Encore tabou aujourd'hui, la pornographie touche tous les types de médias. Le jeu vidéo ne fait pas exception : en témoigne la nette augmentation de la publication de jeux à contenu adultes sur la plateforme Steam. Quelque chose qu'on tente d'expliquer à l'aide de nombreux facteurs.
Par défaut, les utilisateurs de la plateforme Steam ne peuvent pas voir les jeux au contenu à caractère sexuel. Un réglage à modifier dans les paramètres dans la boutique du magasin de Valve puis c'est une orgie de contenu qui défile devant les yeux de l'utilisateur. Simple illusion ou constat bien ancré dans la réalité ? On a tenté d'y répondre avec cet article en revenant sur les chiffres partagés sur ce type de jeu tout en expliquant d'où ils viennent et pourquoi ils rencontrent un tel succès.
Sommaire
- Des jeux pour adultes en constante augmentation
- Nintendo et Sony qui laissent leur place
- Des coûts bas et une excellente rentabilité
- Un succès indéniable chez les joueurs
Des jeux pour adultes en constante augmentation
Dans les années 80, les publicités suggestives voire érotiques étaient légion. Des promotions de titres qui ne pourraient certainement pas voir le jour aujourd'hui mais qui ne signifient pas pour autant la fin de l'existence des jeux au contenu sexuel explicite. En témoigne la prolifération de jeux de type Adulte, Not Safe for Work, Hentai, Mature ou encore comprenant de la nudité et/ou un contenu réservé aux adultes.
Attention toutefois : les jeux sont catégorisés par les utilisateurs via les tags (Aventure, Action, Sport mais aussi Adulte par exemple). Il arrive parfois donc que certains titres soient identifiés comme matures voire ayant du caractère à contenu sexuel alors qu'ils n'en font pas leur gameplay principal. On pensera notamment à The Witcher 3, Cyberpunk 2077 et plus récemment High on Life. Toutefois, ils ne devraient pas en constituer la majorité. De quoi se baser sur les données de SteamDB :
Depuis 2015 donc, le catalogue de jeux Steam ne cesse d'accueillir des jeux destinés aux plus de dix-huit ans. Ce n'est pas vraiment surprenant dans la mesure où c'est aussi un constat que l'on peut faire pour tous les titres de la plateforme de Valve. Quelque chose qui s'explique, au moins à partir des années 2018. Il y a quatre ans, Valve décide de lever plusieurs barrières à l'entrée concernant les joueurs et annonce SteamDirect : un nouvel outils afin de faciliter la publication des jeux sur Steam par les développeurs. Avec ce programme est jointe une actualisation des règles et recommandations à suivre pour espérer voir son propre jeu être publié. Parmi ces 13 consignes, il y en a deux qui retiennent l'attention :
- 2. Des images sexuellement explicites de personnes réelles ;
- 3. Du contenu pour adultes non identifié comme tel et ne faisant pas l'objet d'une limite d'âge.
Si cette réglementation permet d'encadrer les studios et les développeurs sur le contenu autorisé sur Steam, il est souvent nécéssaire de faire du cas par cas. Quelque chose qui exige beaucoup de ressources et qui peut provoquer de la confusion chez les joueurs, les développeurs, mais aussi chez les employés de Valve. En 2018, Erik Johnson de Valve se fend d'un communiqué expliquant autoriser un plus grand nombre de jeux.
En gardant ce principe à l'esprit, nous avons décidé que la bonne approche était d'autoriser tout ce qui se trouve sur la boutique Steam, à l'exception des éléments que nous jugeons illégaux ou qui relèvent carrément du troll (qui cherche à générer des polémiques, ndlr).
Une initiative qui tranche bien avec les discours précédents de l'entreprise à l'origine de la plateforme. En 2012 par exemple, Valve intègre le système de Greenlight à la plateforme : un système qui permet de proposer des nouveaux jeux sur la plateforme avec comme simple prérequis d'être validé par les joueurs. Comme attendu, plusieurs titres affichant du caractère à contenu sexuels sont proposés. Ils sont instantanément retirés, quelque chose à l'époque justifié par le porte-parole Doug Lombardi : "Steam n'a jamais été une destination de premier plan pour le contenu érotique". Entre 2012 et 2018 donc, la politique de Valve concernant ces jeux adultes n'est jamais vraiment claire (en témoigne cet article de Kotaku) et il faut attendre 2015 pour voir définitivement émerger ce genre de titres.
Nintendo et Sony qui laissent leur place
Une politique qui ne semble jamais fixée dans le marbre en ce qui concerne également les constructeurs. En tête de liste, c'est Nintendo qui change d'avis plusieurs fois à ce sujet. Aux dernières nouvelles, le doyen des constructeurs (Big N a fêté son 133e anniversaire en septembre dernier) semble être réticent à la publication de contenus trop osés. C'est le développeur de jeux érotiques Gamuzumi qui témoigne sur Twitter en 2022 avec la déclaration suivante :
Nous avons reçu une réponse de Nintendo et nous avons maintenant une confirmation qu'ils n'autorisent pas les seins non censurés sur leurs consoles maintenant. En gros, un contenu obscène pourrait nuire à la marque et enfreindre ses politiques. Cela signifie que désormais, tous les jeux présentant des seins nus doivent être censurés et c'est pourquoi notre jeu (Hot Tentacles Shoot) a été rejeté en premier lieu.
Une censure qui n'a pas toujours été d'actualité pour le constructeur de la Nintendo Switch. En 2019, c'est le président de la firme de Kyôto qui veut encourager la publication de jeux matures sur la console hybride. Il estime même que si les "constructeurs venaient à choisir arbitrairement", cela pourrait compromettre la diversité et la liberté apportées par le jeu vidéo.
À l'époque, ces propos sont directement considéré comme une pique à Sony qui ressort d'une polémique à cause de sa censure sur Devil May Cry 5. Le constructeur de la PlayStation a fait l'objet de débats enflammés en 2019 à cause d'un trait lumineux : ce dernier, apporté par un patch le jour du lancement, masquait grossièrement les fesses nues des deux héroïnes sur les versions occidentales. Un ajout qui a alors interrogé : faut-il censurer les jeux déjà classifiés comme mature par les autorités compétentes ?
Cette initiative de Sony, de limiter les contenus explicites sur ses plateformes, est justifiée par l'intéréssée comme une manière de "ne pas inhiber le développement et la croissance des plus jeunes" sans toutefois "priver la possibilité pour les créateurs de jeux vidéo". Une censure qui arrive par peur, à l'époque, de voir Sony "être la cible d'un mouvement social et judiciaire" selon un représentant américain de l'entreprise. Toutefois, cette politique ne date pas de 2019. En 2018, Sony avait déjà fait parler de lui pour son traitement concernant le jeu Senran Kagura Burst Re:Newal. L'éditeur XSEED avait souhaité "respecter la volonté du propriétaire de la plateforme" qui avait été contraint de supprimer le mode Intimacy : un mode de jeu qui permettait d'interagir avec les différentes parties du corps des personnages, habillés ou non. Un mode qui n'avait pas fait l'objet d'une censure lors de sa sortie (au même moment) sur Steam.
Enfin, il faut aussi souligner quelque chose qui peut rentrer en ligne de compte. Les boutiques numériques liées aux consoles actuelles font souvent l'objet d'une attention plus forte par les parents lorsqu'il s'agit de leur enfant, surtout s'il est mineur. À l'inverse, les PC sont moins souvent utilisés comme des consoles familiales et les contrôles d'âge et vérifications sont très faciles à contourner pour n'importe quel ado ayant grandi à l'ère numérique.
En tout état de cause, et ce malgré la dématérialisation grandissante du jeu vidéo laissant présager une disparition du média sous format physique, les constructeurs de consoles semblent de plus en plus frileux quant à l'accueil de jeux explicites sur leur plateforme. Dès lors, les éditeurs n'ont plus l'embarras du choix pour publier leur contenu.
Des coûts bas et une excellente rentabilité
L'une des raisons pour lesquelles Steam affichent de plus en plus de jeux vidéo à contenu sexuel est donc expliquée par le fait qu'elle reste l'une des seules plateformes populaires à accepter ce genre de titres (selon certaines règles déjà évoquées ci-dessus). L'une des autres raisons est bien évidemment le succès engendré par ce type de jeux. De fait, s'il n'y avait pas un public amateur de titres à contenu sexuel, plusieurs éditeurs ne se fatigueraient pas à jouer sur ce tableau. Or, la pornographie marche : en témoignent le chiffre d'affaires de Mindgeek (groupe propriétaire de Pornhub, RedTube, Youporn, Xtube...) avoisinant le milliard de dollars canadien de chiffre d'affaires et affichant 115 millions de visites quotidiennes.
Un succès dont s'inspire certains développeurs et éditeurs qui y voient une manne financière : certains réinventent des jeux connus de tous (solitaire, mahjong, puzzle...) en y ajoutant de la nudité. D'autres poussent le bouchon encore plus loin en proposant dans des contenus supplémentaires payants comprenant la version réservée aux plus de 18 ans, comme pour la saga Nekopara qu'on aborde brièvement dans les lignes qui suivent. Quelque chose qui peut être rentable : les coûts de développement et de ressources sont très bas ce qui, sur le papier, permet d'atteindre le seuil des bénéfices très rapidement.
Ce procédé se retrouve également dans les jeux de type visual-novel : des romans interactifs qui mettent l'accent sur le scénario. Ils sont souvent des jeux de drague, les plus connus étant Fate/Stay Night ou encore Doki Doki Litterature Club. Qui dit jeux de drague dit scène érotiques voire hentai : un terme utilisé pour désigner les mangas à caractère pornographique, même s'il veut à l'origine dire perversion, déformation. Il n'est pas rare qu'une intrigue touchante soit intégrée à des scènes +18, en témoigne la lecture de certains commentaires sur Internet (notamment le forum F95Zonbe) dont leur auteurs indiquent avoir pleuré en ayant joué à certains titres comme le jeu Acting Lessons : si "seulement" 4,465 évaluations ont été laissées sur le jeu, elles sont en moyenne extrêmement positives. C'est d'ailleurs certaines évaluations qui mentionnent avoir été surpris par le rythme et l'histoire du jeu qui ont tenu en haleine ses joueurs.
Un succès indéniable chez les joueurs
Il faut reconnaître que les preuves du succès de ces jeux à contenu explicite ne manquent pas. Plusieurs titres ont mobilisé plus de 10 000 évaluations dont la moyenne est souvent très positive. En témoigne Subverse, l'un des plus gros succès de Steam lors de son lancement (il n'a été dépassé que par Valheim). Certains joueurs ne se cachent pas d'être venu pour le contenu adulte et c'est peut-être bien pour ça que ces titres sont plébisictés. En témoignent également la saga des Nekopara. Quatre volumes sont disponibles, tous disposant d'évaluations en moyenne extrêmement positives avec plus de 20 000 pour le premier chapitre.
'''En tout état de cause, les contenus pornographiques, adultes, à contenu sexuel ou +18 (appelez-les comme vous voulez) continuent d'arriver sur Steam et 2023 ne semble pas déroger à la règle. Un constat que l'on peut tenter d'expliquer par le refus progressif des constructeurs dits traditionnels (comme Sony et Nintendo) d'accueillir sur leurs boutiques ce type de jeu, laissant Steam comme l'une des seules plateformes populaires n'étant plus (trop) regardante sur les contenus qu'elle accueille.
D'un autre côté, cette abondance de jeux s'entretient par le succès rencontrés par certains de ces titres. Quelque chose qu'il est là, plus difficile d'expliquer, puisque l'appréciation de chacun va varier. Néanmoins, si certains joueurs assument être là pour le contenu adulte, d'autres sont restés pour le côté divertissant, les personnages parfois attachants et/où le scénario intrigant. Des caractéristiques qui priment sur la thématique quand il s'agit de jeux vidéo.'''
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