Quand nous évoquons FromSoftware, nous pensons immédiatement à Dark Souls, Bloodborne ou encore à Elden Ring. Pourtant, il fut un temps où le studio de développement japonais – qui est reparti avec le trophée de jeu de l’année 2022 – faisait des softs à la qualité discutable. Embarquez dans vos mechas et foncez à 88 miles à l’heure… nous retournons dans le passé des consoles Xbox.
Sommaire
- De gros robots, une grosse manette
- Toujours de gros mechas, mais cette fois-ci, la manette, c’est vous !
- Se battre pour jouer
De gros robots, une grosse manette
C’est lors de la conférence E3 Xbox du 16 mai 2001 que Capcom confirme son soutien à la machine de Microsoft en dévoilant l’arrivée prochaine de trois jeux. Le premier est une version retravaillée d’Onimusha, le deuxième est Dino Crisis 3, tandis que le dernier, présenté comme un simulateur de robots, se nomme Brain-box. Peu d'informations filtrent à l’époque, si ce n’est que Shinji Mikami est impliqué (en tant que General Producer). Ce n’est qu’un petit peu plus tard que la presse commence à s’intéresser franchement à cette drôle de production, et ce pour une bonne raison. Désormais baptisée Steel Battalion (Tekki au Japon), cette exclusivité Xbox promet une expérience sans précédent : celle de donner l’impression à l’utilisateur de se retrouver dans un véritable cockpit de mecha. Le rêve de beaucoup de joueurs du début des années 2000, biberonnés aux Evangelion, Gundam et autres Goldorak à la télévision.
Pour transporter les pilotes dans les entrailles d’un gigantesque robot, Capcom s’autorise une grosse folie, celle de créer un contrôleur dédié au soft doté d’une quarantaine de boutons (!), de deux joysticks, d'un levier de vitesse et de trois pédales au sol. Les Japonais, qui ont pourtant fait entendre leur mécontentement quant à l’énorme manette américaine de la Xbox, ont finalement construit le pad le plus imposant de la machine de Microsoft avec ses 88cm de longueur pour 26cm de largeur ! Dans cette station immersive imposante, le joueur part au combat comme s’il était aux commandes d’un mecha. Il doit enclencher une série d’interrupteurs pour démarrer l’engin, écraser l’accélérateur pour avancer, diriger finement la cible avec un stick situé sur le manche gauche pour cibler les adversaires, tourner un potar Tuner afin de changer de fréquence radio... Jusqu'au-boutiste, Capcom est même allé jusqu’à inclure une petite vitre à soulever pour appuyer sur un gros bouton rouge clignotant quand le mecha est sur le point d’exploser. Quand on appuie dessus, on est éjecté du Mech. Si on explose à l’intérieur du robot, alors toutes les sauvegardes sont effacées du disque dur de la console !
Steel Battalion est un jeu “hardcore” à tous les niveaux. Austère dans son interface générale qui remplit une bonne partie de l’écran, disposant de graphismes ternes – surtout comparé à d’autres jeux de mechas de cette époque – il nécessite un long apprentissage et demande de gérer le plus efficacement possible toutes les fonctionnalités de l’engin. Développé par Nude Maker (anciens développeurs de Human Entertainment) en collaboration avec Capcom Production Studio 4 (Dino Crisis, Resident Evil : Code Veronica, Devil May Cry), Steel Battalion sort en 2002 à 200 euros chez nous, et malgré un prix jugé élevé partout dans le monde, il se vend comme des petits pains. Le bouche-à-oreille est bon, et la presse est emballée par les sensations provoquées par l’ultime simulateur de mechas du marché. Il décroche la note maximale chez G4TV, un 9.5/10 chez Game Informer, un 8.5/10 chez EGM ou encore un 8.3/10 chez IGN. Le titre produit par Atsushi Inaba est réédité en 2004 en même temps que Steel Battalion : Line of Contact, une suite orientée 100 % multijoueur en ligne grâce au Xbox Live.
Toujours de gros mechas, mais cette fois-ci, la manette, c’est vous !
Avec un tel concept, à savoir une manette gargantuesque dédiée à une console, Steel Battalion n’avait pas forcément pour vocation à devenir une franchise s’étalant sur de nombreux épisodes. Pourtant, 10 années après la sortie du soft d’origine, un nouvel épisode débarque, cette fois-ci exclusivement sur Xbox 360. Sous-titré Heavy Armor, le jeu surprend par son parti pris. Ici, pas de panneau de contrôle, de joysticks, de manettes des gaz, de pédalier, de bouton d’éjection. Steel Battalion : Heavy Armor se joue avant tout avec Kinect ! En effet, lorsque Capcom découvre les premières démos du capteur de Microsoft, certains responsables estiment qu’il permettra de rendre la licence encore plus amusante, notamment via l’ajout de mouvements que seul l’accessoire peut reconnaître. Atsushi Inaba ayant quitté l’entreprise japonaise, c’est Tatsuya Kitabayashi qui le remplace dans le rôle de producteur.
Il réussit à décrocher une dérogation de Microsoft dans l’utilisation de Kinect. À cette époque, la firme américaine imposait que les développeurs utilisant l’accessoire n’obligent pas les joueurs à se munir d’une manette en cours de jeu. Dans Heavy Armor, le duo pad/Kinect s’impose, et c’est une grande première. À bord du mecha, une partie des contrôles se fait à l'aide du capteur : la poignée de démarrage se situe en bas à droite, et un levier peut être tiré pour évacuer la fumée en cas d'explosion. On peut encore citer le périscope situé en haut du robot ou la fenêtre vers laquelle on se dirige en plongeant ses deux mains vers l'avant. Le pad, de son côté, sert à se diriger et à viser, tandis que les gâchettes donnent l’opportunité de tirer. Pour faire de Heavy Armor un succès, Capcom décide de faire confiance à FromSoftware. Le studio japonais s’est en effet déjà démarqué grâce à son travail sur Chromehounds, Metal Wolf Chaos ou encore sur la série Armored Core.
Se battre pour jouer
Malheureusement, les choix effectués par FromSoftware plombent la maniabilité du jeu au point de le rendre presque injouable. Le mouvement à deux mains pour aller vers l'avant est régulièrement perçu comme un geste à un seul bras et se solde par l'ouverture ou la fermeture du volet. Les tentatives d'accès au panneau latéral nous expédient vers un équipier. Pour faciliter – normalement – les contrôles, chaque élément interactif est automatiquement sélectionné quand on s’en approche. Mais avec autant de leviers et de boutons à l'écran, cela ne fait qu'accroître le risque d’exécuter la mauvaise action. L’autre problème majeur, c’est que Steel Battalion : Heavy Armor est un jeu difficile où la moindre erreur peut être fatale. Or, et comme nous le disions dans notre test à l’époque, des erreurs, on en commet fatalement. Généralement aux plus mauvais des moments.
Steel Battalion : Heavy Armor aurait pu être un bon jeu de guerre à bord d’un mecha si nous ne devions pas nous battre pour jouer. La presse est unanime au moment de sa sortie en 2012 : le titre de FromSoftware édité par Capcom est décevant, voire raté. Sur Metacritic, il est puni par une moyenne de 38/100, ce qui le classe parmi les pires jeux de la septième génération. Oui, même Duke Nukem Forever et le Sonic the Hedgehog de 2006 ont eu une moyenne Metacritic largement supérieure. Ce faux-pas enterre définitivement la licence. Capcom n’essaiera plus de faire revenir la franchise de quelque manière que ce soit, ni sur Wii U, ni sur le Kinect 2.0 de la Xbox One, ni sur PSVR. Dans la jungle, terrible jungle vidéoludique, le simulateur de mechas imaginé par Capcom est mort.