Tombée hier en fin de journée, la nouvelle a fait grand bruit : Microsoft a triomphé de la FTC aux États-Unis. Cela signifie que le géant américain a le droit de fusionner avec Activision Blizzard King sur sa terre natale. L’avis de la juge Jacqueline Scott Corley expliquant le rejet de la demande d’injonction préliminaire du régulateur, qui tient sur une cinquantaine de pages, contient des formules fortes contre Sony et sa PlayStation. Une question demeure : sommes-nous vraiment en train de vivre les derniers chapitres de ce feuilleton mouvementé ?
Sommaire
- Une étape de plus vers le rachat d’Activision Blizzard King par Microsoft
- Du sang, des larmes et des pixels
- "Mauvais pour Sony, bon pour les joueurs"
Une étape de plus vers le rachat d’Activision Blizzard King par Microsoft
Inquiète de voir Microsoft clôturer son rachat plus rapidement que prévu, l’autorité de la concurrence américaine (FTC) avait demandé une injonction à un tribunal fédéral afin d’empêcher le rapprochement entre le créateur de Windows et celui de Call of Duty. Après des audiences qui se sont étalées sur cinq jours, le tribunal fédéral du district nord de la Californie a révélé qu’il rejetait la requête de la FTC. Selon la juge Corley, aucun élément n’a réussi à prouver que cette fusion réduirait la concurrence sur les marchés des consoles ou des abonnements. Conséquence attendue de cette décision, l’action d’Activision s’envole pour s’approcher du montant promis aux actionnaires de la société en cas de fusion validée. Les marchés sont donc convaincus que l’acquisition aura bien lieu.
Il reste cependant deux épines plantées dans le pied du mastodonte de Redmond. La première – la plus grosse – vient de Grande-Bretagne avec le blocage de la CMA datant du mois d’avril. Quand la Commission européenne a validé le rachat en mai dernier, le régulateur britannique a répété sa farouche opposition au rapprochement. Néanmoins, le camouflet subi par la FTC outre-Atlantique semble avoir désarçonné l’organisme anglais. Bloomberg nous apprend que le contentieux entre Microsoft et la CMA est actuellement mis en pause, le régulateur précisant être ouvert aux propositions concernant ses préoccupations. D’après CNBC, les équipes de Satya Nadella auraient déjà proposé “une petite cession” pour répondre aux objections du régulateur britannique. Une proposition qui ne serait peut-être pas suffisante. S’exprimant chez The Verge, le régulateur britannique a révélé qu’une “restructuration de l’opération” était envisageable, bien que cela puisse mener “à un nouvelle enquête”. “Ces discussions n'en sont qu'à leur début et la nature et le calendrier des prochaines étapes seront déterminés en temps voulu” ajoute la CMA.
L’autre épine, bien que plus petite désormais, vient du procès initial de la FTC, toujours prévu pour s’ouvrir au début du mois d’août. Théoriquement, il pourrait contraindre Microsoft à oublier Activision, bien que le jugement du tribunal administratif ne laisse planer que peu de doutes quant à la victoire finale des parents de Windows. En outre, l’autorité de la concurrence américaine envisagerait de faire appel de la décision du tribunal, histoire de retirer toute marge de manoeuvre possible à Microsoft. Pour le moment, les agences régulatrices plient mais ne rompent pas. L’épilogue annoncé du feuilleton Xbox/Activision serait-il en train de nous mener vers une deuxième saison ?
Du sang, des larmes et des pixels
Sur Internet, les réactions sont d’ores et déjà nombreuses. Sans surprise, le côté vert célèbre cette victoire importante tandis que du côté bleu, c’est la soupe à la grimace. Sur Twitter, la juge Corley est félicitée mais aussi insultée, voire menacée. Certains observateurs se demandent encore comment Sony pourra riposter. Malgré tout, dans sa grande globalité, les utilisateurs des réseaux sociaux paraissent ravis de ce verdict qui annonce – enfin – le point final d’un projet de rachat dont les frasques ont passionné au moins autant qu’elles ont lassé.
En ce qui concerne les positions officielles, Brad Smith, président de Microsoft, déclare concentrer ses efforts sur la CMA dans le but de trouver un accord. Phil Spencer, le boss du gaming chez Microsoft, a quant à lui remercié le tribunal “d’avoir rapidement tranché” en faveur de son groupe, insistant sur le fait que “les affirmations de la FTC ne reflétaient pas les réalités du marché des jeux”. Il assure une nouvelle fois que sa société “veut proposer davantage de jeux à un plus grand nombre de personnes”. Enfin, Bobby Kotick, le boss d’Activision, se dit ravi de voir que “les États-Unis rejoignent les 38 pays où le rachat peut être mis en œuvre”.
"Mauvais pour Sony, bon pour les joueurs"
Dans son avis expliquant le rejet de la demande d’injonction préliminaire, la juge Jacqueline Scott Corley précise de nombreux points sur les raisons de sa décision. D’après elle, la FTC n'a pas démontré qu'elle obtiendrait gain de cause en affirmant que la fusion pourrait réduire la concurrence de manière substantielle. “Au contraire, les éléments du dossier indiquent que les consommateurs auront davantage accès à Call of Duty ainsi qu’à d'autres contenus d'Activision” si l'acquisition se fait, précise-t-elle. Elle ajoute que la FTC “n'a effectué aucune analyse quantitative” sur la manière dont “l'exclusivité de Call of Duty sur le Game Pass pourrait nuire à la concurrence”. De ce fait, cela ne poserait théoriquement aucun problème si Microsoft privait le PS Plus de Call of Duty à l’avenir. Elle rappelle qu’ici, la question est de savoir si la fusion est susceptible de réduire la concurrence, et non de savoir si Microsoft pourrait se saisir d’un marché à l’aide d’Activision.
Le tribunal a également retourné les déclarations de Jim Ryan contre lui. À propos des dev-kits PS6 qui ne seraient pas envoyés à Activision en cas de rachat validé, la juge Corley écrit que protéger la décision de Sony de retarder sa collaboration avec Microsoft, et donc l'accès des possesseurs de PlayStation aux contenus de Microsoft, n'est pas favorable à la concurrence. Elle affirme également que l'importance accordée par la FTC au témoignage de Jim Ryan n'est pas convaincante. Bien qu’elle comprenne que Sony désapprouve la fusion, elle ne comprend pas en quoi ce rachat serait mauvais pour les consommateurs en règle générale. "C'est peut-être mauvais pour Sony, mais c'est bon pour les joueurs de Call of Duty et les futurs joueurs” note-t-elle. Voilà une réflexion qui devrait plaire au patron de Sony Interactive Entertainment. À propos des exclusivités sur consoles, excepté Call of Duty, tous les autres jeux Activision pourraient ne sortir que sur Xbox/PC si Phil Spencer le décidait.
Le tribunal semble aussi avoir été sensible aux pratiques de l’entreprise japonaise qui “profite de son pouvoir sur le marché pour obtenir des traitements de faveur de la part des développeurs tiers”. L’arroseur pourrait-t-il devenir l’arrosé dans un futur proche ? Enfin, sur la base des éléments de preuve analysés par le tribunal, la juge Corley constate que le marché des consoles est en train de rétrécir, et non de croître. “Les consoles ne sont plus l’avenir du jeu vidéo” écrit-elle. Voilà sûrement pourquoi Microsoft se démène pour mettre au point un écosystème accessible sur une multitude de périphériques par l’intermédiaire de son Game Pass.