Alors que de nouvelles rumeurs ne cessent d'arriver sur l’attendu Assassin’s Creed au Japon, je n'ai qu'un jeu AC en tête. Il n’est pas comme les autres et j'attends bien plus ce jeu qu’Assassin’s Creed Red.
Cet article est un billet d’opinion, il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV.
Assassin’s Creed Red, le jeu le plus attendu ?
Un Assassin’s Creed au Japon, c’est le rêve de nombreux fans depuis des années. Il faut dire que le Japon féodal fascine et pas qu'un peu. Le pays des samouraïs possède une histoire riche dont de nombreuses œuvres se sont inspirées. Les Sept Samouraïs, Harakiri, The Samurai, Samouraï Jack, Le Dernier Samouraï, Le Samouraï du crépuscule, Zatōichi, Kubi… Et le succès récent de la série Shogun sur Disney+ le montre une nouvelle fois : le Japon féodal a encore la côte. Et c’est vrai aussi dans le monde du jeu vidéo. Entre les titres passés, Sekiro Shadows Die Twice, Nioh, Trek to Yomi, Samurai Warriors, Ghost of Tsushima et tant d’autres, et ceux à venir, comme Rise of the Ronin, il y a de quoi faire. Et bien sûr, il y a Assassin's Creed Codename Redqui ne devrait plus trop tarder à pointer le bout de son nez. De quoi combler la longue attente des fans qui vont enfin voir leur rêve prendre vie autrement que via des trailers fanmade.
Cela est d’autant plus savoureux que le projet revient de loin. Ubisoft s’est pendant longtemps refusé l’idée de céder à cet appel tenace. Pourtant, les discussions autour d'un potentiel AC au Japon, elles remontent à une quinzaine d'années, même au sein d'Ubisoft . Dès 2009, le développeur Philippe Bergeron dévoile quelques insides sur le choix de l’époque pour Assassin's Creed III, alors en préparation. Et déjà, le Japon féodal sonne comme un choix intéressant : “Il y a deux choses qui nous viennent à l'esprit : il y a l'Europe médiévale, dans laquelle il pourrait être très intéressant de jouer une histoire durant l'époque du Roi Arthur. L'autre choix, qui est le choix préféré d'un grand nombre de gens, serait le Japon féodal, qu’il serait très intéressant de faire découvrir culturellement aux joueurs.” Mais c'est surtout à partir de 2014 que l'ombre d'un AC au Japon va se faire plus forte. Cette année-là, plusieurs membres des équipes d'Ubisoft (Jean Guesdon et Jade Raymond notamment) vont commenter cette hypothèse, de façon plus ou moins enthousiaste. Mais plus tard dans l’année, on pouvait entendre Alex Hutchinson, creative director sur Assassin’s Creed III puis Far Cry 4, balayer cette possibilité :
Assassin's Creed est l'un de ces jeux qui peuvent choisir des moments moins connus de l'histoire, des moments clés de l'histoire du monde, et les rendre cool, amusants et rafraîchissants. [...] Le Japon féodal fonctionnerait très bien, c'est clair, mais je crois que cela donnerait une impression de... "Hey, est-ce que je n'ai pas déjà joué à ça", vous voyez ce que je veux dire... "Oh, j'ai déjà été un ninja avant", "j'ai déjà été un samurai".
Et de ce que l’on entend en ce moment, il y aura un air de déjà vu du côté de l’attendu Assassin’s Creed Red. C’est du moins ce qu’explique Tom Henderson d’Insider Gaming, qui aurait réussi à dénicher pas mal d’informations sur le jeu. Comme pour Assassin's Creed Syndicate (ou alors un système de choix à la Assassin's Creed Odyssey, on serait face à un duo de personnages, à savoir Naoe et Yasuke. Ce dernier nom, il n’est pas inconnu. C’était en effet un esclave noir devenu samouraï dont l’histoire a également inspiré plusieurs œuvres. Côté combat et structure, on devrait retrouver quelque chose de semblable à Assassin's Creed Valhalla, malgré quelques particularités (plus de gore et d’infiltration paraît-il). Et pour le coup, cet opus m’est un peu tombé des mains. Je l’ai un peu fini parce que je me sentais obligée de le faire, licence de cœur oblige. Et aussi alléchante peut paraître l’idée d’un AC de ce genre en plein Japon féodal, ça ne m’attire au final pas plus que ça. Et c’est très certainement parce que le prochain jeu AC qui me fait vibrer depuis son annonce - en même temps que Red d’ailleurs -, c’est Assassin's Creed Codename Hexe !
Assassin’s Creed Hexe, un jeu différent ?
C’est en effet lors du live des 15 ans de la licence qu’Ubisoft nous a dévoilé un court teaser pour Assassin’s Creed Hexe. La boîte nous vendait alors le titre comme “un différent genre de jeu Assassin’s Creed”, aussi bien en termes de gameplay que de structure. Forcément, ça a automatiquement titillé ma curiosité. Dans un monde où on reproche continuellement à la licence de se reposer sur ses acquis et de ne pas sortir des sentiers battus, comment ne pas voir d’un très bon œil l’annonce d’un projet un peu différent ?
Surtout que contrairement à d’autres propositions différentes de la franchise, comme Assassin's Creed Chronicles par exemple, Hexe est en développement chez le studio qui chapeaute la plupart des opus de la licence depuis ses débuts, Ubisoft Montréal. Sur le papier, ça promet ! Le titre s’annonce donc aussi ambitieux que les opus principaux de la licence. Selon Yara Tabbara, chargée de recrutement chez Ubisoft Montréal justement, Hexe “laissera une marque durable dans l'histoire de la franchise”, rien que ça ! Et puis, les seules images que l’on a du jeu laissent présager un titre aussi cryptique que sombre. Que ce soit au niveau de la forme comme du fond, Hexe m’intrigue plus qu’un Red. Mais ce qui a transformé ma petite curiosité en véritable intérêt, c’est le contexte supposé de ce nouvel opus.
En pleine période de chasse aux sorcières. Pas forcément Salem, mais pourquoi pas en Allemagne ou en Finlande pour changer de décor
— meakaya | yaël (@meakaya) September 2, 2022
Une plongée au cœur de la sorcellerie ?
Peu de temps avant le direct spécial 15 ans d’Assassin’s Creed, je me rappelle avoir moi-même répondu à la fameuse question “quelle période voulez-vous voir dans le prochain Assassin’s Creed ?” Et j’avais dit : la chasse aux sorcières, cette période pendant laquelle des dizaines de milliers de personnes (principalement des femmes) ont été traquées, mutilées et/ou exécutées car elles étaient accusées de sorcellerie. Cette période, qui ne se résume pas au fameux procès de Salem, c’est un pan de l’Histoire et surtout une imagerie qui me parlent tout particulièrement. Car en tant que femme qui s’intéresse un peu aux mouvements et théories féministes, je vois cette période de l’Histoire sous un prisme un peu particulier : il y a quelque chose qui relève du rapport de genres dans cette triste période et les comptes-rendus qui ont suivi. Comme l’écrit Christina Lamer, , “la sorcellerie n'était pas spécifique au sexe mais elle était liée au sexe. {...} Les femmes qui étaient accusées étaient celles qui remettaient en cause la vision patriarcale de la femme idéale.” Un point que reprend l'historienne Alison Rowlands dans son travail pourtant plus modéré que d’autres sur la question : “Le genre influençait tous les aspects de la sorcellerie et des procès en sorcellerie aux Temps Modernes.” Loin de moi la prétention de vous faire un cours d'Histoire ici, mais il suffit de jeter un œil au contenu du Malleus Maleficarum, véritable guide de lutte contre les sorcières très en vogue à l’époque, pour comprendre que l’idée était, au moins en partie, de s’attaquer aux femmes ne respectant pas les carcans de la société de l’époque.
Notre rapport à cette partie de l’Histoire a beaucoup évolué au cours du temps. Si elle a tout d’abord beaucoup été conté “du point de vue des bourreaux”, comme l'explique Mary Daly, elle a commencé à s’inscrire dans une vision plus féministe dès le 19e siècle. Depuis, cette analyse historique et en même temps contemporaine a été reprise dans des livres tels que Caliban et la sorcière de Silvia Federici ou Sorcières la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet. Dans ce dernier, l’autrice explique notamment comment certains archétypes pourchassés à cette époque ont perduré “dans nos préjugés et nos représentations” modernes. Cette imagerie de la sorcière, elles pèsent encore contre les femmes et elle est en même temps utilisée comme un moyen de s’émanciper en la détournant de bien des façons. Femme subversive, féminin sacré… Chacun y va de sa propre vision de la sorcellerie moderne, avec toutes les dérives, malheureusement, mais aussi les réflexions intéressantes que cela implique. J’avoue être assez fascinée par ce que la société a fait de la sorcellerie et par ce que la sorcellerie a fait de notre société. Et me plonger, grâce à Hexe, dans cette période qui a tristement initié tout cela, ça me hype au plus haut point. Car oui, selon les rumeurs (mais aussi les déductions assez logiques que l’on peut tirer du nom de code du jeu), le jeu aurait lieu en Allemagne au 16e siècle, plus précisément en pleine chasse aux sorcières.
J’ai certes déjà incarné des sorcières marginalisées dans plusieurs jeux, principalement indépendants. Mais ce qui est intéressant avec l’approche Assassin’s Creed, c’est le travail autour de la reconstitution historique. Alors forcément, s’attaquer à cette période de l’Histoire avec cette licence, c’est loin d’être anodin. Je suis très curieuse de voir comment Ubisoft va choisir de dépeindre la chasse aux sorcières dans Hexe. Il est vrai que je doute que le studio optera pour un jeu radical sur le fond. Et en même temps, difficile d’ignorer tous les débats et symboliques qui se sont construits autour de la période. Vous l’aurez compris, j’espère vraiment qu’Hexe sera à la hauteur du défi et ne proposera pas une aventure lisse et dénuée de parti-pris. Si le titre doit être différent, j’espère donc qu’il le sera aussi bien sur la forme que sur le fond.
Et non, je vous vois venir, il ne suffira pas d’un protagoniste féminin pour assouvir mes attentes. Les rumeurs sur Hexe parlent en effet d’une certaine Elsa, seule protagoniste de ce nouvel opus. Et ce bruit de couloir, il a bien sûr tendance à faire réagir. Ubisoft ferait pour la première fois le choix de nous forcer à incarner une femme assassin… Alors qu’en réalité, ce n’est absolument pas la première fois. Aveline de Granpré dans Libération, Evie Frye dans Syndicate, Shao Jun dans Chronicles : China et toutes les versions féminines des derniers opus… La plupart des gens jouent aujourd’hui sur les mots en parlant de “la première femme unique protagoniste d’un opus principal”, mais au final, ce n’est pas tant un événement que ça. Et surtout, ça ne devrait pas l’être. Incarner une femme dans un opus qui parle de chasse aux sorcières, particulièrement dirigée contre des femmes, c’est tout à fait normal, c’est même le strict minimum.
Mais il est vrai qu’Ubisoft s’est montré peu enclin à “forcer” ses joueurs à incarner des femmes dernièrement, même quand la logique le souhaitait. Selon Jason Schreier, ce serait la faute des équipes marketing et créative, à une époque menées par le maintenant bien connu (mais pour de bien mauvaises raisons) Serge Hascoët. Elles auraient non seulement refusé que Kassandra soit le seul personnage jouable dans Odyssey (bien qu’elle soit le personnage canon au niveau du lore) mais également qu’Aya prenne la place de Bayek dans Origins et qu’Evie soit autant mise en avant que son frère dans Syndicate. Pourquoi ? Et bien car ces équipes avaient peur qu'incarner un personnage féminin soit moins vendeur… Forcément, avec cette information en tête, les nouvelles concernant Hexe annoncent un bon (nouveau) départ au final. Ainsi, je veux bien concéder un petit bon point pour Ubisoft, mais j’attends surtout de voir la suite pour espérer l’applaudir.
Among many details I learned while reporting this piece: the developers of Assassin's Creed Odyssey wanted Kassandra to be the only playable lead, but Ubisoft's marketing team and creative lead Serge Hascoët wouldn't allow it. Women don't sell, they said. https://t.co/67689QMHbr
— Jason Schreier (@jasonschreier) July 21, 2020
Vous l’aurez compris, j’attends beaucoup d’Assassin’s Creed Hexe. Et comme souvent quand on attend beaucoup un jeu, j’ai placé la barre assez haute. Mais je ne désespère pas de voir Hexe nous proposer quelque chose de radicalement différent, un peu sur la forme, beaucoup sur le fond. Voilà pourquoi la promesse d’Hexe a pour l’instant réussi à gagner la bataille contre celle de Red à mes yeux. J’ai préféré le chapeau de sorcière au katana du samouraï. Reste à voir si la magie sera vraiment au rendez-vous le jour J.