Il n’y a pas si longtemps, les grands constructeurs organisaient des soirées extravagantes pour fêter les sorties de leurs consoles, de leurs jeux, mais aussi de leurs services. Bien sûr, cela n’a pas disparu de nos jours, mais au début des années 2000, il y avait des stars par dizaines pour rendre le jeu vidéo “plus cool”. Malgré nos souvenirs amusés, il vaut mieux ne pas être trop nostalgique de ces événements tape-à-l'œil d’antan.
Sommaire
- Du geek au bling bling
- Ce soir chez Sony, c’est soirée disco
- À qui mieux mieux
- Retour à la normale ?
Du geek au bling bling
Si aujourd’hui le jeu vidéo est considéré comme un art/divertissement comme les autres, à tel point que certains acteurs d’Hollywood confient volontiers le fait qu’ils sont de véritables gamers, cela n’a pas toujours été le cas. Longtemps perçu comme un loisir abrutissant à même de rendre violent les adolescents, la faute à une couverture médiatique de la presse télévisée généraliste enfonçant de bonne grâce ce média qui “vole” du temps d’écran, le jeu vidéo a dû trouver de nombreux subterfuges pour s’acheter une bonne réputation. Ou tout du moins, une image équivalente à celles du cinéma et de la musique, deux industries qui intéressent la même cible que celle des grands constructeurs/éditeurs mais qui ont meilleure presse que ce média où l’on s'excite sur des manettes et des claviers.
Afin de prouver que le jeu vidéo est à la fois cool, fun, tendance et qu’il ne mérite pas les horreurs qui sont dites sur lui dans les journaux, les responsables marketing des grands groupes du gaming trouvent la parade : organiser des événements extraordinaires à chaque sortie importante (d’une console, d’un jeu) et y inviter une pelletée de people, des célébrités du cinéma, de la télévision, de la musique ou du sport. L’exercice consiste à prouver à la terre entière que le média ayant fait naître Super Mario (parmi tant d’autres) n’est pas réservé aux geeks associables puisqu’il est capable d’attirer celles et ceux qui représentent la réussite aux yeux de tous. C’est en tout cas ce qui doit transparaître des photographies émanant de ces fêtes “bling bling”.
Ce soir chez Sony, c’est soirée disco
Les soirées de lancement organisées pour faire parler de nouvelles consoles de jeux ne sont pas nouvelles, et bien qu’elles aient pris des dimensions délirantes dans la bataille qui oppose Sony à Microsoft au début des années 2000, on en trouve dès les années 1990. Le magazine britannique Arcade publie d’ailleurs un dossier de 6 pages en 1999 dédié à la “beautiful Dreamcast launch party” qui a eu lieu au Commonwealth Institute de Londres. Sur la liste des invités, des journalistes, des éditeurs, mais aussi quelques célébrités, à l’image de l'acteur américain Verne Troyer (Mini-moi dans Austin Powers) ou encore de Dean Macey, un athlète britannique. Les bases sont là : un lieu prestigieux, des bornes pour s’amuser, des DJs diffusant les derniers hits, de l’alcool à volonté et des personnalités de tous horizons. Pas mal, non ? Ce n’est pourtant qu’un échauffement pour la suite.
Les choses vraiment sérieuses – ou plutôt fantaisistes – débutent avec la soirée de lancement de la PlayStation 2. D’un côté, nous avons un constructeur qui est prêt à tout pour marteler le fait que sa machine sera absolument incontournable malgré la présence de SEGA et de Nintendo sur le ring. De l’autre, nous avons des stars ravies de se faire prendre en photo à côté d'un objet dédié au divertissement que leurs fans adorent. Le résultat est explosif. Dans son ambition de créer l’événement démesuré dont tout le monde parlera afin de célébrer sa PS2, le constructeur japonais invite plus d’une trentaine de stars à Hollywood. Ben Stiller, Carmen Electra, Denise Richards, Jennifer Love Hewitt, Milla Jovovich, Minnie Driver, Patricia Arquette, Tori Spelling, Vin Diesel, Trey Parker et Matt Stone… Rien n’est trop grand pour la société qui a chamboulé le monde du gaming avec sa PlayStation et qui s’apprête à vendre son monolithe noir par millions. Le ton est donné !
À qui mieux mieux
Après le succès foudroyant de la PS1 et le raz-de-marée PS2 qui frappe tous les territoires, dont la France où des joueurs se sont piétinés afin de découvrir Fantavision, Nintendo of America ainsi que Microsoft (qui entre dans l’arène des constructeurs de consoles après la mort de la Dreamcast) adoptent une technique qui a plusieurs prouvé son efficacité : imiter la façon de communiquer du leader. Au début des années 2000, il faut utiliser les codes du “cool” et interpeller son auditoire. Alors que Sony fait appel au maître du bizarre, à savoir David Lynch, pour catapulter sa PlayStation 2 dans le troisième monde, Nintendo et Microsoft préparent leurs munitions. Quand le premier se plie en quatre pour introduire son cube de jeux, le second fait péter le bouchon de champagne. À cette période, il est difficile de départager les trois constructeurs dans leur manière de s’adresser au public : ils ciblent la même catégorie, à tel point que leurs slogans sont très proches : “la vie est un jeu” du côté de la GameCube, “la vie est trop courte, jouez plus” implore la Xbox.
Awkward Celebrity Photos from GameCube's Launch Party (2001) pic.twitter.com/TIbAYpyznR
— Andy🕹❤️RetroGaming (@LoveRetroBTW) September 19, 2023
C’est donc sans surprise que les deux concurrents de Sony organisent eux aussi des fêtes de lancement clinquantes. Nintendo sélectionne une boîte de nuit de Spring Street pour faire la fête à son petit cube. Le constructeur accueille Nikki Sixx, Bradley Cooper, Scarlett Johansson, Bridget Hall ou encore le groupe LMNT. Microsoft choisit également New York avec le Toys “R” Us de Time Square, invitant Bill Gates à l’événement qui profite de la soirée pour faire quelques parties avec les fans présents. Vous trouvez que la firme de Redmond joue les petits bras avec les stars ? Attendez de voir la liste des invités pour la fête de lancement du Xbox Live, organisée à Hollywood une petite année plus tard : John C. McGinley, Chris Masterson, Tori Spelling, Ashton Kutcher et quasiment toute la clique de That ‘70s Show sont là, parmi d’autres. Pour l’arrivée d’Electronic Arts sur le Xbox Live, la firme de Redmond va même jusqu’à faire venir Muhammad Ali, aux côtés d’autres célébrités, à l’occasion d’une soirée spéciale en 2005.
Ces “launch parties” tapageuses atteignent leur paroxysme avec l’arrivée de la Xbox 360, de la PS3 et de la Wii. Aux Etats-Unis come dans le monde entier. Il est difficile de ne pas évoquer les personnalités présentes à l’événement de Microsoft, telles que Tony Hawk, Fergie ou encore Snoop Dogg. En outre, la machine fut dévoilée par Elijah Wood, l’acteur star du Seigneur des Anneaux. Chez Sony, les célébrités se bousculent au portillon avec Nicole Richie, Paris Hilton, Edward Furlong, James Franco, Lindsay Lohan, Kim et Kourtney Kardashian. Nous n’allons pas continuer ces listes interminables de noms, vous avez compris l’idée. Que ce soit pour l’arrivée de consoles, des accessoires (Kinect), de services et bien sûr de jeux, tous les prétextes sont bons à cette époque pour faire la fête, et surtout pour montrer au monde entier que les jeux vidéo intéressent tout le monde, même les stars, qu’ils font danser, rire, parler. Bref, qu’ils permettent de se sociabiliser, quand bien même cette image d'Epinal serait artificielle.
Retour à la normale ?
Les Wii U, Xbox One et PlayStation 4 connaissent également des soirées de lancement avec leurs lots de stars, à l’image de Terry Crews, Idris Elba et Joel McHale chez Xbox, mais les géants commencent à lâcher le pied sur les soirées hollywoodiennes remplies de personnalités. Entre-temps, le jeu vidéo est définitivement entré dans le quotidien d’un grand nombre de personnes, et il n’est désormais plus utile de dépenser des dizaines de milliers de dollars en soirées “sélect” pour que des millions de joueurs de tous âges appuient sur “start”.
Sorties en pleine épidémie de Covid-19, les PS5 et Xbox Series X/S sont arrivées sans événement rassemblant des dizaines de stars ou des centaines de joueurs. Cela n’a pas empêché des lancements réussis. L’absence de ces soirées bling bling doit nous rappeler que le jeu vidéo a évolué, et qu’il n’a plus besoin d’événements très médiatisés adorés par la presse people pour attirer sur lui le feu des projecteurs. Oui, les fêtes excentriques sont finies, et pourtant, nous avons des raisons de ne pas (trop) les regretter.