Il s’en passe des choses en 25 ans, surtout lorsque l’on parle de technologie et de jeux vidéo. Pourtant, en 1999, Teruhisa Tokunaka, alors vice-président exécutif de Sony Computer Entertainment, avait clairement compris qui serait le véritable ennemi des consoles.
Opération séduction à coups d’Emotion Engine
Installez-vous confortablement dans la DeLorean, nous revenons 25 ans en arrière. “Le 2 mars 1999 restera dans les mémoires comme l'un des jours les plus marquants de l'histoire du jeu vidéo” lisait-on dans le magazine Electronic Gaming Monthly n°118. Pourquoi ? Parce que c'est le jour où Sony a annoncé les caractéristiques techniques de la PlayStation de "nouvelle génération" (elle n’était pas encore officiellement appelée PlayStation 2). Devant une foule de près de 2 000 journalistes et professionnels du monde entier, la firme japonaise se lance dans une opération séduction afin de prouver que malgré la sortie de la Dreamcast au pays du soleil levant, la concurrence est au crépuscule de son existence. La PS2 est pensée pour régner sans partage, et chaque argument asséné par Ken Kutaragi, le PDG de Sony Computer Entertainment, et par Teruhisa Tokunaka, a pour objectif de frapper là où ça fait mal.
Avec son Emotion Engine et son Graphics Synthesizer, Sony a réponse à tout. La Dreamcast ? Déjà oubliée ! Elle n’affiche que 4 à 5 millions de polygones quand la PlayStation 2 promet d'en gérer plus de 20 millions. Le jeu sur ordinateur ? Bientôt de l’histoire ancienne, la PS2 ayant des composants "20 fois plus puissants" que les principaux accélérateurs graphiques sur PC du marché. La console de Sony se projette même au-delà de la simple console avec sa connectivité et son lecteur DVD. “Imaginez que vous entriez dans l'écran et que vous viviez un film en temps réel... c'est le monde dans lequel nous sommes sur le point d'entrer” promettait la firme japonaise en montrant des démos techniques impressionnantes confectionnées par Polyphony Digital, Square, From Software et Namco.
L’ennemi est dans la poche
Dès le mois de mars 1999, Sony est déjà certain de s’imposer grâce à sa future machine. Avec son monstre de puissance capable de faire de l’ombre aux meilleurs PC, elle considère déjà ses concurrents directs – Nintendo et SEGA – comme étant rayés de la carte. Interrogé par EGM sur qui peut encore faire peur à PlayStation, Tokunaka répond quelque chose d’assez prophétique avec le recul. “Je ne sais pas... peut-être les téléphones portables ?” avant d’ajouter “la véritable concurrence est tout ce qui occupe le temps et l'attention des gens”. Aujourd’hui, nous pouvons affirmer qu’il avait vu juste, le jeu sur mobile se taillant la part du lion avec un chiffre d’affaires largement supérieur à celui des consoles.
On ne peut pas résister à l’envie de vous citer les derniers mots de Tokunaka lisibles dans la retranscription de l’interview, qui complètent sa pensée : “par exemple, mon fils était un fan de PlayStation jusqu'à ce qu'il se trouve une très jolie petite amie. Aujourd'hui, il lui consacre beaucoup plus de temps et d'argent. Son temps de jeu s'en ressent”. Classe !