Après avoir fait des jeux de cartes érotiques, mais avant que la Famicom n’arrive au Japon, Nintendo a conçu diverses expériences ludiques se connectant au téléviseur. Largement oubliées dans l’histoire du jeu vidéo au profit de hardwares tels que l’Odyssey ou de l’Atari 2600, les Color-TV sont pourtant les véritables premières consoles de salon de la firme de Kyoto. Elles ont connu un succès retentissant… et une fin abrupte.
- Les oubliées de la Playhistoire (Omaké)
- L’histoire de Nintendo (Omaké)
Sommaire
- Du jeu aux jeux vidéo
- Ja-PONG !
- Cinq petits bonds puis le grand saut
Du jeu aux jeux vidéo
Certains estiment sa naissance aux alentours des années 1950, quand des machines électroniques sont modifiées par quelques bidouilleurs pour aboutir sur des expériences strictement ludiques. D’autres situent sa création au début des années 1970, avec l’apparition des premières bornes d’arcade qui ont lancé une véritable industrie. Le jeu vidéo a connu de nombreux noms qui ont porté son histoire, tels que Steve Russel, Ralph Baer ou encore Nolan Bushnell, et il est commun de lire que Nintendo a lancé la troisième génération de consoles avec sa toute première tentative de machine reliée à un écran, la NES. Pourtant, dès 1977, le fabricant de cartes et de jouets a su s’inviter dans des centaines de milliers de foyers japonais grâce à un hardware relié au téléviseur. La période de transition s’est opérée avec les Nintendo Color-TV.
Le premier essai de la firme de Kyoto dans cette industrie naissante du jeu vidéo ne s’appelle pas Famicom, NES ou Game and Watch, mais Nintendo Color-TV Game 6. Pour réussir son coup dans le monde de l’électronique qu'elle ne maîtrise pas, la société fait appel à Mitsubishi Electronics qui se charge des composants de l'appareil. Sortie en juin 1977 au prix de 9 800 yens, la toute première console de jeux du fabricant japonais a un atout de taille : elle affiche de la couleur sur les téléviseurs !
Ja-PONG !
La Color-TV Game 6 est proposée avec six jeux qui s’avèrent être des clones de Pong. De peur de voir Magnavox, échaudé par l’affaire Atari, les attaquer pour avoir “emprunté” le concept, Nintendo signe un contrat avec la firme qui a confectionné l’Odyssey au début des années 1970. Le groupe a ainsi l’autorisation de produire sa propre bécane copiant légalement le fameux jeu de tennis.
Concrètement, la Game 6 fonctionne à l’aide de piles et les joueurs bougent leur raquette virtuelle à l’aide de molettes fixées directement sur la console qui fait donc office de manette à se partager. Loin d’être pratique, cette manière de jouer sera changée avec la Color-TV Game 15, une version améliorée de la machine (qui ne débarque qu’un petit mois plus tard) proposant cette fois-ci deux manettes câblées. C’est mieux.
Pour faire connaître ce drôle de jeu qui se connecte à la télé, concept qui n’est pas courant au Japon à cette époque, Nintendo choisit le quotidien Yomiuri shimbun et choisit une place stratégique dans le journal : la page réservée aux programmes télévisés. Dans sa vidéo “Les oubliés de la Playhistoire #Spécial”, Florent Gorges dévoile la toute première publicité de la console qui se trouve dans le numéro du 20 juillet 1977. On voit une famille jouer à la fameuse machine sur une bonne vieille TV cathodique, avec en haut, ce slogan : “ne vous contentez plus de regarder la télé, jouez avec”.
Un message d’une efficacité redoutable, puisque Nintendo se félicite régulièrement des ventes de ses Color-TV dans les colonnes du journal. Le 21 novembre 1977, la firme de Kyoto dit avoir atteint les 580 000 machines vendues seulement 5 mois après sa mise en vente. Un chiffre qui grimpe jusqu’à parvenir aux 840 000 consoles distribuées le 21 mars 1978. Big N évoque “une popularité incontestée”. “Nos produits sont de qualité car ils ont passé avec brio les tests les plus rigoureux et votre confiance en est la preuve”, lit-on dans une publicité papier dénichée par Florent Gorges.
Cinq petits bonds puis le grand saut
On entend parfois que cet incroyable succès a poussé Nintendo à se lancer immédiatement dans quelque chose de plus sérieux et à sortir sa NES. Mais avant que Mario ne saute sur des Goombas pour rouler sur la concurrence, ses créateurs ont persisté avec les Color-TV. Le constructeur conçoit en 1978 la Color TV Game Racing 112 avec, comme son nom l’indique, un jeu de course aux 112 combinaisons possibles.
La console aborde un volant en façade qui sert de contrôleur au joueur, ainsi qu’un levier de vitesse et une série de boutons. Oubliez la vue subjective, les courses sont en vue de dessus et peuvent être jouées jusqu’à deux en connectant des manettes sur les côtés de l’engin. Pour l’anecdote, Racing 112 fera une petite apparition dans un des mini-jeux de WarioWare, Inc. sur GBA.
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En 1979, c’est la Color-TV Game Block Kuzushi qui débarque. Connue pour être la première machine intégralement faite par Nintendo, elle permet à un certain Shigeru Miyamoto de faire ses preuves. Le papa de Mario s’est effectivement occupé de son design, et a imaginé une console/manette facile à utiliser que l'on soit droitier ou gaucher. La Color-TV Game Block Kuzushi offre des variantes de Breakout (jeu de casse-briques), soft très populaire au Japon à la fin des années 1970.
Nintendo semble avoir trouvé la bonne idée qui paye à tous les coups : une machine peu coûteuse à produire qui rapporte beaucoup, dont le concept peut être décliné de multiples façons. Seulement voilà, une année plus tard, les mésaventures de la Computer TV Game vont chambouler les plans du constructeur.
Sortie en 1980 au prix de 48 000 yens, ce qui en fait la plus chère de toutes les machines de la gamme, la Computer TV Game est la dernière Color-TV à s’être retrouvée dans les boutiques japonaises. Après Pong, la course et le casse-brique, c’est cette fois-ci Othello qui est mis sous le feu des projecteurs. Ou quelque chose qui y ressemble vaguement : le retard technique de la machine oblige le constructeur à remplacer les jolis ronds colorés du jeu de base par des croix et des carrés.
Chère, dépassée dans son architecture, souffrant d’un processeur si peu performant que l’IA est d’une facilité déconcertante à battre, la Computer TV Game ne rencontre pas le succès escompté. À un tel point qu’elle porte un coup fatal aux Color-TV. Nintendo continuera l’expérience des bizarreries électroniques avec les Game & Watch, tandis que la firme japonaise se lancera dans le monde de la console de jeux – avec cartouches – dès 1983 par l’intermédiaire de la Famicom/NES. Ce sera le début d’un succès planétaire qui popularisera des séries qui font encore l’actualité aujourd’hui avec les Super Mario Bros., The Legend of Zelda ou encore Metroid.