Ces jeux n'existent pas et pourtant, leurs images récoltent quelques centaines de milliers de "j'aime" sur les réseaux sociaux. Quel est ce phénomène bien particulier ?
Petscop, Vermis, Valle Verde… peut-être avez-vous déjà croisé le nom de ces jeux qui ont animé les discussions de forums des années durant, alors même qu’ils n’existent pas. Ce phénomène d’internet est notamment le moteur du compte Twitter thegamesarefake qui attire chaque jour quelques centaines de milliers d’abonnés. Une règle pour apparaître dans le fil de son contenu : créer « un jeu auquel personne ne peut jouer ». Le propriétaire de la page publie ainsi quotidiennement des captures d'écran et de très courts extraits vidéos de jeux vidéo réalistes qui n'existent pas vraiment. Une initiative lancée en 2022 qui a même débouché sur l'ouverture d’une chaîne YouTube éponyme, laquelle se contente de republier les ébauches d’univers parfois étranges et les premiers essais de projets annulés de quelques grands studios. Mais ce sont surtout les créations d’artistes amateurs qui tissent la singularité du phénomène, lesquels choisissent d’illustrer des lignes de dialogues dénuées de contextes, et des paysages qui laissent imaginer des mondes foisonnants.
Credit: @MitchellTurek pic.twitter.com/sO53PsurQk
— This game does not exist (@thegamesarefake) December 30, 2023
Des creepy pasta aux faux artbooks
Thegamesarefake n’est en réalité que l'infime partie d’une tendance particulièrement dense, popularisée entre autres par le partage en ligne des portfolios animés d'artistes populaires et l'avènement de récits comme Petscop, cette série web d’horreur YouTube qui prend la forme d’un let’s play. La chaîne appartient à un certain Paul, qui prétend avoir mis la main sur un jeu PlayStation oublié des années 90. Le joueur commente des parties peu endiablées au cours desquelles il parcourt des environnements sombres dans la peau d’un bipède disgracieux qui se contente de récolter tout un tas de babioles et de croiser des créatures à collectionner. Une expérience somme toute peu extraordinaire jusqu’à ce que Paul rencontre, dans les bas-fonds du jeu, la tombe d’un petit garçon, puis un enfant en larmes, et d’autres découvertes très cryptiques, incluant aussi l'existence d'un personne qui partage des similarités troublantes avec le joueur, et qui ont conduit à la naissance d’une flopée de topics remplis d'hypothèses et d’enquêtes amateurs. Petscope est en fait une sorte de creepypasta illustrée, soit la version internet des récits d'horreur que l’on se raconterait dans le noir à la lueur d’une lampe torche, mais que l’on retrouve désormais sur des forums Reddit, puis dans les vidéos de Squeezie. Il est d'ailleurs le sujet d'une longue série de vidéos de feldup, YouTubeur spécialisé dans l'horreur et les mystères d'internet.
Avant Petscope, il y avait Ben Drowned, une histoire bien connue des amateurs du genre, prenant comme point de départ narratif une cartouche du jeu Majora’s Mask hantée par un jeune fantôme nommé Ben. Celle-ci encouragera la naissance d’une longue lignée de légendes d’internet, parmi lesquelles nous pourrions également citer Valle Verde, autre série d’horreur sur YouTube créée par l’artiste Alluvium qui, lui aussi, illustre les images d’un certain jeu PlayStation perdu qu’il raconte avoir déniché dans une cache du parc écologique de La Plate. L’exploration d’un monde bucolique à la Animal Crossing est durement perturbée par l’intervention de paysages cauchemardesques et de discussions corrompues. La patte, les textures comme les personnages rendent fidèlement hommage à l’ère PlayStation 1, et le contenu regorge de références et sous-textes religieux comme politiques qui là encore, sont un terrain fertile aux discussions des forumeurs.
Des jeux développés dans le but d’être racontés, plutôt que joués, il y en a désormais à la pelle : Citons Catastrophe Cow, Diminish et puis bien sûr Vermis, projet plus singulier cette fois qui consiste en un artbook de l'artiste Plastiboo, lequel décrit son travail comme un “pur acte de construction d'un monde inspiré par les vieux jeux de type "dungeon crawler"”. Il s’agit ni plus ni moins du guide officiel d'un jeu qui n'existe pas et il s'avère absolument superbe.
En train de tomber amoureux de Vermis, un guide officiel / artbook / soluce pour un survival horror qui n'a jamais existé <3 <3 <3 pic.twitter.com/DyBycmuL0w
— Mante fraîche (@Pipomantis) April 9, 2023
Une vitrine à talents
Souvent cité dans les discussions sur le sujet, Paul Robertson est terriblement doué quand il s’agit de créer des séquences de faux jeux qui nous donneraient envie de vider notre porte-monnaie. Cet animateur australien au pixel léché et à l’imagerie un peu trash a fait parler de lui pour la première fois en publiant en 2006 un court métrage de 12 minutes tout en noir et blanc baptisé Pirate Baby's Cabana Battle Street Fight 2006, lequel s’apparente à une vidéo de gameplay d’un jeu d'action à défilement latéral extrêmement satisfaisante, mais complètement fictive. Il a depuis donné vie aux images de Scott Pilgrim vs : The Game et Wizorb et publie régulièrement sur sa chaîne personnelle de nouvelles créations exceptionnelles.
D’autres comptes à la volée, qui aiment façonner de faux jeux comme vitrines de leurs talents : Jaya Ply, dont les captures d’écran d’un jeu d’action au tour par tour avec des lapins anthropomorphes ont récolté plus de 30 000 likes. Encore une fois, un rapide coup d'oeil sur la page Thegamesarefake vous offrira un aperçu plutôt sympathique sur les travaux de dizaines d’artistes amateurs et professionnels, et surtout un joli instant de contemplation.
Et puis terminons par citer quelques hommages aux grandes licences aussi, avec “Mother 3 Tribute”, une “lettre d'amour” au troisième jeu de la trilogie qui officiellement, n’a jamais franchi les barrières de l’occident. Une équipe de 22 créatifs ont mis au point une bande-annonce fictive illustrant leur vision d’un MOTHER 3 développé par la technologie moderne. Des images tout aussi populaires que cette vidéo baptisée FINAL FANTASY VII-2 by ToNg qui imaginait, en 2007, ce à quoi pouvait ressembler le septième épisode de Final Fantasy à cette époque.