C’était en quelque sorte la belle surprise du Summer Game Fest : des français sur scène, venus porter un projet aussi innovant qu’original ! Dans un tunnel de très gros jeux, la présence d’un jeu indépendant a fait l’effet d’une bouffée d’air frais, et ça tombe bien puisqu’il nous emmène à la montagne. Au lendemain de cette annonce, on a discuté avec les créateurs de Cairn, sorte de « survival-climber », et ce titre entend bien nous faire oublier tout ce que l’on sait sur le jeu vidéo d’escalade.
Il y a quelques jours de cela, alors que nous nous trouvions devant une montagne d’annonces et de présentations à l’occasion du Summer Game Fest et des Play Days, on a rencontré Audrey Leprince et Emeric Thoa pour discuter de la prochaine création du studio The Game Bakers. Depuis la sortie de Haven, le duo et les équipes du studio sont aux fourneaux pour livrer une expérience qui sort du lot. Comme à chaque fois, l’entreprise montpelliéraine a « la volonté de toujours faire de nouvelles choses » et Cairn est effectivement un « gros parti pris créatif ». C’est donc après leur petit moment de gloire sur la scène du Summer Game Fest qu’on a pu échanger avec eux sur ce titre qui est « difficile à comparer à d’autres jeux » pour reprendre les propos d’Emeric Thoa.
Une ascension qui laisse plus de liberté qu’il n’y paraît
Lors de notre rencontre, Audrey et Emeric n’ont pas caché leur fierté de représenter la France sur scène, une opportunité offerte par Geoff Keighley qui, déjà conquis par Haven, les a invités pour que les joueurs du monde entier découvrent ce titre qui a, lui aussi, réussi à le charmer. Entouré de jeux AAA, Cairn a su proposer une bande-annonce qui sortait du lot. En quelques mots, Cairn nous met dans la peau d’Aava, une professionnelle de l’escalade qui se lance dans l’ascension d’une montagne dont personne n’a encore atteint le sommet. S’il donne l’impression de s’inscrire dans la mouvance des jeux d’escalade, tels que Jusant ou A Difficult Game About Climbing, très décalé dans le genre, Emeric Thoa nous en parle comme un titre « extrêmement original dans l’aspect controller » qui possède « une vraie innovation » dans son approche.
Effectivement, il ne faut pas réduire Cairn à un jeu qui simule simplement l’ascension d’une montagne, il offre en réalité bien plus de possibilités que ce que l’on peut croire de prime abord. Comme nous l’a expliqué Emeric Thoa, Cairn est « un jeu qui donne beaucoup de liberté comparé à ce qui existe dans les jeux d’escalade ». L’idée centrale, c’est que l’on peut contrôler tous les membres d’Aava « sans avoir besoin de faire le poulpe avec les doigts ». Dans Cairn, « il y a la possibilité de grimper partout, de gérer son équilibre, de faire ses propres choix (de voie, par exemple), de revenir sur ses pas » et il y a une astuce pour faciliter tout ça. Emeric Thoa a résumé le principe très succinctement en nous expliquant que « les membres sont choisis par le système » et que l’on « joue avec un bouton pour s’accrocher et le stick gauche pour orienter le mouvement ». Manette en main, ça sera donc à la fois extrêmement intuitif avec un large éventail de moyens pour progresser sur la paroi rocheuse, notamment parce que l’ascension d’Aava s’appuie sur le fait que ses membres vont être automatiquement choisi par le jeu en fonction de la situation dans laquelle elle se trouve.
Toujours faire preuve d’originalité pour atteindre des sommets
Vous l’aurez compris, en ce moment chez The Game Bakers, on est quelque peu épris de l’alpinisme. Comme preuve de cet attrait, Audrey et Emeric nous ont expliqué qu’ils ont conservé le vocabulaire technique pour être au plus proche de la réalité, permettant un compromis entre le plaisir de s’instruire et celui qui consiste, comme dans tout jeu vidéo, à s’amuser et susciter de l’intérêt pour ce que le titre nous raconte, ou encore qu’ils ont effectué un vrai travail de documentation et d’échanges avec des professionnels. D’ailleurs, Cairn nous en raconte des choses sur l’alpinisme, notamment à propos d’Aava. À la sortie, les joueurs pourront découvrir son ascension - elle devrait nous occuper pendant 12 heures, environ -, en compagnie d’un petit robot bien utile dans sa progression, les difficultés qui y sont liées (le manque d’oxygène au fur et à mesure, les conditions de survie (le « craft » rudimentaire, la gestion de ses pitons, même s’ils ne sont pas primordiaux, et de son inventaire), la météo (semi-scriptée, complètement aléatoire ou absolument fixe) et les intempéries, les épreuves imposées par la paroi, les effets d’un tel défi sur le corps (faim, soif, température, fatigue), le tout à travers une expérience accessible « pour celles et ceux qui veulent profiter de l’histoire » mais également « ajustée, qui peut créer de la tension et du challenge » (avec la mise à disposition d’un mode réaliste et expédition, par exemple).
À travers Cairn, Audrey, Emeric et leurs équipes viennent questionner les idéaux derrière l’alpinisme et ce défi insensé d’escalader une telle formation rocheuse. Bien loin d’être étriquée - « c’est tellement grand et ouvert qu’on a pas l’impression d’être dans un couloir », nous dit Emeric -, cette ascension laisse de la place à bon nombre de choses : à la contemplation, à la tension, à la réflexion (ce challenge obsessionnel, cette volonté de s’en libérer, ce dépassement de soi, cette mise en danger), à l’exploration (recueillir des cartes, des indices, des ressources) encore aux souvenirs. S’il y a l’histoire d’Aava, il y a aussi l’histoire du joueur et des joueurs, même. Après ces trois ans de développement et une collaboration avec des pointures (Martin Stig Andersen, Lukas Julian Lentz, Mathieu Bablet), « cette histoire que les gens vont retenir », c’est quelque chose dont les équipes sont fières. Un peu à la manière d’un Road 96, « tout le trajet que l’on fait en grimpant est mémorisé, on peut le faire apparaître et voir les endroits où on a été en difficulté, là où on a mis un piton, là où on est tombé ». Désormais, pour se forger ses propres souvenirs dans la roche, il faudra attendre 2025, date à laquelle le jeu sera livré sur PC et consoles. Ça nous laisse le temps de se constituer un bon stock de magnésie.