Avant Tears of the Kingdom, saviez-vous qu’un autre Zelda était à la base prévu comme un DLC ? Aujourd’hui, on vous raconte l’histoire de "Gaiden", l'extension d'Ocarina of Time devenue Majora's Mask.
Avec 96/100 sur Metacritic et 10 millions d’exemplaires vendus en trois jours, Zelda Tears of the Kingdom est un succès absolu. Pas mal pour ce qui devait être, à l’origine, un ou plusieurs DLC à Breath of the Wild (le précédent épisode). « Nous nous sommes dits : “Il y a beaucoup trop (d’idées), autant développer un nouveau jeu en repartant de zéro" », a expliqué Eiji Aonuma, célèbre producteur de la licence. Ce n’est pas la première fois que Nintendo fait le coup. À la base, Majora's Mask, l'OVNI de la franchise sorti en 2000 sur Nintendo 64, était prévu comme un simple « add-on » à Ocarina of Time. Nom de code, « Ura Zelda ». Les ambitions d’Eiji Aonuma l’emporteront - encore -, au final. Mais, contrairement à Tears of the Kingdom, le temps est compté : les équipes n’ont qu’un an pour développer leur titre.
De Ura Zelda à Zelda Gaiden
Lorsqu'Ocarina of Time sort en 1998, sur Nintendo 64, c’est un énorme succès : près de 7,6 millions d’exemplaires (quatrième meilleure vente de la console). Presque toute la presse lui accorde la note ultime, loue ses graphismes 3D révolutionnaires et la richesse de son gameplay. Avec le recul, la chaîne YouTube GameTrailers l’a même surnommé « l’office des brevets ambulants » tant ses fonctionnalités sont devenues « la norme de l’industrie ». Bref, à l'époque, tout va bien chez Nintendo. Seulement, les équipes sont frustrées. Elles n’ont pas pu intégrer tout le contenu désiré, notamment certains ennemis et cinématiques, ainsi qu’un donjon baptisé le "Temple du Ciel". C’est là qu’intervient « Ura », DLC initialement conçu pour la Nintendo 64DD (une extension de la célèbre machine dédiée aux projets plus ambitieux). L’ajout de contenu devait apporter de nouveaux niveaux et boss, en plus d’améliorer les graphismes et le gameplay.
Seulement, Eiji Aonuma, alors level designer sur Ocarina of Time, ne souhaite pas étoffer un soft déjà considéré comme « parfait ». Il va à la rencontre de Shigeru Miyamoto, producteur du projet, et lui propose plutôt de développer un titre à part entière, lui soumettant des donjons créés en secret. Miyamoto accepte, conscient que Nintendo bénéficiera de l’engouement de l'épisode 64, mais à une seule condition : réaliser le tout en un an. « Nous étions confrontés à une question très difficile “quel genre de jeu pourrait succéder (à Ocarina of Time)” ? », racontera Aonuma, à la GDC 2004. Nous sommes en janvier 1999, Ura passe entre les mains d’une autre équipe - et deviendra plus ou moins l’extension Master Sword. C'est là que le développement de "Zelda Gaiden", la vraie suite d’Ocarina of Time, débute. Le défi est encore plus ambitieux quand on sait que Nintendo travaillera la même année sur The Wind Waker, l'opus GameCube.
Mais un an, c’est très court. Heureusement, Yoshiaki Koizumi, développeur, trouve le concept phare : Link devra sauver la région de Termina d’une lune géante, qui menace de s'écraser d'ici une semaine ("in-game"). Le héros aura une seule solution, manipuler le temps pour empêcher la catastrophe. « À l’origine, j’avais conçu un jeu de société, basé sur le thème des flics et des voleurs. Je voulais faire en sorte (...) d'attraper le criminel en une semaine et j’ai voulu ajouter cette idée à Zelda Gaiden », explique Koizumi, dans une interview avec Famitsu. Certaines interviews évoquent aussi le film allemand Run Lola Run, où une jeune fille est coincée dans une boucle temporelle, comme source d’inspiration. Finalement, au cours du développement, seuls trois jours sur sept sont gardés pour avoir moins de contenu à créer et faciliter la progression du joueur.
La naissance de Majora's Mask
En août 1999, les premières images de Zelda Gaiden sont rendues publiques, notamment lors du Nintendo Space World de l'époque. On y voit Link en compagnie de Skull Kid, antagoniste principal du futur Majora’s Mask. Le design de la région Termina est défini, tout comme la plupart des niveaux (si ce n’est quelques changements de couleurs et de textures). Même la lune, qui n’a pas encore de visage, menace. Surtout, notre héros peut déjà se transformer grâce aux masques, autre élément central du projet. Dans certains magazines, on peut par exemple apercevoir un visage de Link adulte, laissant supposer que le jeune garçon serait capable de retrouver sa forme âgée (ou du moins, se faire passer pour elle). Cet objet n’apparaîtra finalement pas dans la version finale - au même titre que d’autres éléments. Dans Majora’s Mask, ces déguisements impactent le gameplay et permettent parfois même de se transformer nouvelle créature.
Dès lors, Gaiden est bien entamé et continuera sa route sans embûches. Au Japon, il sera renommé un temps Zelda : Mask of Mujula, pour ensuite adopter son nom définitif à l’international : Majora’s Mask (inspiré de la culture brésilienne de Marajoara). C’est finalement en avril 2000 que le grand public peut découvrir la suite d'Ocarina of Time, et comme ce dernier, c'est un succès critique (95/100 sur metacritic). Si, dans le monde, il s’est vendu deux fois moins qu’Ocarina of Time (3,3 millions de ventes ) il a su marquer grâce à sa boucle temporelle, ses masques et son ambiance, très glauque. Pour le magazine Edge, il s’agit « du plus étrange, du plus sombre et du plus triste de tous les jeux Zelda ». Pour les fans, cette nouvelle aventure représenterait même le parcours du deuil de Link (en réalité mort depuis le début). Ce qui est certain, c'est qu'encore aujourd'hui, avec des idées à gogo qui passent du DLC au jeu part entière, le célèbre héros est encore vivant pour longtemps.