Si aujourd’hui la Police Nationale se sert du buzz autour de GTA 6 pour sa propre campagne de communication, elle n’a pas toujours apprécié le jeu de Rockstar. En effet, il y a 25 ans, le syndicat général de la police demandait le retrait du soft de toutes les boutiques de l’hexagone.
Sommaire
- La mauvaise pub reste de la pub
- Attention, jeu méchant
- Policiers contre voleurs
La mauvaise pub reste de la pub
Vous n’avez sûrement pas pu passer à côté des divers messages publiés par les comptes de la Police Nationale sur les réseaux sociaux. Face à l’engouement du premier trailer de GTA 6 diffusé le 5 décembre 2023, elle a tenté de surfer sur la vague en lançant “une version RP de GTA 6”, d’après un message publié sur Twitter/X. Dans cette publication, la Police Nationale donnait rendez-vous sur Tik Tok pour y montrer une vidéo inspirée du célèbre jeu de Rockstar. On y voit un conducteur dans une vue à la première personne qui se fait arrêter par un policier lui expliquant que dans la vraie vie… eh bien ce n'est pas comme dans GTA ! Dingue, non ? Cette campagne de communication a rapidement été moquée sur le Net, les commentaires incendiaires se comptant par dizaines. Ne dit-on pas qu’une mauvaise publicité reste de la publicité ?
#GTAVI | Bienvenue dans la version IRL @RockstarGames. On ne va pas attendre 2025 pour lancer la version RP de #GTA6. RDV sur TikTok. pic.twitter.com/5ETEQGtQKA
— Police nationale (@PoliceNationale) December 5, 2023
C’est justement en partant de ce postulat que le premier Grand Theft Auto a réussi à faire parler de lui à la fin des années 1990. Avec une campagne de communication articulée autour de la provocation, souvent outrancière, le titre gagne rapidement une mauvaise réputation auprès de certains journaux généralistes et de quelques responsables politiques. Dans les magazines spécialisés anglo-saxons, les affiches publicitaires mettent en avant des profils variés de délinquants sur une double-page, avec un texte humoristique expliquant leurs côtés sombres. “Je préfère les voitures élégantes et rapides avec de la place à l'arrière. Vous voyez ce que je veux dire ?” peut-on lire sous la photo d’une femme habillée d’un pantalon au motif zébré.
D’autres publicités insistent sur le côté “bad boy” du jeu, rappellent (en rouge) que le soft est déconseillé aux moins de 17 ans, et inscrivent tous les méfaits/délits qu’il est possible de commettre. “Meurtre, folie au volant, proxénétisme, raids de police, adultère”... “ce jeu va être le plus controversé de tous les temps” voit-on sur l’affiche, avec une citation venant de GameFan online.
Attention, jeu méchant
"Toute la Grande-Bretagne est au courant de l'existence de Grand Theft Auto avant même sa sortie" écrit Mathieu Lallart dans le livre "La saga GTA : transgressions et visions de l'Amérique" (Third Edition). En France, BMG Interactive continue la stratégie initiée. “Attention, jeu méchant” peut-on lire sur une des publicités du jeu, avant de laisser place à un autre slogan : “tant qu’à être un salaud, autant être le pire”. À l’instar des affiches publiées outre-Manche, nous ne voyons que peu d’images du jeu. Et c’est normal, GTA est déjà largement dépassé techniquement lorsqu’il débarque en 1997, quand tous les yeux des joueurs sur consoles sont tournés vers des softs tels que Tomb Raider 2 ou Super Mario 64. Il s’appuie donc sur la seule caractéristique qu’il possède pour faire parler de lui : sa violence gratuite.
Cette violence va rapidement être pointée du doigt en France par l’intermédiaire de Jean-Louis Arajol, alors secrétaire général du Syndicat général de la police. Comme le précise Mathieu Lallart dans son livre, le policier a découvert l’existence de ce titre par l’intermédiaire de son jeune fils qui a pu mettre les mains dessus grâce à une démo distribuée dans le magazine officiel PlayStation. En janvier 1998, le Syndicat réclame tout simplement le retrait de GTA. La presse de l’époque relate cette information et met ainsi le titre de BMG Interactive sous le feu des projecteurs. Les journaux télévisés diffusent des sujets retraçant les multiples extravagances de ce jeu vidéo où l’objectif est de “devenir l’ennemi numéro un, en abattant au passage passants et policiers”.
1998 : le jeu vidéo "GTA" débarque en France et inquiète... les policiers ! 🎮🚓#GTA6 pic.twitter.com/M1fgyr6IWB
— INA.fr (@Inafr_officiel) December 5, 2023
Policiers contre voleurs
“L’enfant qui tient la manette peut devenir le premier criminel de la ville” s'indigne Jean-Louis Arajol dans un reportage diffusé sur TF1. Daniel Guerin, le responsable investigation du Syndicat général de la police, regrette qu’il soit demandé de “livrer de la drogue” et d’effectuer des “meurtres”, ce qu’il considère comme “particulièrement inquiétant pour les enfants”. “Dire à des jeunes qu’ils vont gagner la partie (...) s’ils tuent énormément de flics (...), moi je trouve qu’il y en a assez de ces jeux-là qui incitent (...) à la haine anti-flics” renchérit Jean-Louis Arajol. Le pédopsychiatre interrogé insiste sur le fait que “certains enfants et adolescents ne font pas vraiment la distinction entre le réel et l’imaginaire” et qu’ils peuvent voir en GTA “un modèle de comportement dans la réalité”.
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Du côté de l’éditeur, BMG Interactive, on tente de montrer patte blanche. Benoit Deniau, le directeur général de l’entreprise, explique avoir appliqué une recommandation aux plus de 16 ans “de sa propre initiative”. “Moi-même, je ne souhaite pas que ma fille de 8 ans joue avec ce jeu” reconnaît-il. Il ajoute néanmoins qu’à l’école, les enfants ont envie à la fois d’incarner le gendarme que le voleur, ce qui sous-entend qu’incarner le “méchant” fait aussi partie, d’une certaine manière, de notre éducation, quand bien même elle se ferait par le jeu. Quelques jours plus tard, le sénateur Philippe Darniche interpelle le gouvernement pour que ce dernier interdise en France “l’importation, la vente ou la distribution de ce jeu vidéo inacceptable par son contenu et intolérable pour son graphisme” (sic). De façon plus globale, le sénateur demande le retrait de tous les jeux “défiant toute morale humaine et civique”. Finalement, le ministère de l'Intérieur n'opte pour aucune forme d’interdiction.
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Grand Theft Auto devient vite le jeu dont tout le monde parle. Son aspect provocant – décrit par les journaux de l’époque – lui procure une popularité inespérée. À l’avenir, chaque nouvel épisode engendrera son lot de polémiques. Grand Theft Auto III sera perçu comme misogyne avec ses prostituées qui rechargent la barre de vie, Grand Theft Auto IV sera vu comme un défouloir anti-flics avec ses policiers n’apportant que peu d’opposition, et Grand Theft Auto V sera soupçonné de faire l’apologie de la torture. Les polémiques autour de Grand Theft Auto VI ont déjà commencé alors que le jeu est encore loin d’être disponible, à cause d’une bande-annonce jugée trop vulgaire, voire dégradante pour l’image de la femme. Pendant ce temps-là, Rockstar et Take-Two s'apprêtent à compter les billets.