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News jeu Ces jeux vidéo étaient abominables, mais on adorait les détester !
Profil de Pauline LECLERCQ aka « Tiraxa » ,  Jeuxvideo.com
Passionnée de jeux narratifs et d’enquête qui font souvent soupirer les autres, Tiraxa adore découvrir de nouvelles productions indés, tomber sur des anecdotes absurdes à raconter sur papier et parler du dernier film d’horreur nul devant lequel elle a fait sa sieste à ses collègues.

Plaisir coupable des années 1990 à nos jours, le jeu FMV est un trésor de mauvais goût qu'il est parfois bon de restaurer, pour notre simple bonheur.

Ces jeux vidéo étaient abominables, mais on adorait les détester !
74 798 vues

Ces jeux vidéo étaient abominables, mais on adorait les détester !
Plumbers Don't Wear Ties, 1993
Il y a quelques semaines, la vue d’un communiqué de presse tout à fait singulier envoyé par l’éditeur Limited Run Games m’a fait sourciller. Il annonçait la disponibilité du remaster de Plumbers Don't Wear Ties, une production au nom parfaitement équivoque qu’on ne saurait prononcer à voix haute sans une once de gêne. La lecture des prochaines lignes du courriel n'est qu’encore plus déconcertante : “Réputé pour être l'un des pires jeux jamais sortis, l'équipe de développement de Definitive Edition a fait le choix de ne pas se contenter de porter un mauvais titre, mais d'améliorer, de mettre à jour et de contextualiser Plumbers Don't Wear Ties de manière à apporter un éclairage nouveau sur le jeu publié sur 3DO. Le résultat est le meilleur remaster du pire jeu jamais réalisé”. Si vous n’êtes pas familier avec ce pur chef-d'œuvre des années 90 (et peu de gens le sont réellement), Plumbers Don't Wear Ties est un film interactif pour adultes dont seule l’introduction est un film. Le reste n’est qu’une pauvre succession d’images fixes sur lesquelles posent des acteurs de seconde zone articulant machinalement les répliques auditives d’un scénario aussi bancal qu’une série B de mauvais goût diffusée sur M6. C’est ainsi que vous entendrez le personnage de John lâcher lamentablement : "Woah ! Il est 8 heures et je vois un 10/10 ! Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour faire sa plomberie !" à la vue de Jane, héroïne malmenée tout au long d’un point’n click à peine remasterisé mais pourtant vendu le prix fort (vingt euros) sur une flopée de plateformes. Des acheteurs, il y en aura, parce que Plumbers Don't Wear Ties fait écho à une époque très précieuse, celle des mauvais FMV, ces productions hors du temps bourrées de clips pré-enregistrés et mal joués, qui équivalent un peu à ce que le film The Room représente pour le cinéma : un exécrable navet que l’on adore détester.

Ci-dessous, une critique vidéo de Cinemassacre au sujet de Plumbers Don't Wear Ties qu'il serait bien dommage de manquer.

L'âge doré de Night Trap

Ces jeux vidéo étaient abominables, mais on adorait les détester !
Dragon's Lair, 1983

Les plus néophytes pourraient croire les jeux en full motion video nés des nuisettes en satin et leggings moulants des héroïnes mal écrites de Night Trap, mais c’est véritablement sur les écrans des bornes d’arcade que le procédé puise ses origines, en 1983 précisément, l’année maudite du jeu vidéo (krach de 1983). Sega sort ses LaserDiscs d’Astron Belt sur le marché, un jeu de vaisseau spatial qui emprunte ses images aux films A Message From Space, un rip-off de Star Wars, et à Battle Beyond the Stars. Publié au coude-à-coude : Dragon's Lair, une prouesse de Cinematronics faite de véritables séquences d’animation, mise à mal par un gameplay aussi frustrant que limité. Space Ace, Cobra Command, Mad Dog McCree et son vieillard grincheux de Far West… l’offre gonfle dans les salles d’arcades, mais c’est véritablement le Mega CD de Sega qui signe l'avènement de la FMV en 1990, et sa courte heure de gloire. Les progrès techniques en matière de stockage et de compression numérique encouragent certains développeurs à considérer les vidéos préenregistrées comme une évolution naturelle pour le médium, laquelle dynamiserait les sprites et les modèles polygonaux trop classiques. Il est encore bien trop compliqué d’afficher de la 3D sur les écrans, alors l’avenir des jeux vidéo n’est-il pas pour l’instant aux films ?

Night Trap, 1992

Ces jeux vidéo étaient abominables, mais on adorait les détester !

Ni une ni deux, SEGA appelle un certain Tom Zito et lui demande en 1992 de sortir de ses cartons un vieux projet qu’il gardait à l’époque pour sa Control-Vision, concept novateur mais avorté d'une console à cassettes VHS : Night Trap (et le plus méconnu Sewer Shark avec), qui prenait lentement la poussière depuis un développement lancé en 1986 puis avorté, faute peut-être d’argent et d’audace. L’éditeur Digital Pictures embauche une actrice d’Arnold et Willy pour le tournage, Dana Plato, qui donne la réplique à une poignée d’autres comédiens plus anonymes. L’histoire est celle de cinq ados en petites tenues et en proie à une invasion de vampires alors qu’elles séjournent dans une maison de campagne. Le titre remplit la case interactivité en laissant des caméras à contrôler à la guise du joueur, qui fait ici office de sauveur, ou de voyeur selon les points de vue. Les prestations sont exécrables, l’écriture est aussi mauvaise que l’on pourrait l’imaginer sans même avoir joué, mais Night Trap va faire scandale à sa sortie pour une tout autre raison : une présumée violence, à peine visible à l’écran. Quand le joueur n'arrive pas à sauver ses héroïnes, l’ennemi exécute sa proie, laissant ce premier davantage heurté pas les affreux cris stridents des victimes que par l’absence complète de sang. Mais dans cette Amérique déjà troublée par les fatalities d’un certain Mortal Kombat, le média effraye jusqu’à pousser les démocrates à se précipiter au Sénat pour y entamer de longues audiences. “Comme le Grinch, ces jeux vidéo violents menacent d'enlever à cette période des fêtes de fin d'année son caractère bienveillant”, y lâche le sénateur Joseph Lieberman, qui menace quant à lui toute l’industrie de réguler ses productions à sa place si elle ne le fait pas. C’est ainsi que naît l’ESRB, qui décerne son premier M for Mature au jeu de combat d’Ed Boon.

Ces jeux vidéo étaient abominables, mais on adorait les détester !
Myst, 1993

Ce n’est pourtant pas le faux scandale de Night Trap qui mènera les jeux en full motion video à leur perte, mais plutôt leur manque de qualités évident qui deviendra bien trop manifeste à mesure que des éditeurs formatés distribuent les mêmes dizaines de nanars mal joués et à peine amusants. Beaucoup diront que les graphismes d’un soft ne doivent véritablement servir que de moteur immersif, de support pour mieux intégrer le gameplay, chose dont manquent naturellement ces expériences en FMV ; Tout le potentiel des titres ne peut alors reposer que sur le scénario qui, s’il s’avère bancal, ruine la partie entière. Pourtant de bons exemples, il y en a. En 1993, le cultissime jeu d’énigme Myst ne faisait des clips pré-enregistrés qu’une mince portion de son contenu, mais ils sont devenus si populaires que lorsque Cyan Worlds les a remplacés par de vilaines images de synthèse dans un remaster sorti en 2021, les fans les ont convaincus de restaurer les visuels d’origine via une option. Mais la plupart des développeurs d'époque ne savent pas utiliser le procédé avec parcimonie. Et une fois les consoles devenues assez puissantes pour calculer la 3D, les CD de FMV bidons sont rangés au placard pour accueillir les polygones plus divertissants de Mario, Luigi et Lara Croft.


Même Spielberg fait de la FMV

Night Trap ouvre la voie à toute une flopée d’expériences de mauvais goût, remettant parfois sur le devant de la scène une célébrité sur le déclin, comme le ferait Danse avec les Stars avec nos vedettes locales. Corpse Killer de 1994 est un autre exemple notable de médiocrité, avec ses effets spéciaux complètement lunaires et son intrigue de zombies qui tombe à plat. Harvester, de 1996, illustre une violence graphique à faire pâlir les sénateurs américains et une histoire dénuée de la moindre subtilité. Double Switch, en 1993, est un bon exemple de performances à ne pas reproduire, centrée autour d’une histoire d'immeuble infesté de pièges mortels. Citons aussi par principe Phantasmagoria, The X-Files Game, The 11th Hour, Spycraft, Under a Killing Moon et bien entendu The Beast Within : A Gabriel Knight Mystery et son doublage mémorable.

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Gabriel Knight 2: The Beast Within

Ces jeux vidéo étaient abominables, mais on adorait les détester !

Pour vous dire à quel point le procédé rencontre une effervescence folle dans les années 90, même Spielberg s’essaie à l'exercice de la full motion video, en 1996 précisément. Le cinéaste enregistre les images de sa Director's Chair, un jeu sur CD-ROM conçu en collaboration avec Knowledge Adventure et DreamWorks Interactive. L’expérience simule le processus de réalisation d'un film et consiste en une succession de séquences que le joueur doit choisir en préproduction, lesquelles sont commentées par les conseils avisés de Spielberg. Une sorte de masterclass interactive donc, censée inspirer de jeunes étudiants, qui se paye même le luxe d’avoir dans son casting Jennifer Anniston, qui racontera plus tard que le projet était un "truc de dernière minute" : "Je faisais quelque chose à New York, et mon agent m'a appelée pour me dire que Steven m'avait demandée". L’actrice donne la réplique au non moins célèbre Quentin Tarantino qui campe le rôle d’un prisonnier dans le couloir de la mort tandis qu’Anniston incarne sa petite amie, lancée dans une folle course contre la montre pour prouver son innocence.Vingt-quatre ans plus tard, le développeur et enseignant italien Paolo Pedercini met au point une toute nouvelle version de Steven Spielberg's Director's Chair qui redouble d’interactivité, le joueur pouvant cette fois décider en temps réel des actions de Tarantino et d’Anniston, tout en influençant l’atmosphère comique ou non d’une séquence. L’expérience est désormais plus proche d’un Bandersnatch sur Netflix, mais l’acting de Tarantino, lui, n’a pas perdu de sa superbe. Le magazine Computer Gaming World - qui accorde au jeu original la note de 2,5/5 en le réservant aux "fans inconditionnels de Spielberg seulement" - écrivait à ce propos :

La raison pour laquelle Quentin Tarantino a été choisi comme l'un des "acteurs" de ce jeu est un mystère... Auteur superbe et réalisateur prometteur, le style idiosyncrasique de Tarantino se retrouve rarement dans son interprétation... Parfois, il est carrément pénible à regarder.

C’est pour cette unique raison qu’il s’agit d’une expérience à ne pas manquer, et je vous ai pour cela glissé un lien jouable dans le tweet ci-dessous.


Le meilleur du nanar des années 90

Ces jeux vidéo étaient abominables, mais on adorait les détester !
Kinoautomat, 1967

Mais pourquoi diable vouloir faire revenir un procédé qui a prouvé maintes fois être terriblement mauvais ? Le romantisme, selon Pedercini, qui confie ses mots à Motherboard dans un courriel : "C'est un concept qui semble refaire surface de manière cyclique et qui ne parvient pas à rattraper le temps perdu à chaque fois. Il y a quelque chose de romantique là-dedans. Il est également intéressant de voir comment les stratégies méta narratives, les choix 'illusoires' et les thèmes autoréférentiels sur le libre arbitre et la culpabilité que l'on retrouve dans Black Mirror : Bandersnatch ont déjà été explorés par le tout premier film interactif de 1967, Kinoautomat". Référence ici faite à Kinoautomat, un film interactif tchèque novateur de Radúz qui invitait le public à voter sur les choix que le héros devait faire en levant des cartons de couleur correspondant à différents embranchements.

Pedercini n’est pas le seul à dépoussiérer ces curiosités d’antan. Certaines entreprises font de la nostalgie un véritable fonds de commerce. En 2017, Screaming Villains remasterise Night Trap quand Game Refuge et Galloping Ghost Productions ressortent du placard un jeu annulé dans les années 80 : The Spectre Files : Deathstalker, lequel vous glisse dans le rôle d’Ed Spectre, un détective à l'esprit vif qui s'occupe du cas de disparition d’une certaine Buffy McGuffin. Aussi Ziggurat et Empty Clip se sont associés pour restaurer et remastériser American Hero, un jeu également annulé qui commentait le ridicule des tropes d'action des années 80. Le protagoniste, Jack Devon, s'y voit informé qu'une attaque chimique est planifiée par Kruger, un ancien ennemi juré.

American Hero

Ces jeux vidéo étaient abominables, mais on adorait les détester !

Mais pourquoi les mauvais jeux en FMV ont aujourd’hui autant la côte auprès d’une certaine communauté, et pourquoi tous ces gens aiment en consommer tout en sachant pertinemment qu’ils sont abominables ? La raison est peut-être la même que celle pour laquelle j’ai développé un jour une étrange obsession pour tous les épisodes de cette vieille telenovela mexicaine médiocre baptisée Rosalinda : un certain goût discutable pour le kitsch, difficilement assumé, et une appétence pour les contenus si nuls qu’il prêtent à rire, et dont on adore se rappeler lors de conversations devant la machine à café. Personnellement, mon amour pour les mauvais jeux en FMV est en grande partie conceptuel, j'apprécie simplement savoir qu’ils existent.

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Le meilleur du FMV d'aujourd'hui

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IMMORTALITY

Évidemment, il serait intolérable d’achever cet article sans même la mention de quelques excellents jeux en full motion video sortis ces dernières années, qui, sans populariser totalement le procédé, lui rendent ses lettres de noblesse. Citons bien sûr le plus prévisible : la ludothèque de Sam Barlow, où trône avec une grâce divine le tout récent Immortality, un chef-d’œuvre d’une densité narrative incroyable porté par l’incarnation presque mystique de l’actrice Manon Gage, laquelle campe une comédienne disparue après avoir tourné dans trois longs-métrages annulés. Le joueur doit dénouer le fil d’un récit imagé complètement entremêlé ; un concept similaire au formidable jeu d’enquête Her Story, centré sur l’interrogatoire d’une jeune femme dans l’affaire de son petit-ami disparu. Deux expériences qui équivalent à ce qu’aurait pu être un bon Night Trap. Autre favori toujours très actuel : Not For Broadcast, titre qui vous place aux commandes de la régie d’un journal télévisé absurde à l’humour parfaitement anglais. Contrairement aux années 1990, les jeux FMV sont aujourd’hui plutôt niches, mais ils ont le mérite d’être parfois très bons.

Commentaires
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MUSK-LORE MUSK-LORE
MP
Niveau 10
le 25 mars à 10:26

Mon jeux favoris en FMV: les phantasmagorias.
n'est ce pas les ratounets ?
les anciens comprendrons...

Lire la suite...
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