Personne n'est inatteignable, pas même Rockstar dont la sécurité a déjà été brisée à de rares reprises. Rares, mais suffisamment importantes pour être signalées : c'est notamment le cas du jeu Manhunt, qui pose toujours problème aujourd'hui.
Costaud, mais imparfait
Fin 2022, Rockstar subissait une énorme fuite qui exhibait les premières images d'un Grand Theft Auto VI en plein développement : un buzz énorme sur le net et dans l'industrie vidéoludique, provoquant la grogne (légitime) d'une firme depuis longtemps incontournable dans le paysage médiatique.
Pourtant, ce n'est pas la première fois que Rockstar se fait avoir. En 2010, des dataminers se rendaient compte que leur version PC de Max Payne 2, achetée directement depuis Steam, contenait en fait les traces d'un crack signé Razor 1911, enfoui dans le fichier .exe. Ce crack servait à la base à pouvoir jouer au jeu sans avoir besoin du disque, quand le format physique était encore bien présent dans le secteur Windows.
Puis, les joueurs se sont rendus compte que Max Payne 2 n'était pas un cas isolé : Midnight Club II et Manhunt sont aussi concernés. La version piratée de ces jeux est pourtant celle que Rockstar a mis en ligne sur Steam, afin de la vendre au public.
OH FOR CHRIST'S SAKE https://t.co/y9jLN61VOf pic.twitter.com/vx8yDcz1B3
— Silent (@__silent_) September 3, 2023
Une histoire de DRM
Le YouTuber Vadim M vient récemment de poster une vidéo, explorant le problème et notamment pour Manhunt et Max Payne 2. Comme dit précédemment, le crack Razor 1911 servait originellement à lancer le jeu sans avoir besoin du disque et à contourner les DRM. On s'explique : quand vous lancez Manhunt, la première couche des DRM ("Digital rights management" pour rappel) va vérifier si vous avez bien le disque du jeu. Cet "examen" s'appelle SecuROM.
La deuxième phase des DRM réagit en fonction de la première. Si vous avez bien le disque du jeu, alors vous pourrez jouer librement (encore heureux, diront certains) ; si vous ne l'avez pas, alors le jeu se rendra compte du piratage et fera tout pour nuire à votre expérience. Par exemple, toutes les portes se verrouilleront dès que vous en ouvrirez une et obtenir des objets de santé provoquera des freezes, jusqu'à ce que le titre ne réponde plus aux touches appuyées après un quart d'heure de jeu.
Pour contrer cela, le crack Razor 1911 a émulé les fonctions de vérification dans les DRM, rendant le jeu totalement jouable sans disque. Le hic, c'est que pour une raison ou pour une autre, Rockstar avait bel et bien cette vendue piratée au public sur Steam.
Puni pour être droit dans ses bottes
Devant le bad-buzz, Rockstar avait alors remplacé les fichier .exe piratés par d'autres "nettoyés" de tout crack, en 2010. Pour Manhunt par exemple, c'est encore cette version qui est vendue aujourd'hui sur la plateforme de Valve : le vrai gros problème, c'est qu'en supprimant le crack du fichier du jeu, Rockstar a aussi supprimé tous les fichiers SecuROM et l'a mis à jour, provoquant l'activation de tous les malus normalement destinés aux pirates dont nous vous parlions plus haut. Résultat des courses : si vous avez acheté le titre sur Steam après 2010, vous avez donc une version injouable, bien que parfaitement légale.
"Ce qui me préoccupe ici, c'est qu'ils n'ont pas analysé le code binaire pour comprendre exactement ce qui est corrigé dans la copie Razer 1911, ou qu'ils l'ont vu et l'ont laissé", avoue un expert en cyber-sécurité. "Je n'arrive pas à imaginer que leurs ingénieurs aient vu ça et décident de ne pas masquer le crack Razer 1911 pour le dissimuler."
Alors, pourquoi Rockstar aurait-il consciemment vendu une version piratée de son propre jeu aux internautes ? La firme n'a souhaité donner aucune réponse, mais une théorie subsiste : déjà à l'époque, puisque plus personne ne possédait de version physique de jeux PC, Rockstar se serait simplement servi du crack (après tout très fonctionnel) pour vendre directement des copies numériques, sans avoir à investir du temps et de l'argent soi-même pour rendre ces copies jouables sans disque. Une sacrée histoire...