déménagé chez Zenimax Online. Le plus dur à accepter fut la séparation avec Tango Gamework, l’ancien studio de Shinji Mikami à qui l’on doit Hi-Fi Rush, le jeu Xbox le mieux noté de l’année 2023. Les causes ? Augmentation des coûts par-ci, rationalisation par-là, vous commencez à connaître la chanson. Ces fermetures accompagnent de gigantesques vagues de licenciement chez Microsoft : 1 900 postes supprimés en janvier et 650 autres en septembre, avec des centaines de talents rayés de la carte dans la branche jeux vidéo du groupe. Des chiffres qui donnent le tournis et qui ont définitivement fait perdre l’aura de “good guy” du constructeur au X vert, lui qui avait à de nombreuses reprises vanté les mérites des artistes imaginant nos univers virtuels préférés.
Enfin, l’année s’est terminée sur une nouvelle augmentation de prix du Game Pass. Le Game Pass Ultimate coûte désormais 17,99 euros par mois, ce qui fait qu’en un peu plus d’un an, le prix a gonflé de presque 40 % pour cette offre. Le Game Pass Core est quant à lui passé à 69,99 euros par an (auparavant 59,99 euros) tandis que le PC Game Pass se mérite en échange de 11,99 euros (auparavant 9,99 euros). L’arrivée du Game Pass Standard, qui d’une certaine manière remplace le Game Pass Console, donne accès à des centaines de jeux sans les fameuses sorties “en day one” et sans accès au Cloud. Il s’agit d’un changement majeur de la promesse initiale de ce service, voire d’un reniement comme l’ont jugé certains fans.
Prise de distance
À la décharge de Xbox, le constructeur américain n’est pas le seul à avoir fermé des studios et à avoir augmenté ses prix, puisque son concurrent direct – Sony – en a fait de même, encore récemment avec la suppression de Firewalk. L’année n’a pas non plus été totalement noire pour l’ogre vert. Il y a eu la sortie d’un Hellblade 2 techniquement époustouflant, la tenue d’un showcase estival explosif, et la confirmation que Call of Duty arriverait bel et bien dans le Game Pass Ultimate/Game Pass PC en “day one” malgré des rumeurs qui affirmaient l’inverse. En outre, il reste des jeux intéressants "exclusifs" pour cette fin d’année avec Flight Simulator 2024, STALKER 2 ou encore Indiana Jones.
Il n’empêche que le message peu clair envoyé par Phil Spencer durant ses rares interviews, en plus du silence radio sur les chiffres de ventes de Xbox ainsi que le constat tout de jeux d’éditeurs tiers qui esquivent la console américaine, laissent les observateurs dans l’embarras. Encore récemment, Jason Schreier, sûrement un des journalistes les plus renseignés de l’industrie, clamait que ça allait mal chez Xbox, que les avis “changeaient tout le temps” et qu’il n’y avait “aucun plan”. “C’est un désastre, (...) c’est vraiment triste” ajoutait-il. Tout ce remue-ménage nous interpelle forcément. Où va Xbox ? Difficile de le dire. Où devrait aller Xbox pour sa prochaine génération de consoles déjà teasée par Sarah Bond ? Là par contre, j’ai ma petite idée.
Contourner la “guerre des consoles”
Le constat est là : Microsoft a été disruptif avec son Game Pass. Le problème, c’est qu’en donnant de la force à son service, en sortant systématiquement ses jeux Xbox sur PC et en portant de plus en plus régulièrement ses exclusivités sur d’autres supports, le géant américain a fait perdre une partie du pouvoir attractif de ses Xbox Series. Si l’on se base sur les documents ayant fuité durant le procès contre la FTC, on sait que Microsoft estime que son Game Pass cannibalise bel et bien les ventes. En ce qui concerne les parts de marché, il y aurait deux fois plus de PS5 dans le monde que de Xbox Series X|S. D’après Daniel Ahmad de Niko Partners, au cours du premier trimestre 2024, il se serait vendu cinq fois plus de PS5 que de Xbox Series. Du côté des résultats financiers, les revenus liés au hardware s’effondrent depuis plusieurs trimestres – en baisse de 29 % par rapport à l'année précédente sur la même période, d'après les chiffres des derniers résultats trimestriels – chez les créateurs de Windows.
Bien que les revenus des contenues et des services permettent au segment Gaming de gagner des couleurs, pour la firme de Redmond, perdre du terrain face à Sony engendre deux soucis. Le premier, c’est qu’elle gagne moins d’argent sur les jeux tiers distribués sur son Store. Le deuxième, c’est que certains studios ne considèrent plus la machine comme économiquement viable et décident de ne pas développer dessus, ce qui rend la console potentiellement moins attirante à la fois pour les créateurs et pour les joueurs. Nous pourrions imaginer que le constructeur abandonne les consoles afin de devenir éditeur tiers, mais ce serait mal connaître les réalités du marché : Le Game Pass, c’est surtout sur Xbox qu’il se vend, et avoir une console, c’est s’assurer de pouvoir ponctionner 30 % aux éditeurs/développeurs sur chaque vente effectués sur son Store maison.
Pour ne pas disparaître, les futures Xbox doivent tout simplement réinventer les consoles. Facile, non ?
Nous savons que le groupe américain ne va pas abandonner les consoles. Sarah Bond, la présidente de Xbox, a assuré que la future console était déjà en phase de conception et qu’elle apporterait “le plus grand bond technologique jamais vu”. Seulement voilà, est-ce que Microsoft peut se contenter de sortir une nouvelle machine plus puissante en espérant que les joueurs craqueront ? Non, je ne pense pas. Refaire un scénario PS5 vs Xbox Series est envisageable, bien sûr, mais il n’aurait que peu de sens.
Il est temps pour la firme de Redmond de s’inspirer de Nintendo en termes de synergie et d’hybridation. En effet, en fusionnant sa console portable (Game Boy, DS) avec sa console de salon (Wii, Wii U), le papa de Mario a fait de sa Switch une des consoles les plus vendues de tous les temps, au point qu’il est difficile pour n’importe quel éditeur/développeur de l’ignorer. De mon point de vue, je pense que l’unique bon avenir pour Microsoft avec ses Xbox est de parvenir à fusionner le PC et la console de jeux de façon ingénieuse.
Imaginez pouvoir allumer votre Xbox reliée à votre téléviseur et pouvoir lancer un jeu acheté sur Steam spécialement pensé pour bien tourner sur votre hardware ? En un coup de joystick, vous pouvez jouer à vos jeux Xbox OG, Xbox 360, Xbox One et Xbox Series mais aussi vous adonner à des exclusivités PlayStation sorties sur PC tels que Helldivers 2, FFVII Remake, God of War ou encore Spider-Man 2, pour ne citer qu’eux. Comment empêcher les joueurs Xbox de jouer aux exclusivités PlayStation qui sortent sur PC, si la prochaine Xbox est un PC sous Windows déguisé ? Plus intéressant encore, ce système permettrait aux développeurs de ne plus avoir à dépenser de l’argent pour porter un jeu sur Xbox, puisqu’une version PC suffirait. En d’autres termes, cela assurerait un nombre de jeux incroyables aux consoles du géant américain, en plus de s’intégrer parfaitement dans la philosophie des papas de Windows.
Le plus amusant dans tout cela, c’est que Phil Spencer lui-même laisse entendre que des Stores concurrents pourraient potentiellement arriver un jour sur Xbox, et que les joueurs sur PC ont la chance de choisir où acheter leurs jeux, contrairement aux utilisateurs de consoles. “Je me demande quels sont les obstacles. Quelles sont les choses qui créent des frictions dans le monde d'aujourd'hui pour les créateurs et les joueurs ? Et comment pouvons-nous contribuer à l'ouverture de ce modèle ?” déclarait-il chez Polygon.
Qui serait mieux placé que Microsoft pour réussir là où Valve a échoué avec ses Steam Machines ? Cette hybridation ne serait même pas en désaccord avec le projet initial de la Xbox, puisqu’au tout début des années 2000, l’équipe chargée de créer la première console de jeux de Microsoft avait promis à Bill Gates qu’il serait possible de faire tourner des jeux PC dessus. Bien sûr, une Xbox hybride soulève de nombreuses interrogations aussi bien techniques que financières. Est-ce que Microsoft accepterait de laisser filer ses 30 % de commission si un jeu est téléchargé sur Steam plutôt que dans son Store ? Qu’est-ce que Valve aurait vraiment à y gagner ? Est-ce que la firme de Redmond trouverait le moyen de proposer une expérience semblable à ce que l’on a sur consoles, sans qu’il y ait de multiples réglages à orchestrer du côté de l’utilisateur ? Est-ce que les ingénieurs de la team Xbox arriveraient à maintenir de bonnes performances avec ce système hybride par rapport aux machines de Sony et de Nintendo ? Que se passerait-il si Steam décidait de se retirer des consoles Xbox en cours de route, Valve n’étant pas sous le contrôle de Microsoft ?
Cette histoire d’hybridation Xbox/PC semble évidemment compliquée sur un grand nombre de points, je le concède. Il n’empêche que c’est la seule trajectoire vraiment intéressante que j’aimerais voir Microsoft prendre. La société américaine a bouleversé les codes avec son Game Pass, il est temps d’en faire de même avec son hardware et de viser de nouveaux horizons. "Ouvrir le modèle", comme dirait Spencer.