Le premier trailer de GTA 6 a donné naissance à deux camps… L’un fait état de l’usage de la satire, l’autre dénonce (entre autres) l’hypersexualisation des femmes. Au milieu, on trouve une franchise qui s’est toujours moquée des dérives de la société Américaine mais qui semble à présent coincée dans une réalité si décadente que la caricature n’a plus sa place. Nous avons voulu y voir plus clair.
Le gros reveal de GTA 6 a fait trembler internet et il y a eu de la casse au passage. Dans une courte vidéo d’1min30 (qui a dépassé les 90 millions de vues en à peine 24h), Rockstar dévoile le cadre de son prochain blockbuster : la ville de Vice City, ouvertement inspirée de Miami Floride, où les décors de carte postale cachent un goût prononcé pour l’excès, la luxure, le culte de soi ! Dans un montage “réseaux sociaux”, le studio dépeint une sorte de grand n’importe quoi, avec un homme qui s’attrape l’entre-jambe sur le bas-côté de l’autoroute ; un alligator qui va faire ses courses ; et des femmes qui twerks à gogo, que ce soit dans les clubs ou sur le toit d’une voiture en marche... Un bordel ambiant qui fait écho à notre réalité. D’ailleurs, la plupart de ces scènes sont tirées de véritables faits-divers.
Une représentation qui n’a pas manqué de faire réagir sur la toile - en particulier en ce qui concerne l’hypersexualisation de la femme... BFM en a même tiré un article à part entière - qui pointe du doigt les “corps sexualisés” dans une “bonne partie de la bande-annonce” malgré l’arrivée de Lucia, le 1er protagoniste féminin jouable de la série. Un article qui a depuis été critiqué par plusieurs créateurs de contenu français, dont Mohammed Aigoin de Jeux Vidéo Magazine et Julien Chièze. “Pour moi, le message est clair : (GTA 6) est une satire, une caricature (...) qui repose en plus sur un copier-coller de faits qui se sont réellement déroulés”, affirme l’ex-rédacteur en chef de Gameblog, dans sa vidéo.
Quand la réalité rattrape la satire !
Deux camps semblent se former. “Ce qu’il y a d’intéressant avec le trailer de GTA 6, c’est qu’on a ce côté progressiste de « on met une femme en tant que protagoniste » et, en même temps, on essaie de provoquer en montrant des femmes qui twerkent”, nous explique Mathieu Lallart, auteur de Saga GTA : transgressions et visions de l'amérique chez Third Editions - que nous avons joint par Discord.
“Généralement, les premiers trailers de Rockstar montrent le monde, des paysages et là, on peut se demander si l’équipe ne considère pas que « voilà, le monde actuel c’est ça », c’est-à-dire pas juste des paysages, c’est des gens tout le temps, partout, qui font parfois des choses absurdes”, poursuit Mathieu Lallart... “On est dans un monde de sur-information et c’est un peu ce que dit la vidéo aussi (...) la bande-annonce elle-même est une surabondance d’informations, c’est ça qui est intéressant”.
La satire, outil qui n’excuse pas tout
Cependant, l’auteur considère qu’il ne faut pas utiliser la satire comme “un espèce de passe-partout qui permettrait de tout justifier”. “Je suis moyennement convaincu par l’argument qui consiste à dire « c’est le monde réel, du coup, on peut le représenter tel quel » - je pense que ça peut permettre des dérives qu’on n’espère pas vraiment voir dans un jeu vidéo”. Mais surtout, Rockstar sait ce qu’il fait :
Déjà, je pense que l'art est un moyen d'expression, et qu'il n'a pas fondamentalement un devoir d'exemplarité. Je pense que c'est assez naïf de croire qu'une si grosse production, avec de tels enjeux, se risquerait à faire totalement n'importe quoi. C'est un vrai travail de minutie, même dans la provocation.
J'ai écrit sur GTA justement pour montrer que la saga est bien plus intelligente que certains pensent. Des personnes la voient comme un truc abrutissant dans lequel on écrase des piétons, mais il y a en réalité une vraie philosophie, un vrai rapport à la ville, au monde et à la responsabilité du joueur (qui n'est par exemple pas obligé de frapper des femmes ou d'écraser des gens).
Comme je vous disais avant, il y a quelque chose de provoquant à montrer des femmes pouvant paraître sexualisées, voire vulgaires, tout en promettant d'incarner Lucia. C'est-à-dire jouer une femme pour la première fois de l'ère moderne de la série - Mathieu Lallart
Sortie de route pour Grand Theft Auto ?
Bref, les papas de Grand Theft Auto ne sont pas des fous du volant. “Il y a un vrai risque dans le fait de mêler réalité et fiction à ce point (...) un risque de ne plus être compris comme une satire, mais je suis quand même plutôt confiant”. Selon Mathieu Lallart, l’avant-goût de GTA 6 n’est pas une finalité et ne dévoile pas toute l’étendue de la dimension satirique… “On se focalise sur la représentation de la réalité et on en oublie presque le côté fiction”, affirme l’auteur. “Le trailer parle finalement très peu des personnages, on n’a pas de certitude sur tout ça”. Le titre est prévu en 2025 (PS5 | Xbox Series).