Arrivé après la réédition du jeu le plus adulé de la série et la même année qu’un autre remake à succès, A Link Between Worlds est - malgré un accueil chaleureux à sa sortie - un épisode souvent oublié des fans. Retour sur un jeu qui a (presque) tout changé.
Cet article est un billet d’opinion, il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV. Merci d'avance, bonne lecture.
Je me souviens de la publicité comme si c’était hier. Le thème iconique de la saga, l’attaque circulaire contre deux blobs, l’escalade de la tour d’Héra à coups de maillets et tout à coup, Link qui se transforme en graffiti, passant entre des barreaux et contournant une protubérance de la tour pour rattraper une plateforme à la dernière seconde... The Legend of Zelda : A Link Between Worlds est là, deux ans après Skyward Sword et l’excellent ''remake'' 3D d'Ocarina of Time. Mes parents, fins limiers, déduisent à mes yeux écarquillés qu’il s’agit là d’un titre qui m’intéresse au plus haut point. Sa sublime boîte dorée (dont la jaquette est réversible, fait que je viens d'apprendre presque 11 après la sortie) est entre mes mains et je m’apprête à vivre une extraordinaire nouvelle aventure.
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Un vrai nouveau jeu...
La première chose qui m’a agréablement surpris en faisant ce Zelda, c’est son univers. Pourtant, à l'époque, il est vendu par la presse comme un genre de remake d'A Link to the Past, un épisode que je trouve un peu fade (surtout comparé à Ocarina of Time). Sympa, car ayant posé des bases que j’avais retrouvées dans les autres jeux de la licence et toujours très beau visuellement, avec une bande-son délicieuse, mais sans plus.
Malgré tout, lors de mes premiers instants sur A Link Between Worlds, c’est une vraie bouffée d’air frais. Exit le design semi-réaliste d’Ocarina of Time et le cel-shading des derniers épisodes portables, voilà un héros tout en rondeurs, avec un aspect que je n’avais jamais vu ailleurs que sur les vieux artworks d'Hyrule Historia. Et seconde surprise, Link n’était plus réveillé par son oncle dans une nuit de tempête. Cette fois, c’était un petit bonhomme qui le sortait de ses cauchemars, lui intimant de rapidement se rendre chez le forgeron local, pour lequel le héros semblait travailler. “Mais ça n’a rien à voir avec l’ancien jeu” me dis-je alors que je continuais l’aventure. Et c’était là le maître-mot de ma première heure de jeu.
Le titre présente énormément de nouveaux personnages, qu'il s'agisse de Célès la fille du prêtre, Gulley le fils des forgerons, le capitaine de la garde, Igor, Yuga ou encore le meilleur de tous : Lavio ! Les personnages du jeu sont réellement campés et partagent tous une histoire plus ou moins importante avec Link, ce qui permet de réellement s’attacher à eux (ça change d’A Link To The Past). C'est d'ailleurs Lavio qui introduit la mécanique principale de l'aventure : la location d’objets. Eh oui, ici, plus de linéarité faussement justifiée par Miyamoto et bienvenue au pays du libre-arbitre. Les objets nécessaires à l’accès des donjons et leur complétion sont désormais à louer... Chez Link, dont la petit personnage a transformé la maison en échoppe. Et c’est là tout le sel de ma découverte : on me laisse le choix et je suis incapable d’en faire un.
Imaginez, un Zelda qui vous offre tous ses objets dès le début (comme Breath of the Wild et Tears of the Kingdom) c’est un véritable appel à l’aventure. En plus de cela, le système m'encourageait à véritablement réfléchir à mon niveau de jeu, puisque la location d'objet, si elle permet de tout prendre dès le début, risque aussi de vous faire tout perdre d'un coup en cas de mort prématurée. Le système de location porte en effet bien son nom, parce que si vous tombez au combat, Shiro, le petit compagnon à plumes de Lavio, viendra récupérer les objets que vous avez loué à son maître. Et pour les retrouver, il faut de nouveau passer à la caisse ! Autant dire que l'envie de louer tous ses objets d'un coup est extrêmement punitive, surtout si l'on ne sait pas réellement jauger de son skill.
... Avec une identité propre !
Si j’étais souvent frustré de la linéarité de certains Zelda sortis après Ocarina of Time, qui laissaient déjà des choix d’ordre de complétion des temples, dans A Link Between Worlds, les donjons sont explorables dans l’ordre qui nous sied. Cette feature pousse à explorer Hyrule de la façon que l’on souhaite vraiment. Pour s'accorder à ce nouveau système, la difficulté a été revue à la baisse pour ne pas trop baliser le chemin du joueur. Si cela semble être un mauvais point, cela a permis au jeu de se concentrer davantage sur la part d’énigmes qui est une de mes mécaniques préférées, là où d’autres opus abusent des combats. Les temples développent de vraies mécaniques précises et originales, comme le Palais des Ténèbres qui est plongé dans le noir, ou dans le Palais du Désert avec des énigmes autour du sable. La mécanique de graffiti est réellement exploitée et c’est un vrai plaisir de l’essayer un peu partout, pour finalement découvrir que les développeurs avaient pensé à cette éventualité.
Si l’histoire reprend le carcan de son ancêtre (trois médaillons, Master Sword, château d’Hyrule, nouveau monde et ses 8 donjons), celle-ci s'enrichit. Fini la Terre d’Or transformée par Ganon, simple reflet de l’overworld et bonjour Lorule. Monde parallèle d’Hyrule, c'est une terre dont la Triforce a été détruite par la famille royale pour mettre fin aux guerres qui rongeaient le royaume.
Lorule est le prisme de ce qu’aurait pu devenir Hyrule s’il avait sombré. En effet, la destruction de la relique des déesses a causé la décrépitude des terres du monde parallèle, creusant de larges failles lacérant le royaume. Les survivants, traumatisés, vivent rongés par la peur, s'adonnent à un mystérieux culte des masques, censé leur permettre de se réincarner en monstre et d'échapper à la folie ambiante. Ceux-ci sont même guidés par un gourou qui est l’équivalent du sage Sahasrahla pour Lorule... Tout se joue véritablement dans le contexte qui ancre véritablement Lorule dans les esprits comme un monde à part entière, au même titre que Termina dans Majora's Mask, Holodrum dans Oracle of Seasons et Labrynna de Oracle of Ages.
Luigi, ennemi public numéro 1
Vendu à plus de 4.26 millions d’exemplaires, avec un score Metacritic de 91/100, le jeu est le 14e plus vendu de la 3DS mais reste, en Europe, l’un des épisodes les moins connus, bien qu'il fasse aisément partie des meilleurs de la série. Tous les voyants étaient donc au vert. Bien que les épisodes portables sont, pour certains, considérés comme des versions "inférieures" des opus sur console de salon, au vu de sa qualité, son oubli généralisé est pour moi un vrai bug dans la matrice. Quelques éléments peuvent en partie justifier un tel désintérêt collectif, notamment son année de sortie.
A Link Between Worlds est sorti en 2013, soit deux ans après Skyward Sword et le remake d’Ocarina of Time qui tirait sur lui la couverture de la licence sur 3DS. Deux mois avant, venait de sortir le remake HD de The Wind Waker sur Wii U. Le jeu s’est retrouvé coincé entre deux mastodontes et a eu du mal à réellement s’imposer, notamment avec son identité régulièrement confondue avec A Link to the Past. En plus de cela, il ne faut pas oublier que 2013, pour Nintendo, c’était l’année de Luigi. L’entreprise japonaise appuyait énormément cette année-là sur les jeux de la série Mario, qu’il s’agisse de Super Mario 3D World, Luigi's Mansion 2, Mario Party : Island Tour ou Mario & Luigi : Dream Team Bros., reléguant quasiment la série Zelda au remake Wii U. En tant que fan de la série, c’est vraiment dur à avaler.
Si le jeu est aujourd'hui oublié, ce n’est, en aucun cas, dû à son contenu. Le titre est absolument exceptionnel et mérite largement sa place au Panthéon de la série, n’en déplaise aux fans de consoles de salon et aux puristes de jeux rétro. Je n'arrive tout bonnement pas à l'oublier, c'est un jeu qui marque au fer rouge et qui est toujours aussi plaisant même plus de 10 ans après sa sortie. Si vous l'avez snobé ou simplement raté, laissez-lui une chance et vous découvrirez un véritable bijou rubis.