Avant Super Mario Bros Le Film, il y a eu « Super Mario Bros » tout court, en 1993. Il s’agit d’une adaptation en prise de vue réelle des aventures du célèbre plombier. C’est également la première fois qu’un jeu vidéo est adapté au cinéma, avec une sortie mondiale. Son accueil est extrêmement négatif. On reproche au long-métrage d’être trop léger, caricatural et kitch, ces mêmes défauts qui feront de lui plus tard un nanar des années 90. Du côté des notes, Allociné lui attribue 1.5/5, et sur Rotten Tomatoes, on trouve 15 % d’avis positifs. En France, malgré les près de 50 millions de dollars investis, il ne fait même pas 400.000 entrées. Le film déçoit, mais vu son élaboration particulièrement rocambolesque, cet échec est plutôt compréhensible.

Un Mario à la sauce Die Hard, Mad Max et Blade Runner

C’est au départ le producteur Roland Joffé (The Killing Fields) qui a l’idée d’adapter Mario au cinéma. Après avoir récupéré les droits d’exploitation auprès de Nintendo, il s’offre les services de Barry Morrow (Rain Man), qui écrira le premier scénario. À l’époque, le film devait suivre les deux frères dans un road trip « existentiel ». Finalement, l’idée est abandonnée. « C’était plus une pièce dramatique sérieuse qu’une comédie amusante » décrit Fred Caruso, alors co-producteur.

Tout le monde repart donc de zéro. Après des essais avec d’autres scénaristes, Joffé compte sur Parker Bennett et Terry Runte, connus pour Mystery Date, qui vont se charger du scénario final. Côté réalisation, Rocky Morton (Max Headroom) et Annabel Jankel (Tell it to Bees) sont engagés. C'est décidé, leur approche de l’adaptation sera plus sombre, à l’image de Batman (1989). Alors que le pitch de Bennet et Runte fait consensus, les deux réalisateurs s’en lassent et tout est à nouveau réécrit. Quelque temps plus tard, les deux scénaristes sont virés et remplacés par Dick Clement et Ian La Frenais (Souris City). Sauf que cette fois, le scénario est trop adulte : les producteurs optent pour Ed Solomon (Men in Black). Parker Bennett et Terry Runte reviennent également. C'est ce trio de tête qui apparaîtra dans les crédits du film.

Enfin, après de longs mois, l’intrigue finale se dessine. Super Mario Bros n’adaptera pas le jeu, mais servira à raconter « la véritable histoire » derrière la licence de Nintendo. Le tout avec une inspiration Die Hard, Mad Max et Blade Runner. Tout commence donc à Brooklyn, un arrondissement de la ville de New York. On y retrouve Mario et Luigi, deux plombiers fauchés à la recherche d’un boulot. Un soir, ils rencontrent l’archéologue Daisy, dont Luigi tombe immédiatement amoureux. Lors d’un rendez-vous en tête à tête, elle se fait enlever et emmener dans une dimension dystopique où les humains ne descendent pas des primates, mais des dinosaures. Il n’y a qu’une seule ville, Dinohattan, envahie par un champignon et dirigée par le dictateur Koopa. L'objectif de ce grand méchant : se servir de Daisy (qui est en réalité la princesse du Royaume) pour unifier et régner sur les deux mondes. Ni une ni deux, Mario et Luigi se mettent à la recherche de la jeune fille et tentent d’empêcher le pire.

Un tournage catastrophique

C’est un casting en or qui accompagne Super Mario Bros 1993 : Bob Hoskins (Qui veut la peau de Roger Rabbit) devient Mario, John Leguizamo (Roméo+Juliette) est Luigi, Dennis Hopper (Blue Velvet) incarne Koopa aka Bowser, et Daisy est jouée par Samantha Mathis (American Psycho). Seulement, mauvaise nouvelle : depuis la signature du contrat, le scénario a changé. Qui plus est, les allers-retours des différents scénaristes ne laissent pas le temps aux acteurs d'apprendre leur texte. Plusieurs stars se laissent aller. Mario et Luigi consomment de l’alcool entre deux prises, Koopa braille sur tout le monde, l’équipe évite des accidents mortels. Après un montage encore plus chaotique, le film est un échec au box-office. Alors qu’il a coûté 48 millions de dollars, il n’en rapporte que 20 millions. Pourtant, il n’a pas laissé de marbre.

Super Mario Bros, un vrai bon nanar ?

Super Mario Bros 1993 est un mauvais film qui a eu un développement catastrophique, mais qui aurait pu être bien pire. À sa sortie, The Los Angeles Times déclare : « C’est un long-métrage divisé en deux : extrêmement accompli d'un côté, extrêmement défaillant de l'autre. » Pourtant, les critiques ont salué l’audace des réalisateurs Rocky Morton et Annabel Jankel. Il faut se rappeler que le jeu vidéo Super Mario Bros n’avait quasiment aucune intrigue. On contrôlait Mario qui devait secourir Peach en sautant de plateforme en plateforme, et c’est tout. Accoucher d'un univers dystopique, d'une histoire de dinosaures et donner une personnalité à Mario et Luigi, relève presque de l’exploit. Si le long-métrage s’éloigne de l’univers originel, il s’amuse à le référencer sans cesse. Même le royaume champignon est présent, sous la forme d’une mycose dévastatrice. Pour le reste, on a par exemple Luigi qui mentionne les carapaces volantes, Mario qui utilise une Bob-omb, Yoshi fait une apparition. D’ailleurs, ce fameux dinosaure fait pâle figure quand on sait que la production est sortie au cinéma deux semaines avant Jurassic Park.

Cela n’empêche pas le film d’être innovant ! C’est le premier à utiliser le logiciel d’effets spéciaux Autodesk Flame, aujourd'hui très populaire dans l’industrie. C’est aussi le premier à faire appel à "l'intermédiaire numérique", un processus de finition qui permet de manipuler la couleur et l’image. Cela a permis de créer des effets spéciaux sur plus de 700 plans. L’effet de désintégration sur Koopa et Mario est également considéré comme un lointain cousin du claquement de doigts de Thanos, dans Avengers Infinity War. Alors oui, il reste un mauvais film Mario, ce qui ne l’empêche pas de rester très plaisant pour celles et ceux qu’ils l’ont regardé enfant, ou qui le redécouvrent en tant que nanar. Avec les années, c’est toute une communauté qui s’est fédérée autour du long-métrage. Certains acteurs ont même appris à l'aimer. John Leguizamo (Luigi) expliquait : « je suis fier rétrospectivement. »  Le créateur de Mario, Shigeru Miyamoto, a quant à lui déclaré : «À la fin, c’était un projet très amusant dans lequel tout le monde a mis beaucoup d’efforts ».