Stupeur dans l’industrie vidéoludique. Microsoft a décidé de fermer les portes de quatre studios appartenant à Bethesda. Parmi eux, nous retrouvons deux studios emblématiques qui ont fait d’excellents titres par le passé. Mais que se passe-t-il ?
La mort dans l’âme
Nous n’allons pas vous rejouer le couplet de la crise qui touche le monde du jeu vidéo depuis 2023. Nous avons assisté à de nombreux licenciements écœurants et à des fermetures de studios appréciés des joueurs pendant de trop longs mois. Nous n’allons pas non plus répéter les raisons brandies par nos mastodontes du divertissement qui prennent ces décisions qu’ils assurent “difficiles”. Augmentation des coûts par-ci, rationalisation par-là, vous commencez à connaître la chanson. Aujourd’hui, c’est la firme qui assurait que “créer des mondes” virtuels était semblable à apporter “de la lumière dans les ténèbres” pendant le DICE Summit 2018 qui plonge dans l’obscurité quatre de ses studios. L’ogre vert écrase définitivement Alpha Dog Studios (Mighty Doom), Arkane Austin (Prey, Redfall) mais aussi Tango Gamework, l’ancien studio de Shinji Mikami à qui l’on doit deux épisodes de The Evil Within et surtout Hi-Fi Rush, le jeu Xbox le mieux noté de l’année 2023. Quant à Roundhouse Studios, les membres de l’équipe se trouvent absorbés par Zenimax Online.
Dans un message interne adressé à ses équipes, publié par IGN, Matt Booty explique ces “changements” par le besoin de “donner la priorité aux titres à fort impact”, d’identifier “les opportunités les mieux placées pour réussir”, afin de permettre “d'investir davantage dans le portefeuille de Bethesda composé de jeux à succès”. “Quelques équipes seront réaffectées à d'autres, tandis que certains de nos collègues nous quitteront” écrit Booty. Cette “consolidation” (le mot est lâché) engendre des “décisions difficiles”, mais “Bethesda reste l'un des principaux piliers de la Xbox” promet le patron des titres first party.
“Ne nous utilisez pas comme paillassons”
Cela fait depuis quelques mois que nous assistons à un changement dans le discours de Phil Spencer et de ses équipes. Alors qu’il y a quelques années, l’entreprise américaine semblait placer ses pions pour défendre une culture d’entreprise saine basée sur les risques créatifs, les mots ont changé. En août 2023, Spencer avouait dans une interview du Monde que sa responsabilité première était d’être certain que “son business était croissant et profitable”. “Parce que si les affaires sont bonnes, nous allons durer et c’est ce qui compte” ajoutait-il.
Sur les réseaux sociaux, des voix d’acteurs influents se sont levées. “C'est absolument terrible” commente sur X/Twitter Dinga Bakaba, le codirecteur créatif d’Arkane Lyon. “Permission d'être humain : à tous les dirigeants qui lisent ces lignes, je rappelle amicalement que les jeux vidéo sont une industrie culturelle et de divertissement, et que votre travail en tant qu'entreprise est de prendre soin de vos artistes et de les aider à créer de la valeur pour vous” peut-on lire. Il ajoute : “ne nous lancez pas dans des gambits de fièvre de l'or, ne nous utilisez pas comme paillassons pour des erreurs de calcul ou des points aveugles, ne faites pas de nos environnements de travail des jungles darwinistes”.
This is absolutely terrible. Permission to be human : to any executive reading this, friendly reminder that video games are an entertainment/cultural industry, and your business as a corporation is to take care of your artists/entertainers and help them create value for you.
— Dinga Bakaba 451 (@DBakaba) May 7, 2024
“À tous ceux qui me harcèlent depuis des années pour savoir pourquoi nous n'avons pas permis à Moon Studios d'être racheté par un grand éditeur. Voilà pourquoi. J'ai vécu les années 1990 et j'ai vu ce qui s'est passé lorsque de petits studios ont été acquis par EA. Plus jamais ça” a déclaré de son côté Thomas Mahler, le boss de Moon Studios (Ori, No Rest for the Wicked).
To everyone whose been pestering me for years about why we didn't allow Moon Studios to get acquired by a big publisher...
— thomasmahler (@thomasmahler) May 7, 2024
That's why.
I've lived through the 90s and saw what happened when smaller studios got acquired by EA.
Never again 🤣😂 https://t.co/BHXm37PC2M
Il ne reste plus qu’à voir jusqu’où va aller l’envie de performances de Microsoft pour sa branche Xbox. Dans un monde où la firme américaine est obnubilée par les "titres à fort impact" (dixit Booty), que représentent encore des studios comme Double Fine ou Compulsion Games ? Il y a de quoi trembler.