Disponible dans le Xbox Game Pass, Still Wakes the Deep vous occupera cinq heures en vous promettant quelques frissons.
Voilà presque une décennie que The Chinese Room n'avait pas proposé d'aventure narrative depuis le très réussi Everybody's Gone to the Rapture. Le studio anglais fait un retour horrifique avec Still Wakes the Deep, une expérience qui prend le large sur un pétrolier écossais, et qui s'attache à dépeindre une jolie palette de peurs : "Le vertige, la noyade, la claustrophobie, toutes les peurs classiques sont présentes sur une plate-forme pétrolière", expliquait à ce propos le directeur du jeu, John McCormack, avant d'ajouter : "Et il y a la distance qui nous sépare de la terre : si la communication tombe, nous sommes coupés du monde". Et il est vrai qu'en pleine mer et en proie aux pires atrocités, personne ne vous entendra crier. Brillante idée. Dans les avis éparpillés sur Internet, certains diront déjà que Still Wakes the Deep est l'un de "leurs jeux d'horreur préférés de l'année."
La rencontre entre Lovecraft et The Thing
Still Wakes the Deep nous embarque donc au large de l’Écosse en 1975, un cadre que vous pouvez aisément reconnaître à la simple écoute de quelques lignes de dialogue, narrées avec une superbe authenticité par un casting local particulièrement doué. D'ailleurs, jamais une expérience horrifique ne m’avait encore semblé livrer de prestations aussi crédibles, et capables d'insuffler autant de terreur à l’atmosphère générale, déjà favorisée par un excellent travail musical. Quant à l’année, elle n’est pas choisie au hasard : "La politique et les classes sociales constituent la toile de fond de l'environnement de travail sur les plates-formes pétrolières. Beaucoup d'entre eux parlent d'actions syndicales, et il est très important que cela soit inclus", expliquait le directeur. On incarne ici McLeary, marié et père de deux filles, qui a visiblement quelques penchants pour la violence puisqu’il est actuellement recherché par la police pour avoir sévèrement amoché un certain Billy Chamberlain. Pour éviter de croupir en prison et de mettre sa famille dans l’embarras, il accepte le plan de son meilleur ami Roy, cuisinier sur la plateforme pétrolière Beira D, qui lui dégote un poste au même endroit. McLeary est un anti-héros comme on les aime, pas dénué d’humour et avec un sang-froid que l’on apprécie dans les situations les plus délicates.
L’aventure cauchemardesque débute sur une lettre de sa femme, visiblement peu séduite par l’idée de le savoir sur un pétrolier à quelques milliers de kilomètres de la maison. Elle lui somme alors de rentrer retrouver sa famille, une demande qui sera, comme on se doute, bien difficile à exaucer. À ce stade, McLeary est déjà bien familier avec le personnel du navire, nous évitant dès lors des présentations fastidieuses. L’horreur s’installe néanmoins si vite qu’il est difficile de s'imprégner pleinement de la poignée de visages amicaux rencontrés avant que la quiétude ne soit balayée par les substances lovecraftiennes qui ont remplacé les bras et jambes de nos collègues. En proie à une catastrophe clairement surnaturelle qui transforme les employés en entités difformes et sans pleine conscience, McLeary se retrouve sans issue à bord d’une plateforme au bord de l’explosion et dans un bourbier qui nous fait clairement penser au The Thing de Carpenter.
Mémorable à défaut d'être tentaculaire
Dans Still Wakes the Deep, libre à vous d’approcher l’expérience depuis son mode histoire pour vous éviter la crainte de mourir entre les mains de sordides créatures, ou d’opter pour l’option standard, qui ne vous mettra de toute façon jamais face à une épreuve trop difficile. Le jeu parvient par ailleurs à proposer une balance très correcte entre les séquences de pleine angoisse dédiées à se faufiler dans des conduits pour éviter de se faire alpaguer par une horreur, et les phases plus tranquilles d’exploration linéaire. Pas de quoi se crisper constamment comme on pourrait le faire dans un Outlast, ici, The Chinese Room nous laisse souffler, nous berçant occasionnellement de jolis choix de mise en scène qui nous laisse béats.
Les mécaniques de gameplay, en revanche, restent de bout en bout très sommaires et chronophages. À chaque couloir arpenté vient son lot de cadenas à briser, de trous de plateforme à enjamber et de monstres à esquiver en rampant dans un espace à la déviation impossible. McLeary suit passivement et de façon abrutissante un chemin constamment peinturé de marques jaunes et dont l’étroitesse rend la traversée d’autant plus étriquée. Les victimes s’enchaînent sans qu’on ne s’y soit vraiment attaché et les bribes du passé de McLeary surgissent de temps à autre sans réussir pleinement à s’accrocher correctement au fil narratif, lequel, aussi générique soit-il, fait néanmoins preuve d’une humanité très touchante. Si The Chinese Room maîtrisait avec brio l’art de la narration environnementale dans Everybody's Gone to the Rapture, elle se vit ici essentiellement par les dialogues, souvent éparpillés dans des appels de détresse de collègues dont on se souvient à peine. Mais il est très agréable d’entendre quelques voix rationnelles dans ces dédales de couloirs froids hantés par l'impossible. Et si le récit de Still Wakes the Deep a des difficultés à nous happer jusqu’à la fin, il est difficile de s’en défaire une fois les crédits déroulés, aussi court soit-il.