Bien avant qu’Activision ne soit principalement connu pour ses Call of Duty, l’éditeur américain s’était illustré dans un jeu de guerre dont la liberté d’action n’avait rien à envier à celle des GTA en 3D. Monde ouvert, véhicules, armes, violence plus ou moins gratuite, bâtiments à visiter… tout était déjà là dans un titre pionnier largement oublié aujourd’hui.
Sommaire
- Liberty City, j’écris ton nom
- Hunter le révolutionnaire
- Un jeu vidéo auquel il faut avoir joué dans sa vie
Liberty City, j’écris ton nom
Trônant dans le top 5 des licences les plus vendues de l’histoire du jeu vidéo, Grand Theft Auto a marqué l’histoire du jeu vidéo avec ses grands espaces à parcourir, sa violence parfois immorale et ses nombreux véhicules à piloter. C’est surtout après l’arrivée du troisième épisode – sorti en 2001 – que la franchise gagne ses lettres de noblesse bien qu’elle mise sur les comportements pernicieux. La série met de côté sa caméra top/down au profit d’une vue à la troisième personne dans un monde en 3D temps réel. Ce qui n’était qu’un fantasme au début des années 2000 devient une réalité : le joueur peut enfin se balader dans une map gigantesque et faire ce que bon lui semble de la manière qu’il souhaite. L’alternance jour/nuit ajoute un plus à l’immersion, tandis que les avions comme les tanks peuvent être pilotés afin de soumettre Liberty City à ses envies.
Le titre édité par Take-Two devient le jeu le plus vendu de l’année 2001, et il aurait pu terminer en tête des ventes de l’année 2002 si Vice City n’était pas sorti à ce moment-là. Le New York Times n’y va pas par quatre chemins et écrit que GTA 3 est “l'un des jeux les plus influents et les plus réussis jamais réalisés”. Face à ce succès planétaire, la mode du jeu d’aventure/sandbox en monde ouvert est lancée. D’autres franchises telles que Mafia, The Getaway, True Crime ou encore Saints Row naîtront durant la première décennie des années 2000 pour tenter de croquer, elles aussi, leur part du gâteau.
Hunter le révolutionnaire
Si GTA 3 est souvent cité comme point de départ de l’open world sandbox 3D avec des déplacements libres à pied ou à bord de véhicules, les prémices du genre sont arrivées des années plus tôt. Pas en 1999 avec Driver, le soft de GT Interactive se concentrant sur les courses-poursuites sans possibilité de sortir des bolides. Pas en 1998 non plus, bien que Body Harvest, conçu par les papas de GTA (encore eux !), propose de chasser des aliens en 3D temps réel avec des phases à pied et en véhicule.
Il faut remonter au tout début des années 1990 pour trouver un titre qui coche toutes les cases du GTA-like 3D en vue à la troisième personne. 10 ans avant les aventures de Claude sur PlayStation 2, ce sont celles d’Hunter qui ont impressionné les possesseurs d’Amiga et d’Atari ST.
“Quelle que soit la mission, il n'y a aucune restriction (...). Vous pouvez utiliser le transport ou l'équipement de votre choix. Ce sentiment de liberté permet d'explorer et d'expérimenter” lit-on dans le test d’Amiga Computing. Oui, à sa sortie en août 1991, le soft d’Activision impressionne la critique. Le joueur, aux commandes d’Hunter, un soldat pro de l’espionnage envoyé sur une île dirigée par un dictateur, a l’embarras du choix dans sa manière d’accomplir les missions. Il est libre de remplir ses objectifs en marchant, en nageant, ou en utilisant une vingtaine de véhicules allant de l’hélicoptère au tank, en passant par le vélo et la planche à voile. Il peut flâner dans l’archipel et visiter les bâtiments, mais aussi discuter avec les locaux. Tailler le bout de gras avec les inconnus ou les militaires ne sert pas qu’à socialiser, cela permet aussi de récupérer des informations sensibles, surtout quand les billets sont posés sur la table.
Avec ses mécaniques encourageant la corruption, Hunter insiste sur le fait que la fin justifie les moyens. Le héros peut même flirter avec le côté obscur de la force puisque, à l’instar d’un bad guy de GTA, il a l'opportunité de profiter de ses engins motorisés pour semer le chaos et la destruction autour de lui, totalement gratuitement. En outre, les armes sont nombreuses (allant des couteaux aux lance-roquettes), tandis que les adversaires sont assez tenaces. Un cycle jour-nuit est également présent, facilitant ou compliquant les objectifs en cours. “Hunter est avec d’autres titres, comme Midwinter 1 et 2, un des pionniers du genre aventure en monde ouvert bien avant GTA” conclut Florent Gorges dans l’émission Les Oubliés de la Playhistoire dédiée à la production d’Activision. Le journaliste ajoute qu’une telle immersion était “révolutionnaire” pour l’époque, et que la sensation de liberté était “incroyable”.
Un jeu vidéo auquel il faut avoir joué dans sa vie
Bien sûr, même si nous retrouvons des idées de gameplay et des mécaniques que nous verrons plus tard dans le célèbre jeu de Rockstar (mais aussi dans certaines productions d’Ubisoft), les différences sont également présentes. Par rapport à GTA 3, le scénario n’est qu’un prétexte à générer des missions à la complexité variable en fonction du mode de jeu sélectionné. Ici, les îles sont créées de manière procédurale à chaque partie : les maisons, les magasins, les objets, les arbres, les rochers, les lacs et les collines ne sont jamais au même endroit d’un défi à un autre. De quoi assurer une bonne rejouabilité plutôt que de mettre en place un monde crédible.
Cela peut prêter à sourire aujourd’hui, mais Hunter pèse moins de 500 Ko, ce qui est extrêmement léger face aux 500 Mo de GTA 3. Ses graphismes ont bien évidemment beaucoup vieilli avec les simples polygones texturés de couleurs criardes et un framerate crachant du 12 images par seconde.
Au game design, à la programmation et à la modélisation, nous retrouvons un seul homme, Paul Holmes. Connu pour avoir travaillé sur Commodore 64 et ZX Spectrum, il a participé au développement de plusieurs titres tels que Spitting Image : The Computer Game, Trivial Pursuit : A New Beginning, No Excuses ou encore Bomb Jack 1 et 2. Après Hunter, il est crédité en tant que programmeur sur XS, un jeu d’action édité par GT Interactive. Nous trouvons son nom au générique de nombreux autres jeux (Rockband, Alice: Madness Returns, etc.) du côté de l’assurance qualité. Il est aujourd'hui Senior Software Engineer chez ChargePoint, société spécialisée dans la recharge de véhicules électriques.
Que reste-t-il de son œuvre oubliée de tous ? Pas grand-chose, malheureusement. Elle n’a connu ni suite, ni remaster, ni remake, ni présence dans une compilation rétro. Hunter est malgré tout cité dans le livre “Les 1001 jeux vidéo auxquels il faut avoir joué dans sa vie” écrit par Tony Mott, le rédacteur en chef du magazine Edge.